Burkina Faso: Réinhumation restes Thomas Sankara et Cie - Polémique jusqu'au bord des tombes

Thomas Sankara
analyse

C'est aujourd'hui qu'aura lieu la cérémonie de réinhumation des restes de Thomas Sankara et de ses 12 compagnons d'infortune tombés le 15 octobre 1987 lors du coup d'Etat qui a porté Blaise Compaoré au pouvoir. Cette même nuit, le Pape de la Révolution burkinabè et ses apôtres ont été enterrés sans égards au cimetière de Dagnoën.

Depuis, en même temps que la quête de justice, les familles des suppliciés réclamaient des sépultures dignes de ce nom pour le héros du 4 août 1983 et ses camarades.

On peut en dire ce qu'on veut, mais justice a été rendue dans une certaine mesure lors du procès qui s'est tenu du 11 octobre 2021 au 6 avril 2022 et qui a condamné notamment Blaise Compaoré, Hyacinthe Kafando et Gilbert Diendéré à la perpétuité. Le dossier judiciaire vidé, restait la cérémonie de réinhumation.

Pour mémoire, le 26 mai 2015, les restes funéraires des 13 infortunés avaient été exhumés pour faire des tests ADN dans le cadre du traitement du dossier.

La cérémonie œcuménique d'aujourd'hui est donc quelque part l'aboutissement d'un longue quête vieille de 36 ans. Hélas, trois fois hélas!

Ce qui devait être une occasion de rassemblement, de recueillement, a viré à la poigne sur fond souvent de considérations mercantiles. L'Etat et les familles se sont en effet tiraillés et ont polémiqué jusqu'au bord des tombes qui vont accueillir à partir d'aujourd'hui les restes des 13 trucidés.

En réalité, dans cette guéguerre de sépultures, deux familles auront été aux avant-postes.

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D'abord celle de Thomas Sankara dont les ayants droit ne voulaient pas entendre parler du Conseil de l'Entente comme lieu de l'inhumation pour la bonne et simple raison que ce site leur rappelle de mauvais souvenirs.

En lieu et place Mariam, ses enfants Auguste et Philippe ainsi que les frères et sœurs du défunt préféraient le jardin Yennenga et celui de l'Amitié, ou à défaut qu'on ramène les restes à la nécropole de Dagnoën.

Leur volonté n'ayant pas été respectée, la famille nucléaire de "Thom Sank" ne sera pas présente aux obsèques même si les organisateurs assurent que la famille sera bel et bien représentée. Par qui? On le saura sans doute aujourd'hui.

Autre famille qui aura bataillé ferme, celle de notre confrère Babou Paulin Bamouni, l'un des fervents idéologues du Conseil national de la Révolution (CNR).

A défaut d'avoir pu donner de son vivant le moindre cadeau à leur père, les enfants, aujourd'hui majeurs, souhaitaient au moins lui faire présent du cercueil. Le Bureau de garnison de Ouagadougou qui est le chef d'orchestre de la cérémonie de réinhumation aura finalement accédé in extremis à cette requête. Malgré tout, la famille dans une déclaration datée d'hier annonce qu'elle sera aux abonnés absents.

Voilà où nous en sommes donc. Et c'est bien dommage que ce qui aurait pu constituer un moment d'unité de la Nation dans ce contexte ait débouché sur un désolant bras de fer.

Quand bien même la puissance publique, l'armée notamment, serait dans son bon droit, on peut comprendre les ressentiments et les réticences de certaines familles s'agissant de choses aussi intimes et affectives que celles touchant à l'inhumation d'un être proche.

Espérons que ce tohu-bohu qui va entourer l'événement n'empêchera pas Sankara et ses 12 compagnons de reposer enfin en paix dans ce qui sera définitivement leur dernière demeure et sans doute un futur lieu de pèlerinage pour beaucoup de gens.

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