De la lutte contre l'analphabétisme à l'apprentissage à vie, l'enseignement pour adultes avait, en cours de route, changé de paradigmes. Au-delà de lire et écrire, il y a tendance à d'autres approches andragogiques fonctionnelles. Soit un cursus qui s'en tient énormément au volet professionnel. Plusieurs femmes et hommes en ont bel et bien tiré profit.
Enfin, le rideau est tombé sur les travaux de l'Union générale des femmes arabes (Ugfa), en conclave du 16 au 19 de ce mois à Hammamet, à l'invitation de l'Unft, en partenariat avec DVV international, ONG allemande chargée de l'éducation des adultes. Le débat était, déjà, inscrit dans le cadre d'une formation sur le traitement médiatique des questions de l'éducation des adultes et d'apprentissage à vie. De par le rôle capital que jouent les médias et leur impact positif, toute communication écrite et audiovisuelle, faite dans ce sens, peut apporter une pierre à l'édifice. Cette valeur ajoutée s'incruste dans un plaidoyer en faveur d'une cause arabe, celle de l'éducation des adultes.
Un plan d'action arabe commune
Ce conclave des femmes arabes a débouché sur une série de recommandations, collégialement formulées, sous forme d'un plan média qui donne du grain à moudre. En réponse aux exigences de l'étape, l'appui des médias au programme d'alphabétisation et d'apprentissage tout au long de la vie est fort sollicité, à même de renforcer sa visibilité et vulgariser ses défis et ses enjeux auprès du large public. Mais une telle sensibilisation sur la question ne peut se faire sans l'adoption d'un nouvel plan d'action arabe commune. La finalité est de conjuguer les efforts et se coordonner pour améliorer la perception du grand public à l'égard de cette éducation non formelle et convaincre les politiques à prendre des décisions en sa faveur. Cela dit, pousser les gouvernements à mettre en place des stratégies nationales dont chacun tient compte, tout en échangeant les expériences et les expertises des uns et des autres, serait une bonne décision.
Une des recommandations suggérées dans ce sens est de mettre l'apprentissage à vie sous les projecteurs et montrer comment les bénéficiaires le perçoivent en relatant les success stories pour s'en inspirer et faire en sorte de les hisser à des modèles à suivre. La création envisagée d'une plateforme médiatique en ligne, comme un forum d'information et d'analyse, aiderait à mieux comprendre la question et la rendre d'actualité. En Tunisie, l'éducation des adultes semble avancer dans un sens évolutif, passant de la lutte contre l'analphabétisme à l'apprentissage à vie. Toutefois, il n'y a pas de continuité, en termes de politique et de réalisations. Et encore moins de polarisation d'apprenants ou de communication sur l'état des lieux, les difficultés du parcours et des propositions des solutions. Aucun mot ou presque sur les projections d'avenir dans ce domaine.
Il y aura beaucoup à faire !
L'objectif étant, rappelle-t-on, de ramener le taux d'analphabétisme à son plus bas niveau. Mais ce taux demeure encore élevé à l'échelle nationale, situé, aujourd'hui, à 18%, soit l'équivalent de deux millions d'analphabètes, selon Ali Felhi, directeur général du Centre national d'enseignement pour adultes, relevant du ministère des Affaires sociales. En milieu rural, ce taux est environ deux fois et demi plus élevé que celui enregistré en milieu urbain. Statistiques à l'appui, la région de Jendouba serait en tête affichant 31,6%, suivie de Kasserine avec 30,2%, puis Siliana avec 29,7%. En revanche, Ben Arous est la région qui enregistre le taux d'analphabétisme le plus bas, avec 9,7%, suivie de Tunis (10,1%) et de Monastir (10,5%). D'autant plus que la femme rurale est reconnue être la plus analphabète (41,7%). Toute proportion gardée, ce taux oscille entre 1 et 3% pour la population jeune 10-19 ans. Ceci étant, il y aura beaucoup à faire.
Système andragogique fonctionnel
L'éducation pour adultes n'est, certes pas, un fait limité dans le temps. C'est un nouvel ordre éducatif dicté par de nouvelles techniques d'apprentissage. Il faut dire, ici, que l'éducation des adultes devrait changer de paradigmes et d'approches. "Notre souci est d'offrir des services d'apprentissage de qualité permettant à nos bénéficiaires une intégration socioéconomique réussie. Nous tenons à fédérer initiatives et bonnes volontés tant nous croyons que l'alphabétisation en général est l'affaire de tous et chaque action ne peut s'appréhender de façon autonome", espère Donia Benmiloud, directrice régionale pour l'Afrique du Nord de DVV International-Tunisie. Donc, l'éducation des adultes ne s'est plus limitée, comme avant, à apprendre à lire et à écrire. Aujourd'hui, l'on s'en tient à l'essentiel : un apprentissage à vie professionnel, lequel repose sur des systèmes andragogiques plus fonctionnels, notamment en ce qui concerne la création de petits projets au profit des apprenants (approche sémio-didactique en exemple), dont la majorité sont des femmes rurales. Début 2019, DVV International a commencé à fournir son soutien au Centre national d'éducation d'adultes (CNEA), en l'aidant à créer sa propre stratégie et élargir son champ d'action. Des partenariats avec des ONG tunisiennes ont été signés.
Certes, l'éducation tout au long de la vie est un souci commun arabe dont l'Ugfa en est consciente. Au terme de ses travaux, elle est déterminée à traduire ses recommandations dans les faits. Les femmes représentantes d'une quinzaine des pays arabes, réunies pendant quatre jours à Hammamet, ont, unanimement, plaidé cette cause d'éducation non formelle, insistant sur la nécessité d'y impliquer les médias, en tant que pilier fondamental de leurs actions et courroie de transmission de leurs idées et projets. Le réseautage du travail est de nature à faciliter l'échange et fructifier le débat. Les médias étant aussi de la partie.