C'est une onde de choc ; un véritable coup dur pour la Maison de la Presse du Mali, qui ne s'en remettra certainement pas de sitôt, à la fois du point de vue matériel et moral. Soumis à la furie de quelques dizaines de jeunes dans tous leurs états, venus interrompre brutalement, un point de presse organisé par un groupe de leaders politiques et de la société civile, les locaux de ce haut lieu des expressions plurielles, ont été saccagés.
Ces gens en avaient vraiment gros sur le cœur. Et pour cause : ils n'ont manifestement guère digéré les mots d'ordre des initiateurs du point de presse, mots d'ordre parmi lesquels figurent le respect exigé du calendrier électoral en vue d'un retour à l'ordre constitutionnel et l'abandon du projet de nouvelle Constitution qui tient absolument à cœur aux autorités de la Transition. Une demande d'abandon qui, on peut aisément l'imaginer, n'est pas vue d'un bon œil, en haut lieu, au-delà du cercle de ceux qui viennent de s'illustrer négativement lundi dernier dans la maison commune des hommes et femmes de médias. Pour autant, les autorités de la Transition peuvent-elles être considérées comme les commanditaires de ces scènes de saccage ?
Ou bien faut-il croire que ceux qui ont osé monter à l'assaut des lieux, n'appartiennent seulement qu'à un cercle restreint de partisans et soutiens zélés du pouvoir malien de Transition ? En tous les cas, ces actes malheureux et indignes, n'honorent pas le Mali ni ses dirigeants, encore moins son peuple et c'est le moins que l'on puisse dire. D'autant que ces violentes scènes viennent davantage renforcer l'image déjà assez écornée, d'un pays régulièrement critiqué pour le rétrécissement continu de ses espaces de liberté civique, de libertés d'expression et d'association.
Le pouvoir de Bamako devrait travailler à ne pas donner raison à ceux qui pensent que le pays s'achemine vers le règne de la pensée unique
C'est pourquoi, pour autant qu'elles n'aient rien à se reprocher, qu'elles ne soient mêlées ni de près, ni de loin, à ce déchainement de violence, les autorités maliennes de Transition devraient avant tout, condamner l'acte, puis faire toute la lumière sur ces graves événements, mais aussi et surtout s'employer à ce que les fautifs soient punis conformément à la loi.
Mieux, le pouvoir malien de Transition gagnerait à expliquer pourquoi les assaillants ont eu tout le temps ainsi que le loisir d'agir en toute liberté, avant de repartir tranquillement comme ils étaient venus, sans que les forces de sécurité ne soient jamais intervenues. C'est, assurément, une absence qui interroge.
Or, les mêmes initiatives auraient été celles de soutiens du régime en place, qu'ils n'auraient nullement été inquiétés. N'ayons pas peur des mots : l'acte qui a été posé, est très grave. Si grave que le pouvoir de Bamako doit réagir. Autrement, ce serait non seulement un signe d'encouragement à l'endroit des casseurs, mais aussi la preuve que le crime profite au pouvoir en place s'il n'en est pas l'instigateur. Est-ce le pouvoir militaire tel qu'il se révèle ?
En tout cas, l'on peut remarquer que ces jeunes en colère ne se sont pas limités à mettre un terme à la conférence de presse. Car, en plus d'empêcher l'événement, ils s'en sont pris à tout un symbole. Un acte qui en dit long sur les ressentiments qu'ils pourraient nourrir, et pas seulement qu'eux, à l'égard de la Maison et de tous ceux qui pratiquent le métier de journaliste tout en se montrant critiques. Le jour des malheureux événements, à la Maison de la Presse, c'est bien des politiques et des acteurs de la société civile qui défendaient des positions et ils en avaient le droit tel que le leur permet la Constitution. Alors, qu'a-t-elle à voir, la Maison de la Presse, dans un différend politique qui oppose des camps antagonistes sur des questions de gouvernance, pour se voir ainsi mise à sac ? C'est fort de café !
En tout état de cause, le pouvoir de Bamako devrait travailler à ne pas donner raison à ceux qui pensent dur comme fer, que le pays s'achemine inexorablement et dangereusement, si ce n'est déjà fait, vers le règne de la pensée unique. Et si l'intention est, en effet, de faire taire toutes voix discordantes pour permettre aux tenants actuels du pouvoir, de se frayer le chemin de leur maintien aux affaires à tout prix, ils devraient faire attention à ne pas s'engager dans une aventure risquée.
En attendant, la Maison de la Presse promet de suivre avec une attention particulière, l'évolution et les résultats de l'enquête. Gageons que les investigations seront menées avec tout le sérieux et la transparence nécessaires à l'éclatement de la vérité. Et qu'au final, le pouvoir de Bamako sortira de cette affaire, la tête haute, sans la moindre égratignure ni la moindre éclaboussure.