Sénégal: Stratégies Nationales de Résilience Agricole - 60 ans d'insécurité alimentaire

24 Février 2023

L'autosuffisance alimentaire qui s'est transmuée en impératif de souveraineté alimentaire depuis la crise de Covid-19 et la guerre russo-ukrainienne cessera-t-elle d'être un jour un vœu pieux de l'Etat sénégalais ? Pour cause, les différentes politiques agricoles mises en œuvre depuis 1960 n'ont pas su enrayer l'insécurité alimentaire devenue de plus en plus inquiétante et la pauvreté qui ne cesse de gagner du terrain dans le monde rural. Malgré les projets, plans et programmes pilotés vraisemblablement à vue par les autorités depuis une soixantaine d'années. Sud Quotidien passe en revue ces divers schémas qui nécessitent, selon l'ingénieur agronome à la retraire Amadou Méthiour Ndiaye que "L'Etat change de paradigme".

Productivité agricole sous le régime socialiste : mille schémas, peu de résultats !

De Léopold Sédar Senghor (1960-1980) à Abdou Diouf (1980-2000), une série de politiques macro-économiques aux implications diverses pour le secteur agricole, et suivant des séquences temporelles déterminées par des contraintes et des mutations internes et externes, a été mise en œuvre à chaque étape, tout en s'ajustant. Mais, à l'arrivée, les voies et les moyens pour que le secteur agricole participe plus et mieux au développement de l'agriculture vivrière, de l'agriculture industrielle et de l'agriculture d'exportation sont plus prégnantes que jamais.

Depuis l'accession du Sénégal à la souveraineté internationale (indépendance), différentes politiques agricoles ont été élaborées. Au nombre de ces politiques agricoles : le Programme agricole (Pa) de 1960 à 1980, le Programme de redressement économique et financier (Pref) de 1981 à 1984, la Nouvelle politique agricole (Npa) de 1985 à 1994, les Programmes, lettres et déclarations de politique agricole (Pdpa) de 1995-2005 y compris la politique agricole commune de l'Union économique et monétaire de l'Afrique de l'ouest (Uemoa) à partir de

2001.

Sous les régimes Senghor et Diouf (1960-2003) les réformes agricoles sont passées " d'une politique participative à une politique totalement libéralisée de l'Etat et d'un objectif d'autosuffisance alimentaire à un objectif de sécurité alimentaire ", rappellent Alioune Dieng et Adama Gueye dans leur revue bilan critique de quarante années de politique céréalière. Durant cette période, le principal souci du gouvernement sénégalais était de rendre le secteur agricole assez performant pour développer le monde rural et porter la croissance économique. En clair, les objectifs globaux de cette politique agricole étaient d'améliorer la sécurité alimentaire et de promouvoir un développement rural durable.

Durant toute cette période (1960-2003), la moyenne de la production céréalière (mil/sorgho) était de 74%. Et ce, en dépit du développement de la production et de la consommation de riz et de maïs. Or, la production de mil/sorgho est celle qui augmente le plus lentement sur la période (0,3 % en moyenne par an, contre 1% environ pour le riz et le maïs) en raison notamment d'une quasi-stagnation des rendements (+0,1% par an seulement sur la longue période). De ce fait, le taux de croissance de la production globale de céréales est resté faible (+0,5% environ par an) et inférieur à celui de la population ; ce qui entraîne une réduction de la production céréalière domestique par tête.

Le Programme agricole (PA) : 1960-1980

Avec ce programme, expression d'une politique de soutien des cultures d'exportation, l'Etat du Sénégal a dû créer de nombreuses sociétés d'encadrement destinées à vulgariser les méthodes culturales modernes et à diversifier la production agricole.

C'est ainsi que trois institutions ont été créées pour venir en appoint au service agricole ; à savoir l'Office de commercialisation agricole (Oca) créé à l'aube de l'indépendance et qui avait en charge l'achat des

récoltes, de la livraison et la distribution des semences et de l'importation du riz ; les Centres régionaux d'assistance au développement (Crad) créés en 1964 qui encourageaient la création de coopératives, assuraient la liaison entre celles-ci et l'Oca et appuyaient la formation de la direction coopérative ; la création en 1966 de l'Office national de coopération et d'assistance pour le développement (Oncad) qui visait à consolider les fonctions de l'Oca et du Crad. Les Centres d'expansion

rurale polyvalents (Cerp) avaient pour objectif la fonction, en coordination avec l'Oca et le Crad de prodiguer des conseils techniques aux ruraux sur l'agriculture, la santé, la sylviculture, l'élevage et les coopératives.

Au cours de cette période, le taux de croissance de la

production des céréales était de 0,65 %, largement inférieur à celui de la population.

Programme de redressement économique et financier

Dans les années 80, l'Etat a mis en place la nouvelle politique d'ajustement (Plan de redressement économique et financier) plus connue sous le nom de Pref. Avec ce plan, les soutiens à l'arachide sont supprimés et réorientés vers les céréales. Conséquence, une crise du secteur arachidier, au point que les exportations d'arachide ne suffisent plus à financer les importations de riz, mais une certaine relance de la production domestique de céréales se fait sentir. La mise en place de cette réforme brutale, conjuguée à la faillite de l'Oncad a entraîné une désorganisation complète de la distribution d'engrais dont la consommation chute brutalement.

Nouvelle Politique Agricole (NPA) 1985-1994

Les mesures mises en œuvre par le Programme d'ajustement structurel (Pas) avaient pour

objectif principal d'assainir la situation budgétaire de l'État tout en diminuant les contraintes à

l'exportation. Et l'ensemble des secteurs économiques était concerné de manière directe ou indirecte par cette politique. Au finish, pas grand-chose de positif à tirer de ce Npa. En cause, le choc de la dévaluation du franc CFA de 1994 qui a fortement déprimé la consommation d'engrais qui s'est située à un maxima de 25 000 tonnes en 1994. En somme, les différentes politiques agricoles mises en œuvre depuis 1960 n'ont pas su enrayer l'insécurité alimentaire devenue de plus en plus inquiétante et la pauvreté qui ne cesse de gagner du terrain dans le monde rural.

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