" Si les choses restent en l'état nous, les ayants droit de Feu Bamouni Babou Paulin, journaliste, agent civil de la fonction publique burkinabè, relevant du ministère de l'Information au moment de son assassinat avec le capitaine président Thomas Sankara et 11 autres compagnons, ne participerons pas à la réinhumation de ses restes mortels.
Pour la simple raison que le droit d'accompagner dignement notre cher père nous est refusé.
A la suite des exhumations en juin 2015 pour les besoins de l'enquête, nous avons manifesté auprès de la Justice militaire notre souhait (certes verbal) de pouvoir fournir, au moment opportun, un cercueil de notre choix pour les restes de notre père. Sachant qu'il était un agent civil de l'Etat, nous supposions que ça ne devrait pas poser de problème.
En effet un accord de principe (une fois de plus verbal) nous a été donné par l'autorité.
7 ans plus tard, soit en juillet 2022, lorsque les pompes funèbres militaires ont informé toutes les familles des martyrs que les ré-inhumations devaient se faire assez rapidement, nous avons jugé utile de réitérer notre requête, par écrit cette fois-ci, datée du 8 septembre 2022 en précisant toujours que nous souhaitons ré-inhumer les restes de notre père dans un cercueil fourni par nos soins.
A notre grand étonnement, cette lettre n'aura jamais de réponse malgré nos relances.
Le 23 janvier 2022 nous adressons de nouveau une correspondance à la Justice militaire pour, cette fois-ci, lui réclamer les restes de notre père agent civil de l'Etat, afin de pouvoir procéder, nous-mêmes, à son inhumation au lieu de notre choix.
Après relances, nous recevons, le 15 février 2023, une réponse du Directeur de la Justice militaire, datée du 13 février 2023, qui dit ne pouvoir donner une suite favorable à notre requête car " lesdits ne sont pas sous sa gestion ". Sans rien de plus ! Et ce dernier omet de nous préciser à qui nous adresser pour obtenir les restes mortels de notre père.
Le 17 février 2023, nous apprenons par un communiqué officiel la date des réinhumations de tous les restes mortels et la confirmation du lieu d'inhumation préalablement contesté.
Nous adressons donc dès le lendemain de l'annonce une énième requête à l'Officier de Garnison responsable des pompes funèbres militaires, datée du 18 février 2023, pour qu'à défaut de pouvoir récupérer les restes mortels, nous soyons, tout au moins, autorisés à apporter le cercueil que nous avons choisi pour notre père pour les réinhumations du 23 février 2023. A ce jour, toujours pas de réaction de sa part.
En rappel, Bamouni Babou Paulin, journaliste, agent civil de la fonction publique, abattu lâchement pour son pays, a été enseveli le 15 octobre 1987 avec 12 autres compagnons de lutte sans la moindre dignité.
L'histoire nous donne l'opportunité à nous, ses enfants, d'effectuer cette démarche si personnelle et symbolique, lourde de sens pour nous qui l'avons perdu à l'âge de 13, 11 et 2 ans et qui n'avons jamais eu l'occasion de lui offrir un quelconque présent. C'est malheureux que ce soit un cercueil, mais ainsi en a décidé Dieu.
Aujourd'hui adultes et responsables, notre seul souhait, qui est des plus légitimes dans notre entendement d'enfants désireux de contribuer aux obsèques de notre cher père, nous est ôté sans autre forme de procès le droit de l'accompagner avec tous les honneurs dignes de son rang de papa. Non, le brave agent civil et adorable père qu'a été Bamouni Babou Paulin ne mérite pas ce sort post-mortem !
Son épouse, ses enfants, ses parents et ses frères et sœurs ont été privés de ce rôle car cette nuit du 15 octobre 1987 il a été enseveli par d'autres dans la précipitation et sans cercueil.
35 ans après, l'histoire a l'air de se répéter ! Il est assassiné une seconde fois sous nos yeux et il sera inhumé " à la militaire " comme cela nous a été dit et sur les lieux où il a perdu la vie.
Cette vie qui lui a été arrachée par des militaires !
Il sera enseveli encore, sans qu'aucun rite coutumier relevant de son ethnie, ne soit fait afin que ses ancêtres également l'accompagnent dans son repos éternel !
En clair, il nous est interdit de faire le deuil de notre papa !
Certains ont eu l'audace de nous dire que nous n'avons aucun droit en tant que famille biologique, car les restes de tous les martyrs du 15 octobre 1987 appartiennent à la famille politique, la seule légitime pour décider. Aucune empathie à notre égard ! Aucune compassion ! Bien au contraire, nous ne faisons qu'essuyer de la part d'opportunistes aux agendas cachés et patriotes de la 25e heure des critiques qui frisent parfois un " inhumanisme " intolérable.
Notre père était agent civil de l'Etat et l'organisation de ses obsèques incombe à sa famille ; n'en déplaise à la Justice militaire et à la fameuse famille politique. C'est notre droit de vouloir l'accompagner dignement.
Si notre doléance de près de 8 ans n'est pas accordée nous n'assisterons pas à la réinhumation.
Pour les Ayants droit biologiques de Feu camarade Babou Paulin Bamouni, Journaliste, agent civil de l'Etat burkinabè.
Paix à ton âme, Papa !