Le groupe Wagner est rapidement devenu la forme la plus influente de l'engagement russe en Afrique, d'après un rapport publié en marge de la Conférence sur la sécurité de Munich.
Le rapport a été publié en marge de la Conférence sur la sécurité de Munich par l'Initiative mondiale contre le crime organisé transnational, un réseau mondial de plus de 600 experts à travers le monde, avec l'appui de la Fondation allemande Hanns Seidel.
Le document s'appuie sur des recherches menées en République centrafricaine, au Soudan, au Soudan du Sud, au Kenya, au Cameroun, au Mali, à Madagascar et en Libye, entre juillet 2022 et février 2022. Il se base aussi sur d'autres sources à travers le continent.
Depuis ses premières présences militaires documentées sur le continent, fin 2017, le groupe Wagner s'est développé de manière agressive en Afrique, selon le rapport. Pour preuve, le groupe a développé des activités militaires dans cinq pays où il dispose de contingents plus ou moins importants d'hommes bien armés.
Contrôlé par Evguéni Prigojine, un proche allié de Vladimir Poutine, Wagner a une relation mutuellement bénéfique avec l'Etat russe.
L'arme de diviser pour régner
En effet, des structures liées au groupe paramilitaire russe sont présentes sous différentes formes, que ce soit militaires, économiques ou politiques, dans plus d'une douzaine de pays africains, notamment francophones.
"Beaucoup de pays où Wagner s'est implanté sont des pays francophones, et pour une très bonne raison. Ce que Wagner fait, c'est qu'il exploite les tensions entre les pays francophones et leur ancienne puissance coloniale, la France. Il a utilisé ces tensions en menant des campagnes de désinformation et aussi pendant les élections pour construire une alliance plus étroite avec des partenaires gouvernementaux et pour essentiellement prendre sa marque dans ces pays", a expliqué Julian Rademeyer est directeur pour l'Afrique orientale et australe à l'Initiative mondiale contre le crime organisé transnational et co-auteur du rapport.
Le groupe opère dans une "zone grise", selon les termes du rapport, couvrant à la fois des activités économiques légales et illégales.
D'après le rapport, Wagner use de tous les moyens nécessaires, y compris des activités criminelles, pour atteindre ses objectifs : du recours à la violence contre les civils dans ses engagements militaires, aux campagnes de désinformation, ou encore du trucage des élections à la contrebande à grande échelle de ressources minières, telles que l'or et les diamants.
"Il y a des cas d'atteintes aux droits de l'homme commises par des mercenaires wagnériens. Wagner lui-même opère à plusieurs niveaux. Il opère politiquement en fonction de son implication auprès des régimes autoritaires. Il opère également sur le plan économique, dans l'exploitation minière et extractive et dans l'industrie du bois pour obtenir de la richesse. Et puis enfin, évidemment, l'élément sécuritaire, particulièrement les militaires privés qu'il fait venir en Afrique", a précisé Julian Rademeyer.
Wagner, organisation criminelle et terroriste
Le mois dernier, le gouvernement américain a désigné Wagner comme une " organisation criminelle transnationale ", permettant ainsi des sanctions plus larges contre le groupe et ses facilitateurs. Quant à l'Union européenne, elle le place parmi les organisations terroristes.
Pour les auteurs du rapport, le groupe Wagner est unique en tant qu'organisation par l'ampleur et l'audace de ses activités. Et la propagande dans les médias en fait partie, insiste le co-auteur du rapport, Julian Rademeyer.
"Eh bien, je pense que les types de campagnes de désinformation que le groupe Wagner met en place sont bénéfiques pour les régimes qu'ils soutiennent. Vous savez, ils renforcent les régimes dictatoriaux dans de nombreux cas. Ils ont donc construit une marque en tant qu'organisation. Vous voyez des patchs Wagner offerts aux policiers qui ont été formés par eux en République centrafricaine. A Bangui, vous pouvez voir une statue qui a été érigée en l'honneur des combattants de Wagner qui y ont été tués. Et cela montre des combattants du groupe avec une femme et des enfants derrière eux comme s'ils les protégeaient. Il y a donc beaucoup de mythes autour de l'organisation. Et Wagner lui-même est très doué pour construire des mythes autour de l'organisation. Ils ont créé des films et financé des films", a-t-il confié.
Un exemple récent a été avec une vidéo qui circulait sur internet intitulée "Les démons de Macron", dans laquelle les combattants de Wagner sont représentés comme des sauveurs envoyés pour venir en aide aux Africains face aux soldats français.
Le rapport vise aussi, selon ses auteurs, à replacer Wagner dans un contexte plus large : L'Etat russe et ses activités en Afrique.