Le groupe d'experts de l'ONU sur le Soudan a publié son dernier rapport sur le Darfour, le 7 février. Dans ce document, dont RFI s'est procuré une copie, les violations continues de l'embargo sur les armes sont détaillées, de même que les activités lucratives, commerciales et de mercenariat, par lesquelles les groupes armés se financent.
Dans la galaxie des groupes rebelles armés nés dans le Darfour, le plus important est, selon les experts de l'ONU, celui d'Abdelwahid al-Nur. Toujours officiellement en conflit avec Khartoum, son fief est dans l'Ouest, autour du Jebel Marra, où il exploite une mine d'or et enrôle toujours de nouveaux combattants. Mais il a aussi étendu son terrain d'opération en Libye, où il opère comme " mercenaire ", avec 300 pick-ups, dans le triangle " entre Sebha, al-Jufrah et Sirte ", ainsi qu'au Soudan du Sud, où il mène de lucratives activités agricoles et commerciales.
L'autre rébellion dominante est celle de Minni Minnawi, originaire du Nord-Darfour. Pourtant, signataire de l'accord de " réintégration " de Juba avec les autorités de Khartoum, son chef étant officiellement gouverneur du Darfour, elle est également active en Libye, avec " environ 100 véhicules ", disent les experts.
D'autres mouvements plus groupusculaires sont toujours actifs, au gré des circonstances. Mais l'acteur qui monte, c'est, du côté gouvernemental cette fois, la force paramilitaire des Forces de soutien rapide du général Mohamed Hamdan Dagalo, dit " Hemeti ", le numéro deux de la junte soudanaise.
Les experts de l'ONU révèlent que les Forces de soutien rapide ont d'ailleurs lancé une campagne de recrutement " agressive " en juillet 2022, notamment auprès des " communautés africaines ", afin d'élargir sa base de soutien. Des chefs traditionnels des communautés Four et Misseriya Jebel ont ainsi avoué qu'étant donné " leur présence écrasante et leur équipement supérieur ", leurs communautés n'avaient " d'autre choix " que d'enrôler leurs jeunes " pour s'assurer une protection en cas de conflit ".
S'agissant de leurs sources de financement, les experts de l'ONU le disent simplement : " Les activités mercenaires des mouvements armés darfouriens en Libye étant moins lucratives que les années précédentes, les activités commerciales et criminelles opportunistes sont devenues leur principale source de revenus. "
Car hormis pour les Forces de soutien rapide, qui se partagent le pouvoir avec l'armée soudanaise et dont les revenus sont issus pour l'essentiel du commerce de l'or, tout se passe pour les rébellions, financièrement parlant, en Libye.
Toutefois, si les experts estiment à 1,2 million de dollars par an le bénéfice ayant été dégagé par les groupes armés soudanais pour tenir des check-points ou servir de force supplétive dans ce pays ces cinq dernières années, cette source s'est tarie " drastiquement " à partir d'octobre 2021, et la signature d'un accord fragile entre les forces libyennes de l'est et de l'ouest du pays. Ces dernières, dirigées par Khalifa Haftar, s'appuyaient sur les groupes darfouriens comme force supplétive.
Le groupe armé d'Abdelwahid al-Nur tire donc désormais ses principales ressources d'une mine d'or dans le Jebel Marra, dont le produit est exporté et vendu via le Soudan du Sud, disent les experts. Il exploite également des fermes, notamment de sésame et d'huile de sésame, au Soudan du Sud, y compris en faisant travailler ses prisonniers. Et il collecte un impôt sur certains commerçants Four.
Les autres groupes assurent par exemple le transport d'eau et d'essence de contrebande entre la Libye, le Soudan et le Tchad. Ils rackettent parfois les camions qui traversent le désert ou vendent des véhicules ou des pièces détachées, voire même leurs armes, au Soudan. Certains, pourtant signataires de l'accord de Juba avec les autorités de Khartoum, trafiquent aussi " des armes, de la drogue et des biens " et " offrent une protection aux trafiquants de migrants, en coopération avec des groupes criminels ", disent les experts.