Arrivé au pouvoir au terme d'un processus électoral très tendu du fait de la volonté de son prédécesseur, Me Abdoulaye Wade, de briguer une troisième candidature controversée, Macky Sall s'était engagé à redonner un nouveau souffle à la démocratie sénégalaise à travers une rupture dans la gouvernance. Seulement, après onze ans d'exercice de pouvoir, l'actuel chef de l'État se distingue de loin par rapport à ses trois prédécesseurs (Senghor, Diouf et Wade) dans des manœuvres politiciennes sur fond d'instrumentalisation de la justice dans les batailles politiques contre ses opposants.
Quel Sénégal le président Macky Sall va-t-il léguer à son successeur qui sera élu au soir de la présidence du 25 février 2024 ? Aujourd'hui, ils sont beaucoup de Sénégalais à se poser cette question au regard de la situation politique actuelle très tendue. En effet, arrivé au pouvoir au terme d'un processus électoral polémique du fait de la volonté de son prédécesseur, Me Abdoulaye Wade de briguer une troisième candidature controversée, Macky Sall s'était engagé à redonner un nouveau souffle à la démocratie sénégalaise à travers une rupture dans la gouvernance. En onze ans seulement d'exercice de pouvoir, l'actuel chef de l'État se distingue de loin par rapport à ses trois prédécesseurs (Senghor, Diouf et Wade) dans la répression de ses opposants.
Nonobstant ses multiples réalisations dans le domaine des infrastructures (routières, maritimes, aériennes, sanitaires scolaires... ), l'actuel chef de l'Etat ne cesse de poser des actes autoritaires de nature en remettre fortement en question la réputation du Sénégal longtemps présenté comme une " vitrine de la démocratie " dans la sous-région ouest africaine. Aujourd'hui, ses rapports avec ses adversaires politiques se résument à des manœuvres politiciennes visant à " réduire l'opposition à sa plus simple expression " parfois sur fond d'instrumentalisation de la justice à travers la mobilisation de toutes les ressources de l'Etat notamment l'administration territoriale pour interdire la plupart des manifestations de l'opposition et les forces de sécurité pour réprimer tout contrevenant à cette interdiction.
Sonko dans l'ombre de Karim Wade et Khalifa Ababacar Sall
En onze ans d'exercice du pouvoir, l'actuel chef de l'Etat est arrivé en si peu de temps à fixer la barre des persécutions des opposants à un niveau jamais égalé par ses trois prédécesseurs (Senghor, Diouf et Wade) qui ont pourtant passé plus de temps à la tête du pouvoir exécutif. L'instrumentalisation de la justice sénégalaise à des fins politiques contre des adversaires a atteint des niveaux inquiétants pour ne pas dire a été érigée en règle. Car, contrairement à ces prédécesseurs, l'actuel chef de l'Etat ne semble pas se fixer aucune limite dans sa traque aux opposants.
Aujourd'hui, c'est le leader de Pastef et maire de Ziguinchor, Ousmane Sonko qui est dans son viseur. Ex-inspecteur des impôts radié de la fonction public par le même président Sall, Ousmane Sonko a gagné en popularité ces dernières années au point de devenir le principal leader de l'opposition à cause de l'acharnement du régime en place sur sa personne. Considéré par beaucoup d'observateurs de la vie politique sénégalaise comme l'un des favoris voire même celui qui va remporter la prochaine élection présidentielle en raison de sa popularité qui ne cesse de grimper, Ousmane Sonko est devenu l'homme à abattre pour ne pas compromettre le projet de conservation du pouvoir au soir du 25 février 2024.
Aujourd'hui, il est visé par deux procédures judicaires très controversées en raison de la légèreté de l'accusation mais aussi de l'attention particulière qu'elles retiennent du Parquet. Il fait l'objet d'une surveillance particulière par un détachement de la police stationné aux abords de sa maison et que le suit dans ses moindres déplacements à Dakar. Ces partisans ne sont pas également en reste. Dans les différentes prisons du Sénégal, la quasi-totalité des détenus d'opinion sont des partisans du leader de Pastef qui font l'objet d'un acharnement de la part des autorités politiques.
Aujourd'hui, pour la moindre publication ou commentaire sur les réseaux sociaux, les " patriotes " (militants de Pastef) sont arrêtés sur ordre du procureur de la République et jetés en prison pour " appel à l'insurrection ", " diffusion de fausses nouvelles ", " outrage aux magistrats ", " menaces de mort sur les autorités judiciaires ". A ces arrestations, il faut également ajouter celles intervenues lors des activités politiques ou autres rassemblements interdits de militants poursuivis pour participation à un rassemblement interdit, manœuvres et actes de nature à compromettre la sécurité publique, ou à occasionner des troubles politiques graves ".
Karim Wade et Khalifa Ababacar Sall " réduits " à leur plus simple expression
Il faut dire qu'avant le leader de Pastef et ses partisans, l'actuel chef de l'Etat a commencé sa traque aux opposants par ses anciens camarades libéraux. Durant son premier mandat (2012-2019), la quasi-totalité des responsables du Parti démocratique sénégalais (Pds) restés fidèles au président Wade dont son fils, Karim Wade ont été arrêtés et emprisonnés. Mis à part le fils de l'ancien chef de l'Etat poursuivi pour enrichissement illicite, la plupart des autres responsables libéraux sont emprisonnés pour des délits d'opinions notamment celui d'offense au chef de l'Etat. Il faut dire que derrière cette politique de persécution des responsables libéraux, se cachait une volonté du président Sall de mettre à ses côtés toutes les chances d'une réélection pour un second mandat et dernier mandat.
La preuve, après avoir refusé de se conformer à la décision de la direction de leur parti qui a décidé de ne pas présenter un candidat à la prochaine présidentielle, l'ancien maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall à l'époque Secrétaire chargé de la vie politique du Ps qui s'était lancé dans des tournées à l'intérieur du pays a été arrêté le 7 mars 2017 et jeté lui aussi en prison. Accusé sur la base d'un rapport d'Inspection générale d'Etat (Ige) toujours classé secret de " détournement de deniers publics " portant sur un montant de 1,8 milliard de francs CFA de la caisse d'avance de la ville de Dakar dont il était le maire depuis 2009, Khalifa Ababacar Sall sera par la suite reconnu coupable et condamné à 5 ans de prison ferme, assortie d'une amende pénale de 5 millions francs CFA, sans dommages et intérêts à moins de trois ans de la présentielle de 2019.
Auparavant, pour éviter toute velléité de contestation au moment de la condamnation de Khalifa Ababacar Sall, le régime en place avait commencé par cibler certains de ses partisans dont l'actuel maire de la Medina qui a fini par rejoindre le camp du pouvoir. Frappés d'une inéligibilité, Karim Wade et Khalifa Ababacar Sall sont aujourd'hui à la merci de la seule volonté du président Sall qui peut décider ou non de leur baliser une voie d'être à nouveaux électeurs.
Quand Macky Sall accusait le régime libéral de recruter des mercenaires sans être inquiété
Contraint à quitter le navire libéral par son ex-mentor, le président Wade après sa décision en tant que président de l'Assemblée nationale, d'auditionner la gestion du fils de ce dernier, l'actuel chef de l'Etat a passé quelques années dans l'opposition. Mais durant ce bref passage, le président de l'Alliance pour la République s'était distingué à travers ses sorties. Ainsi lors d'une ses sorties, Macky Sall accusant le président Wade de vouloir opérer une " dynastisation " du pouvoir, avait même déclaré en 2011 que le régime libéral avait recruté quatre cents mercenaires aux mains tâchées de sang venus de Côte d'Ivoire, mais aussi de Guinée et du Nigeria " dans le but de commettre " des rapts d'opposants et de membres de la société civile ".
Pourtant, jamais il n'a été inquiété par le régime libéral pour de telles accusations très graves. En réaction à cette accusation, Moustapha Guirassy, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement d'alors a juste indiqué que ces propos ne sont pas fondés. Abondant dans le même sens, son collègue ministre d'Etat, ministre de l'intérieur Me Ousmane Ngom a juste fait remarquer que " le Sénégal est un pays de droit " et que " nous n'avons pas besoin des mercenaires. Nous avons des forces de sécurité pour assurer la sécurité ". Pourtant, aujourd'hui pour des propos moins graves que ceux-là, des dizaines de jeunes et des adultes sont arrêtés et placés sous mandat de dépôt.