Tunisie: Situation précaire des entreprises publiques - Des réformes au plus vite !

20 Février 2023

D'ores et déjà, la situation financière du pays est fragilisée par une décennie de mauvaise gestion et d'accumulation de fausses décisions stratégiques. Les entreprises publiques ne font pas l'exception, et pour certains économistes, leur situation constitue l'une des causes du naufrage de l'économie et des finances publiques au vu des pertes accusées chaque année.

Pour les structures publiques, la situation n'est guère clémente, certaines frôlent la faillite. D'ailleurs, l'état de ces entreprises publiques est actuellement au cœur des négociations entre le gouvernement et le Fonds monétaire international (FMI) qui pousse vers des mesures drastiques, dont notamment la privatisation et la cession des parts de l'Etat.

Dernièrement, des chiffres alarmants ont été dévoilés pour rouvrir le dossier de la gestion des entreprises publiques et pour revenir sur leur situation extrêmement compliquée, notamment en ce qui concerne les dettes.

Selon le rapport sur les entreprises publiques publié par le ministère des Finances, pour elle seule, la Régie nationale des tabacs et des allumettes (Rnta), qui détient le monopole de la production et la commercialisation du tabac, des allumettes et les jeux de cartes, a cumulé des dettes de 590 millions de dinars.

Ces dettes sont réparties entre l'Etat (286,7 millions de dinars), les entreprises publiques (32,5 millions de dinars), les caisses sociales (2,6 millions de dinars), les fournisseurs (261,8 millions de dinars) et les banques (6,2 millions de dinars).

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Pour sa part, la Société des transports de Tunis (Transtu) accuse deux milliards de dinars d'endettement en 2022, dont 230 millions de dinars dus aux banques et aux fournisseurs de pièces de rechange.

Selon Abderraouf Essalah, l'administrateur délégué de la société, cette situation est expliquée par la non-révision de la tarification de transport depuis plusieurs années, outre la hausse des coûts liés aux services, notamment la hausse des prix du carburant, des pièces de rechange et la masse salariale.

La situation des caisses sociales n'est pas meilleure. Dans les faits, le déficit de la Cnss passe de 530 millions de dinars en 2018 à 1,07 milliard de dinars en 2020, avec une aide de l'Etat et participation sociale solidaire de 40 millions de dinars (MD). Son endettement passe de 1,71 milliard de dinars à 3,36 milliards de dinars pour cette période.

Pour sa part, le déficit de la Cnrps passe de 787,4 MD en 2018 à 190,8 MD en 2020, avec une aide de l'Etat et participation sociale solidaire évoluant de 200 MD à 460 MD. L'endettement passe de 2,69 milliards de dinars à 3,56 milliards de dinars pour cette même période.

Les capacités financières de l'Etat sont devenues très limitées

Dans ce sens, on estime que les dettes cumulées des entreprises publiques, considérées comme stratégiques, dépassent les 30 milliards de dinars à fin 2020, dont 42% pour la Steg avec 12,9 milliards de dettes cumulées. La masse salariale de ces entreprises publiques a atteint, en 2020, 1,4 milliard de dinars.

Cette situation qualifiée de catastrophique ne peut pas se poursuivre au vu des pertes encaissées par l'Etat qui se trouve à chaque fois obligé de venir en aide de ces entreprises pour éviter leur faillite.

Cependant, aujourd'hui l'Etat ne bénéficie plus d'une marge de manœuvre et ses capacités financières sont devenues très limitées.

Selon un rapport élaboré par le FMI l'année dernière, les transferts et les injections réguliers de fonds publics au profit de ces entreprises représentent 7 à 8% du PIB annuel. Ces sociétés sont en plus lourdement endettées, les experts de la mission ayant estimé la dette à hauteur de 40% du PIB. Des chiffres qui font froid dans le dos si on rappelle que l'Etat peine déjà à payer ses fonctionnaires et que ces fonds sont assurés au détriment de l'investissement et du développement.

C'est dans ce contexte que le FMI appelle à des mesures urgentes pour remédier à la situation. Pour cette institution financière, l'Etat tunisien n'est pas contraint de gérer toutes ces entreprises déficitaires alors que le secteur privé hautement compétitif est prêt à prendre la relève.

Au fait, pour faire court, toutes ces mesures tournent autour de la privatisation complète ou partielle de ces entreprises. Cependant, cette alternative connaît une grande opposition de la part de la Centrale syndicale qui évoque même une ligne rouge.

De même, le président de la République s'oppose à la privatisation de ces entreprises, lui qui s'est montré attaché à l'aspect social de l'Etat.

Dans ce dilemme, le gouvernement semble avoir trouvé une issue qui pourrait concilier les différents acteurs. C'est le cas de la cession des parts de l'Etat dans les entreprises publiques non-stratégiques.

En effet, la Cheffe du gouvernement, Najla Bouden Romdhane, a assuré récemment que l'Etat "n'a aucune intention de privatiser les institutions publiques à caractère stratégique et qui font l'objet de programmes de restructuration basés sur des audits".

En Tunisie, les entreprises publiques stratégiques sont celles qui s'activent dans le domaine de la santé, des transports, de la sécurité et des énergies

Sauf que ces entreprises connaissent de nombreuses difficultés financières et doivent à leur tour subir des mesures d'envergure pour être redressées.

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