Tunisie: Plusieurs mouvements de protestation syndicale dans les régions, hier - L'Ugtt au pas de charge

19 Février 2023

La S.G. de l'Union des syndicats européens, Esther Lynch, sommée de quitter le territoirepour " ingérence flagrante dans les affaires intérieures tunisiennes ".

A l'heure où le pays plonge dans une crise politique, économique et sociale inédite, les forces centrifuges n'ont jamais été aussi nombreuses pour décrier l'immobilisme du gouvernement et la traque des syndicalistes, plaçant celui-ci dans une position inconfortable puisqu'il se retrouve enclin à tenir tête à la toute-puissante centrale syndicale qui se désolidarise d'une équipe gouvernementale qui cherche à tenir ses engagements vis-à-vis du FMI en vue de lubrifier les caisses de l'Etat sans prendre en compte l'instabilité qui prévaut déjà dans le pays.

En effet, la journée d'hier a été marquée par des mouvements de protestations menés dans les régions par l'Ugtt conformémént aux décisions de la Commission administrative tenue récemment après la série d'arrestations menées contre des syndicalistes. Ces mouvements dénoncent " un harcèlement une attaque contre l'activité syndicale et une infraction au droit mentionné dans la constitution ", selon le secrétaire général adjoint de l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt), Samir Cheffi.

En effet, Noureddine Taboubi a lâché la bride à ses lieutenants pour investir les régions et revendiquer la défense du droit syndical et des droits des Tunisiens ainsi que pour rejeter toute les formes d'infraction aux conventions conclues avec le gouvernement dont le dernier, en date du 14 septembre 2022, stipulant notamment l'ajustement des salaires dans les secteurs public et de la fonction publique. " L'Ugtt refuse l'application des ordres du Fonds monétaire international (FMI) notamment en ce qui concerne la levée de la subvention ", a rappelé Cheffi à Nabeul.

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Dans le même sillage, le secrétaire général adjoint de l'Union générale tunisienne du travail Sami Tahri a affirmé hier à Kasserine que les rassemblements ouvriers organisés dans différents gouvernorats interviennent pour " défendre le droit syndical et nombre de dossiers sociaux ainsi que des questions relatives notamment à la levée des subventions, la hausse des prix et l'arrêt des recrutements ". Tahri a ajouté que " ces mouvements ont été également décidés afin d'informer l'autorité que le peuple tunisien et les ouvriers sont du côté de la centrale syndicale et toute tentative de porter atteinte à la crédibilité de l'Union sera vouée à l'échec ". Pour sa part, le secrétaire général adjoint de l'Ugtt chargé du secteur privé, Taher Barberi, a indiqué à Tozeur que ces mouvements de protestation ont été décidées " à la suite de la publication de la loi de finances 2023 et des discours d'accusation contre l'Ugtt ", relevant que la centrale syndicale est déterminée à défendre les principes de liberté, de démocratie et de justice sociale.

Il a précisé que l'organisation ouvrière s'oppose à la prise de décisions unilatérales et l'instauration "d'une nouvelle dictature", selon ses propos, rappelant les difficultés économiques, l'exacerbation de la pauvreté et l'endettement en Tunisie.

Le secrétaire général adjoint de l'Ugtt, Hfaiedh Hfaied, a de son côté souligné à Kairouan que ces mouvements dans différentes régions du pays interviennent suite à la décision de la commission administrative pour dénoncer les pratiques ciblant le droit syndical. Hfaiedh a indiqué dans une déclaration à la TAP, lors d'un rassemblement ouvrier organisé devant le siège de l'union régionale du travail à Kairouan, suivi d'une marche, que " le droit à la grève est préservé par la Constitution et inscrit dans les conventions internationales ".

Le secrétaire général adjoint de l'Ugtt, Moneem Amira, a indiqué à Médenine que ces mouvements régionaux, qui expriment " la colère de la centrale syndicale face aux agissements portant atteinte au droit syndical, seront suivis d'une marche nationale et d'un grand rassemblement des travailleurs à la place de la Kasbah à Tunis ". A cette occasion, l'URT de Médenine a publié une déclaration dans laquelle elle a mis en garde le pouvoir et le gouvernement contre la poursuite des atteintes au droit syndical et les tentatives mettant en doute la crédibilité des négociations et du dialogue social, appelant à l'ouverture en urgence d'un dialogue pour sauver le pays contre l'effondrement.

De son côté, le secrétaire général adjoint de l'Ugtt, Abdallah Ichi, a critiqué hier à Monastir " la politique de force adoptée par le gouvernement ". il a dénoncé l'absence de crédibilité du gouvernement dans sa relation avec les salariés et la centrale syndicale, qui menace la stabilité sociale.

Sur le même plan, le secrétaire général adjoint de l'Union générale tunisienne du travail Farouk Ayari, a souligné à Bizerte que " la centrale syndicale est en mesure de défendre la Tunisie, qui traverse une crise socioéconomique profonde et personne n'est autorisé à limiter les domaines d'activités de l'Ugtt ou les freiner ". Ayari a indiqué dans une déclaration aux médias que la Tunisie est "au bord du gouffre" en raison de la détérioration du pouvoir d'achat des citoyens, la hausse des prix, le surendettement et la situation des entreprises publiques, appelant à la nécessité de s'asseoir autour d'une table de négociations pour résoudre les difficultés et trouver les solutions appropriées.

Sur un autre plan, sur instructions du Président de la République, Kaïs Saïed, les autorités tunisiennes compétentes ont sommé la dénommée Esther Lynch, secrétaire générale de l'Union des syndicats européens (Etuc), qui a participé hier à Sfax à une marche organisée par l'URT-Sfax, de quitter le territoire tunisien dans un délai de 24 heures suite à ses déclarations " comportant une ingérence flagrante dans les affaires intérieures tunisiennes ".

Selon un communiqué de la présidence de la République, " les relations extérieures de l'Union générale tunisienne du travail sont une affaire qui ne concerne que celle-ci, mais il n'est pas question de permettre à quiconque de l'extérieur d'attaquer la souveraineté de l'État et la souveraineté du pays ".

Cette crise qui a éclaté au grand jour entre la centrale syndicale et le gouvernement nous renvoie déjà aux délices des caniveaux hantés par les politiciens, qu'on croyait révolus. Pourquoi ? Parce que ceux qui ont entre les mains les commandes de l'exécutif sont très lents à la détente depuis leur nomination.

On broie du noir à longueur de la journée. Et pour cause, l'État qui souffre déjà de multiples crises chroniques, plonge de nouveau dans le flou. Écartelé entre la concrétisation immédiate des revendications sans fin et son désir d'engager les réformes nécessaires pour bénéficier d'une lampée auprès du FMI, il bat de l'aile et se retrouve dans l'impasse, si la Centrale syndicale continue à l'attaquer frontalement.

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