Ile Maurice: Montée des eaux pendant le cyclone Freddy - Hôtels de plage et bungalows noyés dans un scénario catastrophe

25 Février 2023

Le réchauffement climatique cause l'élévation du niveau des océans et un effritement graduel des plages de sable sous l'effet de l'érosion.

La situation bascule vers le pire quand un puissant cyclone comme Freddy provoque une montée des eaux que l'on ne peut stopper. Les hôtels de la côte est notamment peuvent en témoigner. Les dégâts ont été nombreux. Les particuliers possédant des bungalows pieds dans l'eau ont aussi vécu un véritable cauchemar nommé submersion marine. Et ce n'est que le début d'un scénario catastrophe appelé à s'accentuer dans les années à venir. Maurice a déjà perdu 15 km de plages. Elles sont menacées de disparition et toutes les activités humaines qui y ont élu domicile devront se réinventer. Ou disparaître petit à petit comme le littoral. À moins qu'un plan d'aménagement de la frange littorale, avec digue de protection et végétalisation endémique, ne vienne atténuer les effets d'un phénomène naturel puissant et dévastateur.

Sur la côte est, sur la plage de Belle-Mare plus précisément, la scène qui s'offre au regard témoigne de la forte montée des eaux. Comme jamais auparavant en ce jeudi matin. Le cyclone Freddy qui a frôlé le nord-ouest du pays, lundi, n'a visiblement rien épargné sur son passage. Le terrain gazonné, par ailleurs tout vert, propre et serein, est le théâtre d'un triste spectacle auquel même les habitants du district de Flacq ne sont pas habitués : des paillotes détruites, empilées à côté des coraux et des algues transportées par le raz-de-marée, et entre ceux-ci, quelques pirogues endommagées qui ont été mises à l'écart. En temps normal, ces pirogues se trouveraient dans l'eau. L'ambiance sur la plage est plutôt calme. Les activités nautiques organisées par les hôtels des alentours devraient redémarrer. On aperçoit un ou deux pêcheurs, en eau peu profonde. Les touristes, eux, se réjouissent de pouvoir à nouveau se balader sur la plage ou nager alors que le staff des hôtels et des bungalows privés s'efforce de tout faire pour réhabiliter les lieux.

%

"En vingt ans de carrière ici, on n'a jamais vu des houles aussi fortes. Linn rantré, kraz partou ek balyé tou sa la", confie un skipper employé à l'hôtel Ambre, en indiquant le restaurant et la piscine de l'hôtel, face à la mer, devant lesquels s'étendaient des paillotes et des chaises longues permettant aux clients de profiter pleinement du soleil et de la plage. Ceux qui fréquentent habituellement cette plage se souviendront qu'il y a quelques mois, au moment où le pays a rouvert ses frontières pour accueillir les touristes, un placement stratégique de murs en pierre avait été effectué à l'hôtel Ambre pour rehausser et renforcer la barrière protégeant la limite de l'hôtel depuis la plage afin de lutter contre les effets de l'érosion du sable.

En dépit de cela, "la puissance des houles était telle qu'elle a non seulement détruit les paillottes, mais l'eau a franchi les barrières, s'engouffrant jusqu'au restaurant et la piscine". "Heureusement, ajoute le skipper, pendant l'alerte cyclonique numéro 1, nous avions rangé tous les bateaux et comme tous les clients avaient été priés de rester à l'intérieur, conformément au protocole de sécurité, aucun blessé n'est à déplorer. Finalman, zordi, travay pe reisi démaré ek aktivité pé répran".

"Même la grotte de la Vierge Marie pas épargnée"

Le mur de séparation qui sépare l'hôtel de la propriété adjacente, la Résidence Thalassa, a aussi été partiellement endommagé par les vagues. La violence des flots s'y est aussi manifestée. Pour la première fois, les eaux ont atteint la piscine au point de la recouvrir jusqu'à la véranda de certains appartements, témoigne Sanjay, employé qui tente désespérément de remettre en place le petit portail en bois à l'entrée avec l'aide de son collègue. Ce petit portail en bois a été emporté par le raz-de-marée. Même la petite grotte de la Vierge Marie, intégrée dans le mur en pierre à proximité, n'a pas été épargnée par les eaux puissantes.

"J'étais stupéfait car cela a causé beaucoup de dégâts. Mais heureusement que nous nous sentions en sécurité dans notre appartement", relate un touriste français, en vacances à Maurice depuis trois mois en compagnie de son épouse. Au cours des cinq dernières années, le couple a visité l'île une fois tous les ans et la côte est reste leur préférée. "Nous avons déjà vécu le passage d'autres cyclones lors de notre séjour ici, mais nous n'avons jamais été inquiétés... Heureusement, l'équipe du personnel ici et celle des hôtels environnants ont fait de leur mieux après coup pour remettre les choses en état et effectuer le nettoyage." Or, pour beaucoup, cette situation est plutôt inquiétante. "Cette année, le climat a été particulièrement chaud et humide. Avec le réchauffement climatique et la saison cyclonique qui est loin d'être terminée pour l'île Maurice, nous ne savons pas encore ce qui nous attend... mais nous visiterons à nouveau le pays", affirme notre interlocuteur.

Mais toutes ces personnes interrogées déplorent le fait que jusqu'à présent, les autorités publiques n'ont même pas effectué un constat des dégâts causés à la plage et entrepris sa réhabilitation. Ce sont plutôt les employés des bungalows et des hôtels qui font leur part de travail pour réhabiliter la partie de la plage située à proximité de leurs propriétés.

Les autres hôtels situés le long de la plage de Belle-Mare, notamment l'hôtel Véranda, sont dans une situation similaire : des paillotes cassées, des débris et le nettoyage en cours. L'équipe de la boathouse se prépare enfin à relancer les activités nautiques pour les quelques touristes qui souhaitent s'y adonner. L'hôtel LUX-Belle-Mare, quant à lui, est dans une situation plus compliquée. Fermé jusqu'en octobre prochain pour rénovation (après un incendie), les dégâts causés par le raz-de-marée le concernent aussi directement. LUX-Belle-Mare, qui est par ailleurs connu pour son magnifique et élégant bar et restaurant en face de la mer et pour ses activités de plage qui rendent l'ambiance agréable, apparaît bien isolé et maussade.

LUX-Belle-Mare: Incendie mineur

Un membre de l'équipe de sécurité supervise les travailleurs qui rassemblent les restes des paillotes détruites. Pour la première fois en 15 ans d'expérience professionnelle dans cet hôtel, il a vu les vagues s'écraser violemment et l'eau atteindre l'intérieur du restaurant Beach Rouge, entraînant avec elle du sable et d'autres débris. "Lors des cyclones précédents, l'eau s'approchait certes du restaurant mais elle n'avait jamais pénétré à l'intérieur avec une telle force", dit-il. Le restaurant est situé pourtant à une certaine distance du rivage. La violence des flots était vraiment grande. Le raz-demarée aurait aussi provoqué un incendie mineur. En effet, le restaurant dispose de revêtements en bois pour le sol, avec des fils électriques intégrés en-dessous et reliés à des prises permettant de faire fonctionner la lumière et l'électricité. Or, lundi, "lorsque l'eau serait entrée en contact avec les fils électriques, un incendie mineur s'est produit". "Mais heureusement, raconte ce membre de l'équipe de sécurité, notre équipe de lutte contre les incendies, qui travaille à tout moment, a réussi à maîtriser la situation rapidement, et aucun blessé n'est à déplorer parmi le personnel."

En juillet de l'année dernière, un incendie majeur s'était déclaré au LUX-Belle-Mare et presque la moitié de l'hôtel avait été la proie des flammes. Les autorités avaient ouvert une enquête afin de faire la lumière sur l'origine de cet incendie. Actuellement, en raison de la rénovation, quelque 400 employés sont redéployés dans les autres hôtels du groupe LUX et conservent leur emploi. Il en est de même pour tous les clients qui ont fait des réservations, explique cet employé.

Grand-Gaube: "Le tronc d'un cocotier est tombé sur ma tête"

Dans le nord du pays, plus particulièrement à Grand-Gaube, la plage est plus ou moins restaurée, même si la montée des eaux avait atteint les terrasses et vérandas de certains bungalows pieds dans l'eau. Il reste tout de même quelques pots de fleurs vides dans les cours. Les fleurs qu'ils abritaient ont été déracinées et emportées par les vagues. Idem pour la porte en bois à l'entrée d'un des bungalows : emportée par les eaux. On vit désormais avec la crainte d'une répétition de cette situation.

Clifford, propriétaire de l'un des bungalows, témoigne que ce lundilà, alors qu'il observait pour un petit moment de sa cour les vagues grossir au loin, compte tenu du vent fort qui soufflait, "le tronc de l'un des cocotiers dans la cour s'est soudainement cassé et est tombé sur ma tête, puis m'a fait mal au dos". Des traces de blessure sont encore visibles sur son visage et son dos. Il a dû être transporté d'urgence pour des soins dans une clinique privée où il a passé la nuit. Heureusement, dit-il, "les scans n'ont révélé aucune fracture ou blessure interne à la tête ou ailleurs..."

Son frère, propriétaire d'un bungalow voisin, vit avec son épouse qui est autrement capable. Il relate que, "heureusement, elle (son épouse) était à l'intérieur au moment où l'eau a atteint la terrasse". "Cette montée des eaux, qui est venue avec force, a cassé le fauteuil roulant utilisé par mon épouse qui était sur la terrasse."

Grand Baie : pollution de l'environnement au coeur de l'inquiétude

Dans l'après-midi de lundi, le cyclone tropical intense Freddy était centré à environ 120 km presqu'au nord de Grand-Baie. Et le raz-de-marée a rappelé aux gens - et aux autorités - semble-t-il, l'existence d'un problème de longue date : une grave érosion de la plage à proximité de la fish landing station. On peut constater que la quantité de sable diminue progressivement, réduisant considérablement l'écart entre le bord de mer et la route. Les racines des arbres sont visibles pour la plupart, donnant l'impression qu'à la prochaine rafale, ils peuvent tout simplement s'écrouler.

Face à cette situation, les pêcheurs expriment leur colère. "Ce problème persiste depuis des années. Petit à petit, il s'est aggravé." Maintenant, disent-ils, en montrant les arbres qui peuvent à peine tenir en place raison de l'absence de sable, "au cas où il y a une autre catastrophe écologique, même ces arbres seront déracinés et l'eau traversera la route pour inonder les bâtiments." "En début de semaine, l'eau a atteint des niveaux très élevés. Aujourd'hui, nous essayons enfin de redémarrer le travail."

L'autre problème, soutiennent les pêcheurs, a pour nom Fish-Landing Station. Abandonnée, elle est devenue un "dépotoir" pour les déchets. D'ailleurs, on y aperçoit des poubelles pleines de déchets, de vieux pneus et même des sacs de pierres. Qui les a entreposés là ? Nul ne le sait. "Zot gard tou ici. Ensuite, les vagues ont tout entraîné dans la mer. Maintenant, ils l'ont fait à nouveau. La prochaine fois, lorsque les vagues se briseront, le même cycle se répétera. Personne ne fait rien à ce sujet." Il revient à qui exactement de résoudre ce problème ? Ministère de l'Environnement, de la Blue Economy, Marine Resources, Fisheries and Shipping, la Beach Authority, ou un autre organisme ? "Des visites ont souvent été effectuées sur place mais les différentes autorités continuent de se renvoyer la balle et en fin de compte, rien ne change. Ce qui nous inquiète, c'est qu'avec l'érosion du sable et le taux de pollution de l'environnement, si nous devons braver un autre raz-demarée, serons-nous capables de le gérer ?" s'interrogent les pêcheurs.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.