Afrique: Macky Sall et l'UA /février 2022-fevrier 2023 - Le bilan d'une présidence

17 Février 2023
analyse

Dans trois mois, l'Organisation de l'unité africaine (Oua) dont la charte constituante a été signée le 26 mai 1963, à Addis-Abeba, par les représentants de 31 pays, aurait fêté ses soixante années d'existence. Hélas ! Depuis vingt-et-une année et le 09 juillet 2002, elle a été dissoute. À sa place fut créée, à Durban, en Afrique du Sud, l'Union africaine (Ua), en application de la déclaration de Syrte du 09 septembre 1999, et du traité international l'instituant signé le 11 juillet 2000, à Lomé, au Togo.

Une organisation continentale que dirige, depuis le 05 février 2022, le Président du Sénégal, qui devenait, pour une année, le 20ème Président de l'As- semblée de l'Ua. Une année après, au terme d'un agenda international surbooké, aux commandes de l'organisation continentale, et en perspective de son passage de témoin au Président de l'Union des Comores, Azali Assoumani, "Le Soleil" revient sur les temps forts d'un magistère mis à profit pour porter et faire avancer de grands chantiers si chers au Continent.

" Les défis de l'Afrique restent nombreux et pressants, mais... " !

Il y a une année, lorsque le Président du Sénégal prenait les commandes de l'Ua, l'avaient précédé à cette station, dix-neuf Chefs d'État : Thabo Mbeki (Afrique du Sud), Joaquim Alberto Chissano (Mozambique), Olusegun Obasanjo (Nigeria), Dénis Sassou Nguesso (Congo), John Kufuor (Ghana), Jakaya Mrisho Kikwete (Tanzanie), Mouammar Kadhafi (Libye), Bingu wa Mutharika (Malawi), Teodoro Obiang Nguema Mbasogo (Guinée équatoriale), Thomas Yayi Boni (Bénin), Haile- mariam Dessalegn (Éthiopie), Mo- hamed Ould Abdel Aziz (Maurita- nie), Robert Mugabe (Zimbabwe), Idriss Déby (Tchad), Alpha Condé (Guinée), Paul Kagame (Rwanda), Abdel Fattah al-Sisi (Égypte), Cyril Ramaphosa (Afrique du Sud) et Félix Antoine Tshisekedi (République démocratique du Congo).

%

Le passage de témoin avec le Président sortant s'était tenu lors de l'ouverture du 35ème sommet ordinaire de l'Ua, à son siège, à Addis Abeba, capitale de l'Éthiopie.

Lors de sa prise de fonction, le Président Macky Sall avait d'emblée rappelé que " les défis de l'Afrique restent nombreux et pressants ", citant ainsi " la paix et la sécurité, la lutte contre le terrorisme, la protection de l'environnement, la santé et le développement économique et social ", ainsi que " la recrudescence du phénomène des coups d'Etat, qui constitue une atteinte majeure à la démocratie et à la stabilité institutionnelle sur le continent ".

Mais, avait-il rassuré, " ces chantiers pourraient certes prendre du temps, mais il me semble nécessaire de passer des revendications aux actes en jetant les fondements de leur construction ", jurant de poursuivre, dans l'immédiat, son plaidoyer pour la réallocation des Droits de tirages spéciaux. Saluant l'émission historique de Dts à hauteur de 650 milliards de dollars, il a, tout de même, plaidé pour un financement additionnel d'au moins 252 milliards de dollars d'ici à 2025.

Les huit propositions au sommet de Bruxelles

Dans son discours prononcé au 6ème Sommet Ue-Ua, qui s'est tenu les 17 et 18 février 2022, à Bruxelles, le Président Macky Sall avait soumis huit propositions comme contribution à ce qu'il considérait " la définition de notre nouveau partenariat ". D'abord, " travailler ensemble au renforcement de notre collaboration en matière de paix, de sécurité et de lutte contre le terrorisme, à travers la Facilité européenne pour la paix (Fep) ".

Ensuite, il a sollicité " l'appui de l'Europe pour accélérer le processus de réallocation des DTS ", et " l'assouplissement des règles de l'Ocde afin de mieux faciliter l'accès de nos pays au crédit export, à des conditions de maturité plus longue et des taux d'intérêts, plus soutenables, pour renforcer l'investissement et les échanges commerciaux entre nos deux continents ". Il a souhaité "œuvrer ensemble avec l'Europe pour la révision des critères d'évaluation du risque d'investissement en Afrique", appelant à " la simplification des formalités et procédures liées aux conditions de financement des projets, dans le respect des règles de bonne gouvernance et de transparence ". Sixièmement, Macky Sall a appelé à " agir de concert pour un meilleur accès aux vaccins et le renforcement des capacités pharmaceutiques africaines ", et à " conjuguer nos efforts pour la protection du climat et la justice climatique ". Et enfin, " le rapatriement du patrimoine de l'Afrique".

L'intégration de l'UA au sein du G20 !

A l'occasion de la cérémonie d'ouverture du 9e Forum mondial de l'Eau tenu le 21 mars 2022 à Diamniadio, sous le thème : sécurité de l'eau pour la paix et le développement, le président en exercice de l'Ua avait plaidé une place de l'Union africaine au sein du G20. " L'Afrique compte plus d'un quart des pays membres des Nations Unies, 30 millions de Km2, 1,4 milliard d'habitants, et forme, ensemble, la huitième économie mondiale ", disait-il. Poursuivant, en outre, la " prophylaxie " des tensions autour de l'eau par le dialogue et la concertation, au sein et entre les pays, il a indiqué que " c'est un impératif vital qui nous engage tous : Gouvernements, Institutions internationales, organismes de bassins, élus locaux, parlementaires, secteur privé, société civile, et citoyens ".

Il a ainsi tenu à " encourager " davantage la gestion concertée des bassins transfrontaliers pour prévenir les risques de conflits et demandé de " poursuivre la mise en place de systèmes de régulation efficaces et socialement équitables ; parce que l'eau ne peut être considérée comme un simple bien économique dont l'exploitation est soumise à la loi du marché ". Enfin, Macky Sall a appelé à " promouvoir davantage l'économie circulaire d'assainissement, par le traitement et le recyclage des eaux usées, afin de réduire l'impact environnemental et sanitaire, et stimuler en même temps la création de nouvelles activités génératrices de revenus ".

"Nos économies sont à la fois sous financées et mal financées "

Le 14 mai de la même année, Macky Sall déclare à Dakar, en marge de la Conférence du Cercle des économistes, que le développement du continent noir dépendra d'abord de la façon dont ses dirigeants conçoivent et mettent en œuvre des politiques publiques saines, stables et prévisibles, pour inspirer confiance. Il a, en effet, fait constater que " les performances de l'Afrique sont restées sur une tendance positive pendant une décennie, avec des taux de croissance régulièrement supérieurs à la moyenne mondiale " même si, " nos économies sont à la fois sous financées et mal financées ".

Il considérait, par ailleurs, que la transition énergétique est essentielle pour l'Afrique, partie prenante de l'Accord de Paris sur le climat. " Plus de 600 millions d'Africains vivent encore sans électricité, l'enjeu pour nous, c'est aussi et surtout l'accès universel à l'électricité en utilisant nos ressources disponibles pour construire une transition énergétique juste et équitable ", avait-il souligné.

"L'Afrique a de quoi se nourrir et aider à nourrir la planète"

Prenant part, en mode virtuel, à la réunion du Conseil européen consacrée à la crise alimentaire engendrée par le conflit en Ukraine, le président Sall avait fait savoir aux dirigeants européens que 282 millions de personnes, soit plus du tiers des individus sous-alimentés dans le monde, vivent en Afrique. S'y ajoutent 46 millions d'africains menacés de faim et de sous-alimentation à cause de la pandémie Covid-19. " La situation est préoccupante et le pire est peut-être devant nous si la tendance actuelle se maintient ", avait-il averti, indiquant que les engrais sont maintenant trois fois plus chers qu'en 2021. Pour lui, les rendements céréaliers en Afrique baisseraient de 20 à 50 % cette année.

Il a, toutefois, soutenu le mécanisme onusien proposé pour aider à débloquer la situation, insistant, en outre, pour que la question du système swift " soit examinée au plus vite par nos ministres compétents afin de trouver des solutions idoines ".

Concernant l'initiative Food and agriculture resilience (Farm), il a exprimé son souhait de l'inscrire " davantage dans une approche de partenariat et de complémentarité ; parce que le continent a de quoi se nourrir et aider à nourrir la planète ".

"Si le développement a pour objectif le bien-être humain... "

Dans son discours prononcé le 9 juin 2022 à Paris lors du dialogue avec l'Afrique de la réunion du Conseil de l'Ocde au niveau des Ministres, le président en exercice de l'Ua rappelait que " si le développement a pour objectif le bien-être humain, il me semble que nous vivons une sorte de crise des finalités, qui se traduit par le déficit d'accès du plus grand nombre à des conditions minimales d'une vie décente : accès à la nourriture, à l'eau potable, aux soins de santé, au logement et à l'éducation ". Mieux, Macky Sall avait estimé que la mondialisation a accentué les inégalités et généré des pratiques que l'Etat-nation peine à réguler, citant ainsi "les congés fiscaux abusifs, l'évasion et de l'optimisation fiscales" qui privent les pays hôtes de ressources nécessaires au financement du développement.

A l'en croire, l'autre inégalité concernant l'Afrique réside dans la perception exagérée du risque qui renchérit les primes d'assurance et le coût de l'investissement. Il a, à ce titre, proposé que " l'Ocde examine la possibilité de réformer les conditions d'accès au crédit export, en assouplissant les règles sur les taux du crédit et la durée des délais de grâce et des périodes de remboursement ".

" Le terrorisme n'est pas qu'une affaire africaine " !

Le 20 septembre 2022, Macky Sall prend part à New York à la 77ème Session ordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies. Occasion pour lui de demander au Conseil de sécurité " d'agir ensemble pour apaiser les tensions, soigner notre planète, réduire les inégalités persistantes Nord-Sud, et redonner sens au multilatéralisme. " Le terrorisme qui gagne du terrain sur le continent n'est pas qu'une affaire africaine. C'est une menace globale qui relève de la responsabilité première du Conseil, garant du mécanisme de sécurité collective, en vertu de la Charte de l'Organisation ", rappelait-il devant ses pairs.

Il a, en effet, dit être préoccupé par le fait que la perception du risque en Afrique continue d'être plus élevée que le risque réel ; ce qui renchérit les primes d'assurance et pénalise la compétitivité de nos économies ". Pour lui, " il est légitime, juste et équitable que l'Afrique, continent le moins pollueur, et le plus en retard sur le processus d'industrialisation, exploite ses ressources disponibles pour disposer d'une énergie de base, améliorer la compétitivité de son économie et réaliser l'accès universel à l'électricité ".

" Face au terrorisme, les limites de l'Onu... "

Lors de la cérémonie d'ouverture de la 8ème édition du Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique, le 24 octobre 2022, le président en exercice de l'Union africaine a tout simplement rappelé que " face au terrorisme, les opérations classiques de paix des Nations Unies ont montré leurs limites ", indiquant que "des casques bleus (qui sont) attaqués jusque dans leurs propres bases, sans capacités significatives de riposte, ne peuvent assurément pas protéger des populations menacées par des groupes terroristes ".

Aussi, a-t-il fait constater, aujourd'hui, les menaces à la paix et à la stabilité résident également dans la crise économique profonde qui secoue le monde. " Des millions de personnes n'arrivent plus à supporter le coût de la vie ; et d'autres basculent dans l'extrême pauvreté, sans espoir d'un lendemain meilleur ", a déclaré le chef de l'Etat sénégalais, précisant, dans la foulée, que " ces circonstances exceptionnelles appellent des mesures exceptionnelles ". Mais, " afin de soutenir les ménages et les entreprises, nombre de pays développés ont, à juste titre, passé outre des règles jusque-là tabou en matière de limitation des subventions, de ratio d'endettement et de seuil du déficit budgétaire ", a-t-il fait savoir.

"Sauvons la planète... "

A Sharm el Sheikh, (Égypte), il a profité de l'ouverture de la 27ème Conférence des États Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les Changements climatiques, le 7 novembre 2022, pour appeler à " sauver la planète, par la mise en œuvre de l'Accord de Paris sur le climat ". A l'en croire, l'Afrique y est engagée avec le projet de Grande Muraille Verte en cours d'exécution, qui regroupe 11 pays africains de la zone sahélo-saharienne. Mieux, " même si elle ne contribue que pour moins de 4% des émissions de gaz à effets de serre, l'Afrique souscrit à un développement sobre en carbone et résilient au changement climatique pour un objectif de neutralité carbone à un horizon raisonnable ", avait-il dit, informant du lancement, en septembre 2022, d'un appel à l'action pour la mise en œuvre du Programme d'accélération de l'adaptation en Afrique. " Faire l'histoire, en tenant nos engagements, tous nos engagements, dont celui convenu de 100 milliards de dollars par an pour soutenir les efforts d'adaptation des pays en développement, et qui peine à être réalisé ", avait-il ainsi plaidé.

Plaidoyer pour la protection des femmes et des filles

Lors de la deuxième conférence de l'Ua sur la masculinité positive tenue le 10 novembre 2022 à Diamniadio, a souhaité que cette rencontre soit le " catalyseur d'énergies positives à l'échelle nationale et continentale " pour une tolérance zéro contre les violences faites aux femmes et aux filles. " Nous sommes ici pour susciter une prise de conscience, mais aussi pour agir contre toute forme de violence à l'endroit des femmes et des filles ", avait-il notamment clarifié dans son discours. Car, de son avis, " aucune loi, aucune règle sociale ne fait l'apologie de la violence contre un être humain ", se souvenant ainsi de Néfertiti en Egypte, des Amazones du Bénin, de la Reine Zingha d'Angola, de l'impératrice Taytu Betul d'Ethiopie, de la Reine Aminatu de Zaria, au Nigéria, et des Linguères Ndieumbeut Mbodj et Ndaté Yallah Mbodj, ainsi qu'Aline Sitoe Diatta, entre autres figures historiques féminines du continent.

" Aujourd'hui, elles sont nombreuses à exercer les mêmes qualifications que les hommes : ingénieurs, médecins, enseignantes, pilotes, militaires, sportives de haut niveau, et j'en passe ", s'est-il enfin réjoui.

" Déconstruire les narratifs infondés " sur l'Afrique

Lors d'un diner offert par Altantic Council à l'occasion du Sommet des leaders Etats-Unis-Afrique, le 12 novembre 2022 à Washington DC, le président en exercice de l'Ua a regretté les la persistance des " préjugés " contre le continent noir. D'où, selon lui, la nécessité de continuer de " plaider, expliquer, déconstruire des narratifs infondés ", réclamer justice et équité, rétablir des vérités historiques. Toutefois, " malgré ce préjudice historique et les défis de l'heure, l'Afrique évolue globalement dans le bon sens ", d'apr-ès toujours Macky Sall. Car, même si " les effets cumulés de la pandémie et de la guerre en Ukraine ont sérieusement freiné la dynamique d'une croissance africaine régulièrement supérieure à la moyenne mondiale ces dernières années, mais l'élan d'émergence de l'Afrique me paraît irréversible ". En définitive, il a appelé à travailler à améliorer les conditions d'exploitation de ces ressources de l'Afrique. Mais, il est convaincu que " cela passe par un capital humain qualifié et en nombre suffisant ".

"Face aux défis de l'insécurité alimentaire, l'heure n'est plus à l'attentisme... "

A la cérémonie d'ouverture du Sommet, le chef de l'Etat sénégalais Macky Sall a déclaré, le 25 janvier 2023, à Diamniadio, que " l'Afrique doit apprendre à se nourrir d'elle-même ", afin de mettre fin à la dépendance alimentaire. " Alors que nos pays subissent l'effet de la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine, les différentes initiatives en direction de l'Afrique doivent être coordonnées. Pour se faire, le continent doit répondre aux besoins d'importation d'engrais et améliorer de façon durable la gestion de l'investissement dans le secteur agricole ", a-t-il fait savoir. Pour lui, " face aux défis de l'insécurité alimentaire, l'heure n'est plus à l'attentisme mais aux solutions concrètes. "Il y a le chemin de l'Afrique des problèmes, qui nous maintient dans le statu quo d'une agriculture qui continuera de nous exposer à la précarité alimentaire, et le chemin de l'Afrique des solutions, qui nous met dans la perspective d'une agriculture moderne, et nous conduit, au-delà de la résilience, vers la souveraineté alimentaire ", a-t-il déclaré avec force lors de son allocution.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.