Durant ces dernières décennies, Madagascar est le seul pays au monde à présenter une tendance à la baisse de son PIB par habitant. La chute des investissements privés figure parmi les raisons de cette situation.
Des experts de la Banque mondiale ont présenté les tendances économiques à long terme de Madagascar à Ankatso mardi. Résultats, le pays est l'u n des rares à avoir connu une baisse tendancielle du revenu par
habitant sur le long terme (entre 1970 et 2020). Sur une période plus longue, les 70 dernières années, la Grande île est le seul pays au monde à présenter une tendance à la baisse du PIB par habitant.
À titre d'exemple, il est chiffré à 581,3 dollars en 1980 pour baisser à 500,5 dollars en 2021. La plupart des pertes se sont produites au cours d'une période de déclin allant du début des années 1970 au milieu des années 1990. Cet intervalle 1970-2020 est cependant entrecoupé de brèves périodes de croissance, mais pas assez conséquentes. Plus tard, les gains obtenus pendant les courtes périodes de stabilité relative ont été annulés par des crises, notamment l'instabilité politique en 2001-2002, la crise politique en 2009-2012 et la pandémie de Covid-19 en 2020.
En effet, le PIB par habitant a légèrement augmenté entre 2013 et 2019 mais a ensuite chuté de façon spectaculaire, soit une baisse de 2,3% en moyenne sur la période 2012-2022 indiquent les chiffres. Le peu de gains en termes de PIB par tête pendant cette période a été anéanti par la pandémie
souligne Francis Muamba Mulangu, économiste de la Banque mondiale.
Mutation
En outre, selon Francis Muamba Mulangu, la transformation structurelle a été lente et limitée entre la période 2000 et 2019. En fait, une économie acquiert de la transformation structurelle lorsqu'elle opère une mutation de production des produits primaires bruts vers des produits manufacturés, à valeur ajoutée plus élevée que les premiers. Cette lenteur est causée par la domination du secteur primaire. L'agriculture est un des secteurs qui occupe une plus grande part dans le PIB, soit dans les 20%.
Les nouveaux emplois nets cumulatifs sont passés de 500 000 à 3,5 millions d'emplois dans l'agriculture, plus ou moins la même tendance pour les services, tandis qu'ils n'ont pas dépassé les 500.000 en cumul pour l'industrie.
Les investissements privés ont chuté et la création d'emplois formels a stagné depuis la crise de 2009-2013. En 2010, l'investissement privé s'élevait à plus de 20% du PIB pour finir à moins de 10% en 2022. Cela impacte grandement sur la création d'emplois explique Francis Muamba Mulangu. Selon les chiffres, on enregistre en moyenne 0,35% de création de nouveaux emplois formels par rapport à la main d'œuvre totale employée.
D'ailleurs, pendant la même période, cette création de nouveaux emplois formels n'a jamais dépassé le 0,40% de la main d'œuvre totale employée. Aujourd' hui à Madagascar, une personne éduquée gagnera moins qu'une personne ayant le même niveau d'éducation, même en tenant compte de la différence d'expériences.
Selon l'économiste Mamy Ravelomanana, les pays asiatiques et certains pays d'Amérique latine sont passés par l'industrialisation de leur économie, ce qui explique leur avancée. Pour Madagascar, la structure de l'économie n'a pas grandement changé depuis 1960. " La part du secteur secondaire avoisine les 30 à 40% du PIB dans ces pays, si elle est restée à 18% pour nous. Et d'ailleurs, ce sont en majorité les industries extractives sujettes à la malédiction des ressources naturelles " note-t-il.
L'économiste a également fait part des faiblesses des infrastructures routières. " Madagascar a perdu les deux tiers de ses routes praticables depuis l'indépendance. Les 2 seuls pays derrière Madagascar pour la qualité des routes c'est le Tchad et la Mauritanie, qui sont des déserts " a-t-il rappelé. Il pointe du doigt les élites qui accaparent les richesses et qui font de la cartellisation dans le secteur financier, les télécoms et le circuit de distribution de riz.