Le système judiciaire malgache préoccupe le secteur privé. Le Groupement des entreprises de Madagascar tire la sonnette d'alarme face à ce qu'il qualifie de " dérives " au sein de la justice et qui impactent le climat des affaires, entre autres, l'émission d'interdictions de sortie du territoire que le groupement juge " intempestives " à l'encontre d'opérateurs économiques. Dans un communiqué, ce dernier appelle " les autorités à veiller à ce que les décisions de justice soient rendues de façon impartiale, sans interventions illicites ".
Alors que la Grande Île souhaite attirer les investissements pour relancer son économie, fortement affectée par deux années de pandémie de coronavirus, les dysfonctionnements au sein de la justice " s'aggravent au point de créer un risque de perte de confiance du secteur privé ", regrette Thierry Rajaona, Président du Groupement des Entreprises de Madagascar
" Nous sentons que, dans beaucoup d'affaires, l'argent est roi. Les juges, au-delà de leur incompétence éventuelle, sont facilement corruptibles et ne rendent pas les décisions de justice qu'ils doivent prononcer dans le pur respect du droit. Il y a aussi l'arbitrage qui existe, mais quand un juge bafoue les décisions arbitrales en disant 'ce n'est pas l'arbitre qui décide, c'est moi', on est tombé bien bas.
Le secteur d'activité qui s'est beaucoup plaint, c'est le secteur bancaire, confronté à de nombreux cas où le juge donne raison à des emprunteurs qui sont de mauvais payeurs mais qui usent, sans doute, de leur pouvoir de corruption mais aussi de liens politiques qu'ils peuvent avoir pour détourner le droit en leur faveur. Parfois, le juge pénalise les banques en leur infligeant des peines financières qui n'ont aucun rapport avec le litige en question et dont on se pose la question, si le seul but n'est pas de mettre en faillite l'établissement. L'incompétence associée à la corruption est très dangereuse pour le climat des affaires et nous rend plus que méfiants. "
Pour le ministre de la Justice, François Rakotozafy, ces anomalies ne représentent pas la majorité des affaires traitées dans les tribunaux
" Je ne suis pas d'accord avec eux. Je sais qu'il y a un ou deux dossiers qui n'ont pas donné satisfaction au groupement des entrepreneurs de Madagascar mais la loi malgache leur permet d'utiliser des voies de recours. C'est ce qu'ils ont fait.
Je ne dis pas que leurs doléances ne sont pas fondées. Mais c'est vraiment trop subjectif de généraliser et d'impliquer toute la justice malgache. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas (NDLR : de corruption). Il y en a, mais au ministère, au gouvernement, on (travaille) beaucoup sur ça, pour lutter contre la corruption au sein de la justice.
On a digitalisé la juridiction commerciale. Ça veut dire qu'on essaie de moderniser la justice. Mais on ne peut pas résoudre tout cela en quelques années. On a créé le Pole anti-Corruption, qu'on est en train d'instaurer dans tous les chefs-lieux de provinces. Ça a quand même permis d'avancer dans la lutte contre la corruption au sein de la magistrature mais aussi au niveau des collectivités. La justice ne reste pas insensible à ce fléau. "
Selon le dernier rapport du Bureau indépendant anti-corruption, à Madagascar, la justice figure parmi les cinq secteurs les plus exposés à ce fléau. Le concours d'entrée à l'École nationale de la magistrature et des greffes a été entaché, à plusieurs reprises, par des scandales de corruption ces dernières années.