Afrique: « Enjeux et défis de la prise en charge du VIH pédiatrique dans le cadre du Cycle de subvention 7»

analyse

Dans le cadre d'un webinaire organisé conjointement par l'Observateur du Fonds mondial/Aidspan et le Réseau Camerounais des Adolescents et Jeunes Positifs, Patrick Alain Fouda nous offert une présentation dont le but était de nous permettre de mieux comprendre du point de vue psychologique et social, les difficultés et les besoins des adolescents et jeunes vivant avec le VIH ainsi que la meilleure manière de les prendre en charge. La question qui a davantage retenu l'attention de Patrick Alain Fouda au cours de sa présentation est celle de savoir : comment vivre, se construire et s'épanouir avec le VHI-SIDA?

Avant de mettre en exergue les différentes articulations de la réponse de Patrick Fouda, disons rapidement un mot sur le ReCAJ+ dont il est le président.

Le Réseau Camerounais des Adolescents et Jeunes positifs (RECAJ+)s'est fixé comme mission de " mutualiser les moyens matériels, financiers, et humains afin de fédérer les adolescents et jeunes vivant avec le VIH des dix régions du pays pour rehausser la qualité et le niveau de leur participation à la réponse santé globale ". Plus spécifiquement, il entend " veiller au bien-être psychologique et social de l'enfant, de l'adolescent, et du jeune adulte vivant avec le VIH ".

Pour revenir à la question qui aura constitué le fil conducteur de la présentation, Patrick a commencé par une note positive. Actuellement dans le monde entier a-t-il indiqué, il est loisible de constater une baisse importante du nombre d'enfants nés avec le VIH. Grâce aux progrès des traitements antirétroviraux et à la mise en place de suivis médicaux réguliers disponibles dans les différents centres de santé dans plusieurs pays du monde, l'espérance de vie des enfants infectés par le VIH s'est nettement améliorée depuis plus de vingt ans. Aujourd'hui, une proportion importante de ces enfants infectés accède à l'âge de l'adolescence. Ce qui n'était pas le cas, il y a encore peu.

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Cela dit, poursuit Patrick Fouda, l'infection de plus de 70% des adolescents et jeunes qui vivent avec le VIH provient des échecs de la Prévention de la Transmission Mère-Enfant (PTME). Notre intervenant a également indiqué que la façon de gérer l'infection et les problématiques y afférentes étaient très souvent fonction des difficultés psychologiques auxquelles les adolescents et jeunes étaient confrontés dans leur enfance. De manière générale, il existeau moins 4 facteurs qui permettent de comprendre les difficultés psychologiques et sociales auxquelles sont confrontés les adolescents et jeunes vivant avec le VIH dans leur enfance.

Le premier facteur est lié à la culpabilité et aux blessures narcissiques. La majorité des infections chez les adolescents et jeunes de l'Afrique subsaharienne proviennent de l'échec de la PTME ou la transmission du virus de la mère à l'enfant. L'annonce de la maladie au jeune adolescent est un moment critique pour les parents qui redoutent un effet déstabilisant pour son développement identitaire, du fait que cela est souvent place à la stigmatisation et au rejet . Ainsi, les parents se retrouvent dans une posture difficile à l'égard de l'adolescent et ils ont alors tendance à retarder le moment de l'annonce de la maladie. De plus, un prévisible sentiment de honte et de culpabilité parentale participe à la peur d'être déconsidéré par l'enfant. Le plus souvent, il n'y a pas de communication franche entre les parents et l'enfant quant à l'origine de son infection. Les parents sont pris dans l'incapacité à s'expliquer et cela crée une relation toxique entre les parents et les enfants infectés.

Le deuxième facteur est lié aux représentations négatives liées au VIH. Le VIH est encore frappé de représentations négatives dans la famille et la communauté. Ces représentations constituent un obstacle au développement nécessaire de l'enfant. Elles freinent l'enfant dans le processus de gestion de son statut par rapport au regard extérieur.

Le troisième facteur est lié au contexte conflictuel et chaotique qui prédispose à revivre une expérience traumatique. En effet, l'annonce de la maladie est souvent directement associée à la mort et au rejet. Cela vient perturber le développement ou la construction de l'avenir personnel du jeune adolescent face à cette maladie.

Le quatrième facteur est lié au fait d'avoir des parents ou substituts parentaux vivant dans la précarité sur le plan social et psychologique. Selon Patrick Fouda, les parents de la plupart des adolescents et jeunes infectés sont décédés... ou alors, un seul parent est encore en vie. Cela fait que les enfants se retrouvent à affronter des conditions plus ou moins difficiles et instables. Plusieurs d'entre eux vont de famille en famille, et cela entraîne un déséquilibre psychologique, mental et social. En fait, ces enfants sont déstabilisés à plusieurs égards.

Pour Patrick Fouda, ces quatre facteurs sont à prendre en compte au niveau du système de santé et au niveau des bailleurs de fonds. Bien qu'ils ne soient pas des facteurs cliniques, ces facteurs peuvent aider à mieux comprendre et adresser les besoins spécifiques de ces adolescents et jeunes vivant avec le VIH.

Globalement, Patrick Fouda a soulevé plusieurs problématiques liées à la vie des adolescents et jeunes séropositifs, à savoir :

La problématique de la transmission de la culpabilité involontaire qui commence dès l'annonce de son statut sérologique. Cette annonce bouleverse la vie psychologique et mentale de l'adolescent et entraine souvent de ruptures familiales irréversibles. Pour les parents et les enfants, cette réalité est très difficile à accepter et à gérer.

Dans la même veine que le point précédent, il y a le secret ou le mystère qui entoure le statut sérologique. Celui-ci créé un climat de " non - dit " qui devient s'érige parfois en une règle de fonctionnement délétère au sein de la famille.

La question amoureuse et sexuelle est une autre difficulté majeure pour les adolescents infectés par le VIH, car cela veut dire partager son statut sérologique avec son / sa partenaire. Confrontés au VIH et à ses " contraintes " thérapeutiques, ils doivent faire face aux enjeux sexuels dans le cercle des relations intimes, à savoir l'exercice de la sexualité et la prévention. L'annonce de leur séropositivité au début ou en cours d'une relation amoureuse créée parfois un sentiment de rejet ou de crainte permanent de la transmission du virus. Et cette crainte dicte leurs conduites.

" On a toujours dit au jeune adolescent que son statut sérologique est un secret, et qu'il ne devrait pas le partager avec qui que ce soit ! Au moment où l'adolescent aborde une vie amoureuse, on lui dit maintenant qu'il faut partager son statut avec son/sa partenaire : cela est source de confusion en lui. Cela créé aussi un sentiment de culpabilité et entraîne l'adolescent à se révolter et, parfois, à arrêter la prise des médicaments et le respect des rendez-vous à l'hôpital ".

Au demeurant, dit Patrick Fouda, lorsqu'on veut adresser la problématique des jeunes adolescents vivant avec le VIH, il faut prendre en considération deux aspects importants à savoir (1) la prise en charge de leur santé mentale et (2) la prise en charge psychologique et sociale centrée sur la famille. Le vrai enjeu dans l'élaboration du Cycle de subvention 7 sera également d'être capable de prendre en compte toutes les dimensions extra- clinique et para-clinique qui complexifient la capacité des systèmes de santé à appréhender les problèmes des adolescents et jeunes séropositifs vivant avec le VIH. En effet, les services VIH adressés aux adolescents et jeunes vivant avec le VIH restent cliniques dans la plupart des pays africains avec des files actives essentiellement concentrées dans les formations sanitaires. Autrement dit, la prise en charge des adolescents séropositifs reste souvent l'apanage du milieu hospitalier.

Toujours selon Patrick Fouda, un des problèmes majeurs consiste à mélanger deux domaines qui sont probablement liés, mais qui doivent être séparés. Il s'agit de (i) l'accompagnement psychologique qui doit être assuré par les experts, et (ii) l'accompagnement social.

La prise en charge de la problématique amoureuse et sexuelle, la problématique familiale, ainsi que l'environnementstigmatisante a pour but d'aider les adolescents et jeunes vivant avec le VIH à vivre et à mieux accepter leur statut sérologique. Pour y arriver, un suivi individualisé de ces jeunes et adolescents d'une part et, d'autre part, la mise à disposition d'accompagnateurs psycho-sociaux formés sur ces questions sont nécessaires.

Au cours de sa présentation, Patrick Fouda a aussi évoqué la barrière légale pour les adolescents de pouvoir accéder aux services sans consentement des parents : ceci constitue un réel frein pour un adolescent de moins de 18 ans qui souhaite connaitre son statut sérologique et qui ne peut pas faire un test de dépistage sans l'accord des parents alors que certains de ces adolescents rapportent avoir eu des relations sexuelles entre 13-14 ans.

Pour Patrick Fouda, deux éléments clés doivent être pris en compte par les pays dans l'élaboration du cycle de subvention 7:

Le premier élément à prendre en compte est l'implication des jeunes dans la construction des réponses. " Les problèmes sont bien plus profonds que ce qu'on peut percevoir et si on ne met pas en place un espace de discussion garantissant des relations saines et une discussion transparente et sans relation verticale, on ne peut pas adresser correctement les problèmes et, il sera alors impossible d'apporter des solutions appropriées à leurs problèmes ".

Le deuxième élément clé est la prise en charge décentralisée, c'est-à-dire la valorisation des espaces communautaires. Ils sont mieux préparés pour traiter les besoins de ces adolescents et jeunes vivant avec le VIH. " Les systèmes de santé classiques sont incapables de prendre en charge ces problèmes avec des files actives comprises entre 600- 1000 adolescents. Le plus grand centre dispose de 3 médecins et une dizaine d'accompagnateurs psychologiques et sociaux (APS) pour aider ces bénéficiaires à rester en bonne santé. Ce qui est totalement insuffisant, car ces jeunes ont besoin d'un suivi personnalisé d'une part et, d'autre part, les systèmes de santé offrent des réponses génériques à tout le monde ".

Patrick Fouda a insisté sur deux points à retenir pour la fin :

Garantir la participation des adolescents et jeunes vivant avec le VIH dans les différents processus du nouveau cycle de financement (Cycle de subvention 7) ;

Mettre en place un dispositif d'accompagnement de prise en charge, lequel devra garantir que l'accompagnement de la cible soit personnalisé et adapté aux besoins spécifiques des adolescents et jeunes. Il y a en effet plusieurs paramètres à prendre en compte à savoir l'âge, la vie sociale, l'éducation et l'équilibre familial de l'individu qui font que les réponses génériques ne seront jamais appropriées.

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