" Sur le fil " est une programmation dédiée à la broderie et au tissage. C'est le premier lancement d'un programme international par la Galerie du 19M. Cette exposition fait suite au défilé de la collection Métiers d'art 2022/23 de la Maison Chanel, présenté le 6 décembre 2022 à Dakar. Elle représente une reconnaissance importante de la richesse du patrimoine culturel du Sénégal à travers le talent de ses artisans.
Des voiles blancs flottent au-dessus de l'entrée du Musée Théodore Monod d'art africain de Dakar. Ils offrent un nuage de protection contre le bruit et le chaos de la ville, tout en annonçant un spectacle candide. Le bâtiment ouest du musée, voisin à l'Assemblée nationale, accueille la Galerie du 19M. L'exposition se poursuit jusqu'au 31 mars. Dans le hall d'entrée, l'espace s'étend d'une belle majesté. Sur le mur du fond, peint d'un blanc immaculé, des tissus pas communs présentent la force collaborative du projet qui se reflète sur les deux énormes cartes brodées.
L'une est intitulée " La Carte brodée des quartiers du 19M " (2022). Elle est réalisée par les maisons résidentes du 19M que sont les Ateliers Montex, Lemarié et Lesage. Elle est quelque peu la carte de la mode de la Ville Lumière. Après avoir baissé les yeux de la carte parisienne, qui atteignait presque le plafond, les centaines de petites perles colorées qui composaient la carte parallèle de Dakar sur une table voisine retiennent l'attention. Les couleurs, comme une salade de fruits, orientent aussi vers les énergies et les plaisirs de galeries d'art dakaroises.
Le but de l'exposition de la Galerie du 19M apparait plus clair : célébrer et rendre hommage au riche patrimoine du savoir-faire artisanal du Sénégal. En plus de mettre la lumière sur l'expertise et la créativité des talents, il s'agit aussi de créer la relation et la combinaison avec la touche étrangère, notamment des métiers de la Maison Chanel. Le fil est le... fil conducteur de l'exposition. Le tissage et la broderie sont les arts choisis pour donner forme et vie aux matières. L'artistique échange de bons procédés dont il s'agit est visible avec l'installation " Magnétude ", signée par la Sénégalaise Fatim Soumaré et la Sénégalo-française Johanna Bramble.
TRANSMISSION
Deux métiers à tisser constituent une chaîne. L'un est local (le mécanisme utilisé par les Manjak pour fabriquer le pagne rabal). L'autre est suisse, moins grand et avec des indications chiffrées sur la façade. Les chaises de tisserand se trouvent à chaque bout, et calebasses, fils de coton et instruments utilitaires cernent le dispositif. Les tensions des deux étoffes des tisserands vont se rejoindre au milieu pour créer la rencontre artistique, mais aussi un dialogue de croyances et d'approches culturelles du tissage traditionnel. Mais pas que ! L'installation célèbre la " main " experte qui est également un propos de la Galerie du 19M (le M renvoie à main, métier et maison). On peut aussi y voir le pont entre pratique culturelle séculaire et industrie créative, le chemin pour fructifier un savoir-faire traditionnel communautaire. L'autre sujet de l'installation est féministe : deux femmes jettent un regard moderne sur un métier de stéréotype masculin.
Le ton engagé de l'exposition concerne aussi l'environnement. Malick Welli, à travers " Whisper of my friends ", nous rend compte de la relation mystique que l'homme peut avoir avec la nature à travers un triptyque (photographies, écharpes traditionnelles géantes et baobab achalandé). L'artiste parle du bois sacré qui est un lieu cultuel et culturel, de connexion avec les ancêtres, mais aussi de ce que cette nature lui offre en inspiration, de vies et de bonheurs. En prenant l'exemple du pagne chez les Manjak, Malick Welli évoque comment l'Homme, par son art ou l'artisanat, fabrique un symbole déterminant qui accompagne son existence et son âme en toute circonstance. Il suggère aux Hommes de penser comment aider la nature à lui permettre de mieux vivre. La nature a besoin de notre bienveillance et de notre protection.
C'est ainsi qu'on voit beaucoup de recyclages dans cette exposition. Le designer Bibi Seck s'inspire de l'environnement pour trouver des solutions. Le mobilier qui reçoit les visiteurs dans les salles de cette exposition est signé de cet artiste. Il utilise particulièrement le plastique, ce déchet qui dégrade la nature et ne disparait qu'après trois siècles, et lui donne une nouvelle et belle vie. Ce discours écologique rejoint le principe de transmission qui est au cœur du projet Galerie 19M, avec la création et l'innovation.