Nouvelle étape de franchi dans ce nouveau climat de méfiance et de défiance qui entoure les rapports entre le gouvernement de Bamako et les groupes armés du Nord signataires de l'accord de paix de 2015 ?
En tout cas, si ce n'est une partition de fait du Mali, ça y ressemble beaucoup.
En effet, depuis hier lundi 20 février 2023, Anefis, localité située au Sud de Kidal, est le théâtre d'une scène étrange : plusieurs centaines de véhicules et près de trois milles hommes y ont été mobilisés par le Cadre stratégique permanent (CSP), rassemblement entre ex-rebelles indépendantistes de la CMA et groupes Plateforme. Objectif affiché : desserrer eux-mêmes l'étau de l'Etat islamique au Sahara (EIS) autour des populations des régions du Nord.
Il faut dire que depuis les lourdes pertes à Andéranboukane (région de Manaka) et à Talataye (région de Gao), les Forces armées maliennes et les groupes armés loyalistes ont dû battre en retraite, au profit de la katiba salafiste d'Abou Walid Al-Sahraoui. Et au grand malheur des populations civiles qui en payeront un très lourd tribut en raison de l'absence de l'armée malienne.
Las donc d'attendre une réaction d'envergure de l'Etat central et face au JNIM d'Iyad Ag Ghali qui profite de ce vide sécuritaire pour sceller des alliances avec les tribus locales et procéder à des recrutements de combattants, le CSP a alors décidé de prendre ses responsabilités par cette opération militaire de sécurisation du Nord. Une initiative menée sans la moindre participation des FAMA ni de leurs alliés, les supplétifs du groupe russe Wagner.
Serait-ce du fait de cette espèce de guerre froide qui existe entre Bamako et les groupes signataires de l'accord d'Alger, particulièrement les ex-rebelles indépendantistes ?
En effet, malgré la médiation algérienne qui a mis officiellement fin aux velléités sécessionnistes de la coordination des mouvements de l'Azawad en 2015, le septentrion malien échappe toujours au contrôle de Bamako. Et toutes les tentatives de réaffirmer la souveraineté ou l'autorité de l'Etat sur cette partie du territoire ont toujours tourné court.
Ainsi, de la tournée au Nord du Premier ministre, Choguel Maïga, qui a dû être écourté samedi pour raison de sécurité. Avant lui, c'est son prédécesseur, Moussa Mara, dont le cortège a été accueilli à Kidal par des rafales de tirs en mai 2014.
Intervenant à un moment où la tension monte de nouveau entre le gouvernement et les groupes signataires de l'accord d'Alger, il faut donc craindre que cette opération militaire du CSP (qui a suspendu toute participation aux instances de suivi dudit accord) ne s'apparente, d'une part, à une volonté de s'assumer, dans tous les sens du terme et, d'autre part, à une mise en garde contre le pouvoir des colonels de Bamako.
Si tel est le cas, que fera Assimi Goïta ? Ira-t-il à l'affrontement, alors que son pays est toujours en proie aux exactions des groupes terroristes, où va-t-il privilégier la négociation avec le risque de faire des concessions aux " hommes bleus " ?
Au regard de la situation sécuritaire qui demeure préoccupante malgré les assurances en trompe-l'œil véhiculées par le pouvoir militaires et ses soutiens, ouvrir un front septentrional est une aventure dont il faut se garder.