L'Appel de Seydina Limamou Thiaw Laye débute ce mardi. Pour la 143e édition, le coordonnateur national du comité d'organisation, Seydina Issa Thiaw Laye, invite la société à faire des enseignements du guide layène un viatique, sermonne la classe politique et met en garde contre le péril de la stabilité.
Vous êtes le coordonnateur national du comité d'organisation de l'Appel de Seydina Limamou Laye. Comment vous vous y êtes pris pour une bonne organisation ?
À la sortie du Comité régional de développement (Crd) national du jeudi 16 février 2023, tous les points ont été abordés et les plus importants ont été réglés. L'Appel repose sur une philosophie. Depuis très longtemps, j'avais mis des commissions dont les plus importantes sont celle des infrastructures (travaux) et celle dite scientifique qui gère l'Appel à 100%. D'année en année, les choses se développent. C'est une continuité. Le comité d'organisation dont je suis le coordonnateur assure tout l'Appel. Nous croyons à ce pays et si chacun y apporte du sien, nous pourrons réaliser de grandes choses. Le thème de cette année est : " développement et paix selon les enseignements de Seydina Limamou Laye ".
Au-delà du côté spirituel, qu'est-ce que l'Appel offre au musulman sur le plan temporel ?
Une très bonne question ! Nous avons, par exemple, en 2020, au début de la pandémie de Covid-19, avec l'apparition du premier cas, fait une déclaration pour reporter l'évènement. Et pourtant, nous avons subi des pressions. Même si l'Appel a commencé depuis 1883, il n'est pas un pilier de l'Islam. Cela veut dire qu'il ne doit causer du tort à personne. Le Prophète Mouhamad (Psl) nous a enseigné quel doit être le comportement d'un croyant en période d'épidémie ou de pandémie. C'est un exemple parmi tant d'autres.
Comment faire pour que les valeurs de l'Islam soient un viatique pour les membres de la société ?
Seydina Issa Laye, mon grand-père, fait partie de ceux-là qui promouvaient l'autonomisation des femmes. Il interpellait les gens qui, en début de matinée, n'allaient pas travailler. Il était très regardant sur les interactions sociales et les conditions d'existence de sa communauté. Notre société est guettée par l'oisiveté. Seydina Issa n'offrait pas l'hospitalité aux charlatans. Il faut que nos dahiras (cellules religieuses) aient une fonction économique et culturelle.
Ils peuvent même créer des Groupements d'intérêt économique. Cela pourrait barrer la route à l'endoctrinement des masses. Depuis 1952, le groupement central des Layènes est mis sur pied avec comme président Magoum Keur Niang à l'époque. En 1911, c'est Boursine Comba Ndoffène Diouf qui a donné un site à Gossas Layène à mon grand-père, Seydina Issa. D'ailleurs, c'est de là-bas que j'ai été sevré. Les marabouts étaient de grands producteurs. Je demande que l'on revienne à l'orthodoxie.
Aujourd'hui, l'actualité politique au Sénégal est très tendue. Que vous inspire cette situation ?
Moi, je suis un acteur politique. Nous avons été au Parti démocratique sénégalais (Pds), député libéral en 1998. Je n'ai jamais été un citoyen inactif sur le plan politique. Je n'y ai jamais cru. Par rapport à la situation du pays, il faut qu'il y ait davantage de citoyenneté. Le Sénégal repose sur un socle solide de stabilité et le jour où on l'aura détruit, nous allons tous le regretter ! La stabilité politique, jusqu'ici, est due, en grande partie, à nos ancêtres et érudits. Ils n'étaient pas des fainéants. Ils adoraient Dieu comme il se doit. Il est hors de question, quel que soit le moment, que les familles de ceux-là qui ont libéré ce pays, soient exclues de la marche du Sénégal et confinées à jouer un second rôle. C'est le premier niveau d'analyse.
En second lieu, certains ont préféré renoncer à la jouissance de leur citoyenneté à cause des insultes alors que Dieu même est calomnié. Il faut du savoir et du courage pour exprimer sa citoyenneté. Au Sénégal, c'est une partie de la classe politique qui a un problème. Est-ce qu'il est normal qu'une dizaine de personnes prennent en otage 17 millions de Sénégalais ? La paix, c'est un comportement de tous les jours. C'est d'abord la conscience individuelle, ensuite de devenir collective. La paix doit être partagée en permanence. Un pays ne doit pas être en campagne électorale permanente en embarquant des gens. C'est comme si l'on ne travaille pas. Même lors des dernières élections, les citoyens vivaient le calvaire à cause de multiples bulletins de vote. Toutefois, le Sénégal n'a pas encore atteint le niveau de tension qu'on veut nous faire croire.
Vous avez suivi le dialogue national ; il y avait deux commissions importantes : politique et économique et sociale. Mais, on a privilégié la politique sur le social. Cela est à l'origine de toute cette tension-là ! La commission sociale et économique a été négligée à cause des cris des partis politiques. Cela a été une erreur. Certains leaders politiques pensent que le Sénégal se résume à eux ; que la paix ou les tensions ne dépendent que de leurs humeurs. Et moi, je ne crois pas à cela. Il n'y a presque plus de société civile ; certains préfèrent se cacher derrière cette appellation alors que bon nombre d'entre eux ont des positions politiques.
Quelle doit être l'attitude du pouvoir et de l'opposition pour la paix au Sénégal ?
Pouvoir et opposition n'ont qu'à privilégier l'intérêt supérieur du Sénégal. Nous voyons des partis politiques qui ne le sont que de nom. Et il faut éviter la politique du " ôte-toi que je m'y mette ", sans faire des propositions crédibles. Nous voyons que ceux-là qui sont dans les coalitions n'ont pas les mêmes idéologies. Ils ont certes cette liberté, mais ils n'ont pas le droit de déstabiliser le pays. À l'approche des élections, nous ne devons pas suivre certains agendas d'hommes politiques jusqu'à compromettre notre stabilité. L'anarchie n'a rien à voir avec la démocratie. Les assassinats sont devenus une chose banale, le fétichisme pour accéder au pouvoir ou arriver à ses fins aussi... c'est notre stabilité légendaire qui attire les investisseurs.
Nous devons préserver notre legs avec courage. La banalisation de nos institutions n'est pas une bonne chose. Il y a quelques années, la Casamance était un thème politique et pourtant, si le conflit s'était propagé, ça n'allait arranger personne. Nos désirs ne doivent pas nous pousser à scier la branche sur laquelle nous sommes assis. Il faut combattre la pauvreté, faire de telle sorte que les inégalités sociales soient réduites. Notre manne pétrolière doit nous servir à quelque chose. Faire de telle sorte que la sécurité alimentaire soit une réalité. Évitons de politiser la vulnérabilité de la population. Cela est important.