Congo-Kinshasa: Culture et société - L'apport ignoré et méconnu de Verkys Kiamuangana Mateta dans le développement de la musique congolaise

l est un fait certain, indéniable et qui n'appelle pas au débat est que lorsqu'on évoque les piliers ou la fondation de la musique congolaise, les noms qui nous viennent rapidement à l'esprit sont ceux des inoubliables du genre Wendo Kolosoy, Joseph Athanase Tshamala Kabasele (le Grand Kalle ou Kalle Jeff), Pascal-Emmanuel Sinamoyi Tabu, mieux connu comme Seigneur Tabu Ley Rochereau, Nicolas Kasanda wa Mikalay ( Docteur Nico) et François Luambo Luanzo Makiadi (Grand Maître Franco), Pamelo Mounka, Pierre Moutouari, Franklin Boukaka, les trois derniers du Congo Brazzaville.

Ils ne sont pas, non seulement, les piliers ou la fondation de la musique congolaise, mais aussi des grandes écoles musicales d'où est sorti la pépinière musicale qui viendra renforcer et inonder le monde musical congolais, africain et pourquoi pas mondial, à travers des années jusqu'aujourd'hui. Il est donc totalement acceptable et normal d'admettre le fait que lorsque l'UNESCO ajoute la Rumba congolaise à son patrimoine immatériel (mardi 14 décembre 2021), les piliers cités ci-haut soient élevés aux fronts baptismaux pour avoir placé les Congo des deux rives sur la carte mondiale de musique.

Ayant dit cela, notre réflexion de ce jour ne se base pas sur la dissection de notre musique et moins encore faire étalage de la Rumba. La littérature abonde. Nous ne voulons, non plus, élever, plus haut encore, les piliers dont il s'agit.

Ce que nous devons mettre en exergue ici est le fait que si ces grands de notre musique constituent des écoles qui ont défini notre musique, un débat pourra naître quant à savoir quel soutient matériel, financier et/ou psychologique qu'ils ont offert aux jeunes générations pour qu'eux, à leur tour, puissent s'imposer sur la scène musicale.

La réponse, à cette question est clair comme de l'eau limpide : Rien, Zéro, Apana, Akuna, Nkatu !!!Nous voulons savoir, dans le cas contraire, quels sont ces ensembles musicaux que Grand Kallé, Grand Maître Franco, Seigneur Rochereau, ou Dr. Nico... pour ne citer qu'eux, ont pu supporter matériellement, financièrement et/ou psychologiquement pour qu'à leur tour deviennent des écoles. En un moment, Tabu Ley Rochereau prit Papa Wemba sous ses ailes pour le propulser en avant. Mais nous devons savoir qu'à cette époque, Viva la Musica existait déjà. Dès lors, rien ce que le Seigneur Rochereau fit, à notre jugement, pour asseoir l'ensemble Viva la Musica. Le débat est ouvert.

Nous disons, ainsi, que l'histoire ci-dessous fait de Verckys Kiamuangana Mateta Mfumu a Ntaku un musicien unique, un grand dans sa catégorie. L'histoire musicale devra reconnaitre que beaucoup d'orchestres des jeunes et leurs vedettes en herbe doivent leur existence aux bons offices de celui que l'on connut comme l' "Homme aux poumons d'acier", le "PDG de Vévé Center." Verckys était, de son époque, pas comme ces "chefs d'écoles"le meneur d'hommes qui se dégage par sa contribution dans l'éclosion des artistes avec à la clé l'érection d'un immeuble, Vévé Center, qui a vu naître et grandir artistiquement des talents musicaux." [1]

Mais qui est Verckys Kiamuangana Mateta Mfumu a Ntaku, pour commencer ?

Natif de la contrée des Besi-Ngombe dans la province du Kongo-Central le 19 mai 1944, Verckys Kiamuangana Mateta Mfumu a Ntaku est un artiste musicien de carrière et de grand calibre qui apprit le maniement de la clarinette et du saxo dans la fanfare kimbanguiste à Nkamba.

Comme tout jeune musicien, il joua dans plusieurs ensembles avant son couronnement dans l'OK Jazz où les sons de Saxo définit le style de l'orchestre à cette époque. La chanson "Chicotte" en est la preuve.

A près une brouille due aux enregistrements clandestins Verckys est renvoyé de l'O.K Jazz, en février 1969. "L'orchestre "VéVé" naquit le 5 avril 1969 à Kinshasa." [2] Mais, pas comme Jean Munsi Kwamy, la Cientura qui, en quittant l'OK Jazz s'en prit à Franco (Faux Millionnaire, un grand succès, 1963) au quel Franco retorqua brutalement et sans pitié avec "Chicotte" (une grande réplique, 1964), Verkys demeura en très bons termes avec le Patron de l'OK Jazz. A aucun moment il se mit sur le chemin de ce dernier. En conséquence, chacun évolua sur son coin sans l'un attaque l'autre couronné de respect mutuel.

Verkys, l'homme aux poumons d'acierdans ses oeuvres

Verkys Kiamuangana fête ses 77 ans avec son Saxophone(Agence d'information de l'Afrique centraleJeudi 17 juin 2021)

L'orchestre VéVé connut un succès épatent, très spécialement lorsque le destin voulut que des chanteurs de grand talent (Sinatra Bonga Tsekabu dit Saak Saakul, Marcel Loko Massengo dit Djeskain, Mario Matadidi alias "Buana Kitoko") se joignirent, bien qu'à des dates différentes aux côtés de Verkys Kiamuangana et son VéVé.

Ces trois musiciens (Saak Saakul, Djeskain, Mario Buana Kitoko) devinrent une force qui propulsa Verkys et l'orchestre VéVé qui, à cette époque, fut au même niveau que les autres ensembles des écoles Musicales (African Jazz, OK Jazz, African Fiesta National et African Fiesta Sukisa). L'une de leurs chanson "Anna" devint comme un hymne musical qui fut chanté dans tous les coins et recoins de la république.

Puis en 1972, Verkys et son VéVé furent secoués par un vent violent qui risqua de tout détruire. Saak Saakul, Djeskain, Mario Buana Kitoko décidèrent de rompre leurs relations avec l' Homme aux poumons d'acier. Ils décidèrent de créer l'orchestre SOSOLISO et l'acronyme Trio MADJESI (Mario, Djeskain, Sinatra) deviendra le nouveau souffle de la musique zaïroise avec leur dance "Bidundadunda" La chanson "Anna"( https://youtu.be/l0U3hpe1eaA) quitte Vévé, fut retravaillée et la nouvelle version servit la porte de sortie de l'orchestre SOSOLISO en 1973.

Le second vent violent c'est quand l'orchestre bella Bella claqua les portes de VéVé avec la chanson "Longola nga soni" (https://youtu.be/md8uv8ca9Ds). La mort dans l'âme.

L'Ecurie VéVé

Avec le départ de ceux qui vont créer l'orchestre SOSOLISO et l'acronyme Trio MADJESI, l'orchestre VéVé perdit sa flamme de succès et Verkys au bord des larmes. Il rebondit, néanmoins, avec des nouveaux musiciens. Le succès est stable mais le cachet du Trio MADJESI manque. C'est alors que Verkys eut une inspiration de soutenir des jeunes talents, les aidant à mettre en place des jeunes orchestres. Il s'appropria multiples droits d'auteurs d'une multitude d'œuvres musicales de ces jeunes mais fit en sorte que ses vaches à lait ( ces jeunes ensembles) demeurent visibles sur le marché de la musique. L'écurie Vévé produit et supporta ainsi des jeunes orchestres tels que :

  • Sakumuna
  • Kiam
  • Shama Shama
  • Lipua Lipua
  • Les Kamale

En 1974, les éditions Vévé est l'initiatrice des 45 tours pour un titre. Il édite plusieurs groupes dont :

  • Zaïko Langa Langa,
  • Grands Maquisards,

"Son immeuble Vévé Center, fut aussi un sanctuaire des orchestres kinois :

Grand Zaïko Wa Wa, Langa Langa Stars, Victoria Eleison, Mbonda Africa, Afro International, Kola la sommité, Wenge Musica, etc., jouaient en ce lieu.L'année 78, Verckys enregistre, produit et distribue les œuvres "Sango ndambu", "Asso", "Samba-Samba", "Synza", "Anibo" de Koffi Olomide. Ce dernier est la révélation musicale de l'année. En 1980, les éditions Vévé deviennent EVVI (Editions Vévé International) et continuent à soutenir plusieurs orchetres, tels que Zaïko Langa Langa, Koffi Olomide, Empire Bakuba. En octobre 81, Verckys met en scelle un nouvel orchestre composé de Evoloko Joker, Benz Bozi Boziana et Djo Mali Boteku, dissidents de Zaïko Langa Langa, et de Dindo Yogo, Espérant Kisangani, Djuna Djanana et Kester Emeneya, dissidents de Viva La Musica de Papa Wemba. Ils forment l'orchestre Langa Langa Stars. Verckys leurs collent l'étiquette de patron, Kester Emeneya est écarté dans la qualité des patrons. Il réintègre Viva La Musica. En 1982, il accueille douze musiciens dissidents de Viva La Musica. Ils montent l'orchestre Victoria Eleison. Il dote l'orchestre des instruments et produit leurs œuvres, de même pour l'Anti-Choc de Benz Boziana." [3]

Cette histoire de Verckys Kiamuangana Mateta en tant que producteur des jeunes ensembles démontre clairement l'apport soit oublié, soit méconnu de celui qui contribua à pérenniser la musique congolaise moderne.

Son succès fut tel que le Patron du VéVé Center se confia, une fois à Nyboma Muan Dido en ces termes : "Vous êtes tous (jeunes musiciens) les bâtisseurs du VéVé Center. Votre argent est la source des fonds qui ont rendu possible l'existence de ce bâtiment célèbre." (Interview)

Il faudra avouer que Verckys Kiamuangana Mateta su jouer son jeu pour se maintenir financièrement solide. Il créa des ensembles et il les sépara lui-même pour en créer d'autres :

  • Lipua Lipua et les Kamale,
  • Bella Bella et Bella Mambo,
  • Zaiko Langa Langa et Langa langa Star, etc.

Beaucoup reste encore dit de cet homme qui contribua positivement à l'éclosion de notre musique. De ses propres mérites, ses œuvres comme :

  • Oko koma Mokristu
  • Ba Nkoko ba boyi
  • Fifi
  • Mfumbwa
  • Ekuile Ferros
  • Na Komitunaka

Font de lui un musicien inoubliable d'une portée nationale qu'aucun, même pas ces chefs d'écoles musicales ne seront incapables de reléguer à une page sombre de l'histoire musicale congolaise.

Si Verckys Kiamuangana Mateta forma des jeunes ensembles pour aider l'éclosion de la musique, Franco, par exemple, en retour, détruit des grands orchestres dont les têtes d'affiches vinrent solidifier la puissance de l'OK Jazz. En coupant la tête du serpent, le corps de cet animal devient futile. C'est le cas de :

  • Ndombe Opetun et l'Afrizam
  • Madilu et Bakuba Mayopi
  • Ntesa Dalienst et les Grands Maquisards

Il en est de même avec Dr. Nico : Josky Kiambukuta de l'Orchestre Continental dans African Fiesta Sukisa.

Verckys Kiamuangana Mateta est aujourd'hui affaibli non pas seulement par le poids de l'âge mais surtout à cause de l'AVC qu'il subit quelques deux ans plutôt et dont les ravages continuent à rendre notre "Homme aux poumons d'acier" vulnérable. Quoi qu'il arrive, le nom de Verckys Kiamuangana Mateta reste et restera gravé dans le panthéon de la musique congolaise moderne et de la Rumba congolaise comme étant une richesse qui fait la fierté congolaise.

 

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