Sénégal: Serigne Amadou Badawi Mbacké / Recteur de l'Université de Touba - "Former des générations sur le moule des enseignements des aînés"

22 Février 2023

Serigne Amadou Badawi Mbacké est le Recteur de l'université de Touba appelée Complexe Cheikh Ahmadoul Khadim (Ccak). Quelques jours après le démarrage officiel des enseignements dans cette institution, il revient dans cet entretien avec "Le Soleil" sur le rôle que celle-ci compte jouer en matière de formation et d'éducation.

M. Mbacké, quelques jours après le démarrage officiel des cours au Complexe Cheikh Ahmadoul Khadim de Touba, pouvez-vous revenir sur le rôle que cette institution compte jouer ?

Il faut d'abord rappeler que c'est une œuvre inspirée du prophète Mohammed (Psl) envoyé par le Tout-Puissant pour enseigner. Enseigner signifie façonner les êtres humains pour leur permettre de vivre une vie utile conformément à l'importance que Dieu confère à l'être humain. Cela permet aussi à la personne de vivre pleinement des bienfaits d'ici-bas et préparer l'au-delà. C'était la mission des prophètes et des "Sahaba" (Ndlr : compagnons du Prophète (Psl)), entre autres élus de Dieu, jusqu'à Cheikh Ahmadou Bamba qui a fait savoir que la quintessence de sa mission terrestre n'est autre que de revivifier les enseignements du prophète Mohamed (Psl), et marcher sur ses pas, adopter toutes les attitudes conformes à sa démarche et se démarquer de toute attitude contraire, si minime soit-elle.

En plus de cela, il y a aussi l'importance que l'Islam attache à la quête du savoir, et le premier verset, " Ikra'a ", illustre à souhait le poids du savoir en religion car sans connaissance, l'homme ne peut accomplir sa mission de représentant de Dieu sur terre ; c'est-à-dire adorer le Tout-Puissant mais aussi vivifier la terre comme il est dit dans le saint Coran. L'objectif visé à travers l'université est de vivifier les enseignements de Khadim Rassoul, comme l'a fait savoir Serigne Mountakha, le Khalife général. Surtout former des générations sur le moule exclusif des enseignements des aînés. Leur transmettre les enseignements de l'Islam en fonction des orientations des anciens ; veiller à la préservation des acquis légués par les générations antérieures mais aussi s'ouvrir sur l'extérieur à travers la technologie afin de réaliser un être utile à la société, à son pays, son continent et pourquoi pas à l'humanité.

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La plateforme concernant les inscriptions a-t-elle donné les résultats escomptés ?

C'est à partir de cette plateforme que nous nous sommes basés pour évaluer le processus des inscriptions. Pour les apprenants intéressés par l'étude du saint Coran au niveau de l'Unité de formation et de recherche (Ufr) appelée "Majalis", de même que pour l'Ufr des Langues et des études islamiques et l'Ufr Santé aussi, en moins de deux semaines, nous avons enregistré près de 7000 inscrits sur la plateforme. Mais il y aura une sélection qui sera faite. Comme vous le constatez, tous les bâtiments ne sont pas encore livrés mais il y en a qui sont prêts. C'est pourquoi nous allons démarrer par un petit nombre d'apprenants d'abord et au fur et à mesure, il y aura d'autres qui vont rejoindre en fonction du rythme de finition de chaque bâtiment. L'objectif est de construire une université communautaire et nous allons voir comment appliquer la gratuité des cours à tous les niveaux. S'il est vrai que c'est une réalisation du Khalife général grâce à l'accompagnement de tous les musulmans, nous veillerons par contre à assurer le bon fonctionnement de cette université.

Qu'en est-il du programme éducatif ? Y a-t-il un curriculum basé sur une approche pédagogique différente des autres universités ?

Dans cette université, nous enseignons les connaissances et les métiers et nous ferons usage de tous les moyens possibles pour l'apprentissage et l'acquisition des connaissances pour les apprenants. Mais le but de cet établissement est l'apprentissage du saint Coran, de la religion et des métiers, car ces deux entités ne peuvent se séparer. L'un ne peut aller sans l'autre. Il y a une Ufr de Langue et des métiers du livre. Un érudit qui a maîtrisé le saint Coran, dans la langue arabe, pour les classes passerelles, peut même suivre d'autres études comme le génie civil, l'agronomie, l'informatique, etc. L'université va formaliser le projet de société de Serigne Touba concernant la réalisation de l'homme.

Que pouvons-nous attendre exactement de la filière enseignement du Coran ?

À travers ce complexe, nous avons un modèle éducatif dédié aussi bien à l'école moderne qu'à la formation classique en matière d'enseignement du Coran. À Touba, il y a une pléthore d'écoles qui enseignent le français et le Coran et qui ne se conforment à aucun programme. Elles ne sont pas reconnues par le Ministère de l'Education nationale. Aussi, les enseignants ne sont pas aptes à former et travaillent dans des écoles inadaptées. Ce sont des établissements sans lendemain. Une commission pédagogique a travaillé sur cet aspect. Concernant l'enseignement traditionnel du Coran, nous avons un dispositif qui englobe le programme initial du Ministère de l'Education nationale mais avec des rajouts qui prennent en compte les réalités de la localité.

Ces réaménagements nous permettront de booster le taux de scolarité à Touba. Les apprenants auront un programme conforme aux valeurs et enseignements du prophète Mohamed (Psl). Pour plus de conformité avec le système formel, il y aura une inspection sur place et en compagnie de l'inspecteur de l'éducation et de la formation (Ief) de Mbacké et l'inspecteur d'académie de Diourbel, on pourra ordonner le secteur, formaliser ceux qui étaient informels car l'organisation de l'éducation à Touba tient à cœur le Khalife général. Et ce complexe va nous aider dans ce sens.

Quelles sont les universités partenaires du Ccak ?

Le Ccak est une université communautaire construite par la communauté mouride avec l'appui de la communauté musulmane. Elle va travailler de concert avec l'Etat du Sénégal car il est reconnu que l'éducation et l'enseignement sont du ressort de ce dernier. Dans l'apprentissage du saint Coran, nous avons développé des partenariats avec la Mauritanie, le Maroc, l'Egypte en attendant d'autres universités en France, aux Etats-Unis, etc. Il en est de même concernant l'apprentissage de métiers.

Certes, le fonctionnement sera très lourd, puisque nous pensons atteindre le nombre de 10.000 apprenants, ce qui suppose beaucoup de dépenses. Cependant, il y a une commission des finances qui a fait des études sur ce projet et nous pensons que l'université pourra gagner quelque chose pour se prendre en charge. Nous comptons surtout sur les contributions de la communauté mouride toujours engagée à œuvrer pour le Cheikh. Aussi, il faut se rendre à l'évidence qu'on ne peut pas passer le temps à solliciter des bonnes volontés après avoir réalisé cette infrastructure de 37 milliards de FCfa. Nous comptons beaucoup sur l'appui et l'accompagnement de l'Etat du Sénégal et nous n'avons pas d'appréhensions sur ce plan pour qui connaît les rapports étroits entre le Khalife général et le Président de la République.

Quel est le type d'étudiant accueilli dans ce complexe ?

Dans ce complexe bâti sur 30 hectares, les apprenants sont répartis en plusieurs catégories. Ceux qui ont 6 à 7 ans sont là pour l'apprentissage du saint Coran. Ils sont initiés et suivis jusqu'à la maîtrise du livre saint avant d'enchaîner avec les sciences religieuses. Il y a une autre catégorie d'apprenants, qui ont déjà la maîtrise du saint Coran. Ceux-là sont inscrits en "Majalis ou Majlis" qui est la base pédagogique des grandes universités à l'image de l'université Al Azhar, Bagdad, Bassorah, Koufa comme l'a suggéré Serigne Mountakha Mbacké lors du démarrage des travaux. Il disait qu'il a l'intention de voir l'Ecole de Touba au même niveau que ces grandes universités du monde musulman et nous avons la ferme intention d'être à ce niveau, voire surpasser ces universités dans moins de trois décennies et cela ne relève pas de l'impossible. C'est cela le projet en ce qui concerne les jeunes apprenants. Notre université, qui se veut un centre d'excellence, est ouverte aussi à tous les bacheliers selon la spécialité, à la suite d'une sélection rigoureuse.

Aujourd'hui, on démarre avec l'Ufr Etudes islamiques et langue arabe pour les bacheliers sénégalais, une Ufr où l'on étudie toutes les matières enseignées dans les universités arabes. On y étudiera aussi l'histoire de notre pays, nos valeurs authentiques préislamiques, mais aussi les grands hommes et l'important travail qu'ils ont fait pour ce pays à l'image de Cheikh Ahmadou Bamba.

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