Madagascar: Une œuvre de scénariste et non d'historien

En étudiant la pièce Ranavalona III et le général Gallieni de Victor Solo, mise à part les traits conformes à l'histoire générale, Yvette Sylla y décerne beaucoup d'inexactitudes historiques (lire précédentes Notes).

Ainsi de l'entrevue entre la reine et le nouveau résident général devenu gouverneur général. Le créateur de la pièce indique que ce dernier annonce à la reine, de manière abrupte, " la prise de possession de Madagascar par la France ". Selon Yvette Sylla, cela ne se déroule pas réellement de cette façon. Elle s'explique. Dès son arrivée dans la Grande ile, " Gallieni tient à marquer vis-à-vis de la reine une certaine froideur et il estimait que c'était à elle de s'incliner puisque l'ile était déclarée colonie française ".

Il le prouve aussi en ne lui rendant pas, le premier, une visite de courtoisie car l'entrevue a lieu à Antaninarenina où " Ranavalona III devait se déplaçait en personne ". À cette occasion, il ne prononce qu'une allocution brève et sèche, mais polie, " sans les violences et la volonté de profanation, notamment du drapeau malgache, que montre la pièce ". En fait, c'est la décision de son exil qui lui sera annoncée, plusieurs mois plus tard, à Anatirova, par le commandant Gérard, bras droit du gouverneur général. Aucune entrevue n'aura plus lieu entre celui-ci et la souveraine déchue. En outre, le portrait de Ranavalona III, dessiné par Victor Solo dans sa pièce, semble " purement imaginaire ".

Pour l'auteure de l'étude, la reine ne doit pas manquer d'intelligence, certes, mais elle est consciente de l'inégalité des forces en présence et " semblait, en fait, résignée et obéissante".Cela ne l'empêche pas toutefois d'éprouver un vif chagrin à l'annonce de son exil. Yvette Sylla trouve encore des inexactitudes dans les grades attribués aux officiers. Enfin, elle remarque que l'auteur a pris " beaucoup trop de libertés " envers la chronologie. Les actes I et II de la pièce se situent dans les derniers jours de septembre 1896, dit-elle.

L'acte III ne peut se dérouler que bien des mois après, Andriamifidy ayant eu le temps d'aller en Europe, d'y faire des études et de revenir. Au début de cet acte III, la pacification semble même achevée et une certaine réconciliation réussie, puisque le jeune homme devient secrétaire particulier du gouverneur général. Pourtant, " l'on parle encore des Menalamba, dont il est l'espion auprès des autorités françaises ". Bien plus, l'acte IV, censé se dérouler plus tard encore, rapporte des évènements " pratiquement contemporains de ceux présentés dans les actes I et II ".

Ces inexactitudes sont, estime l'auteure de l'étude, en partie involontaires. Les évènements rapportés par Victor Solo, sont, " après tout, encore relativement récents ". Ils restent, sans doute, très vivaces dans les mémoires, mais " par manque de recul, les souvenirs sont encore mal décantés". Et du fait des " témoignages parfois contradictoires des anciens ", il est même difficile de faire la part de ce qui est réellement vécu et de ce qui est recomposé à partir des on-dit que " l'on croit réellement être des témoignages authentiques ".

De surcroit, en 1963, quand Victor Solo écrit sa pièce, les véritables ouvrages d'histoire en langue malgache sur cette période sont vraiment rares. D'ailleurs, signale l'auteure de l'étude, lui-même reconnait avoir principalement pris comme sources des articles de journaux, surtout Hita sy Re. Il ne faut pas non plus occulter la Commission de censure du ministère de l'Intérieur, dont la surveillance impose beaucoup de prudence à l'époque. C'est ainsi, par exemple, qu'à la demande de cette Commission, Victor Solo doit changer le titre de la pièce.

À l'origine, celle-ci devait s'intituler Ny Hery setran'i Gallieni (la violence de Gallieni), mais l'on craint alors la réaction de ceux pour qui " Gallieni demeurait encore synonyme de force et de raison ". Mais surtout, Ranavalona III et le général Gallieni est une pièce à thème historique écrit par un scénariste et non un historien. Les personnages sont volontairement simplifiés. Ils deviennent presque des " abstractions " : la résistance obstinée des patriotes, la trahison odieuse, la résignation douloureuse, l'oppression pure...

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