Madagascar: Finances publiques - Les grands enjeux des réformes en cours

De la modernisation de la gouvernance des marchés publics à l'utilisation optimisée des ressources obtenues des bailleurs de fonds, en passant par un meilleur suivi des recettes et dépenses de l'État et l'accroissement des recettes fiscales, les enjeux autour des réformes des finances publiques sont nombreux. Mais l'objectif est unique selon les responsables : " Parvenir à l'émergence de Madagascar en renforçant la capacité de l'État à optimiser les ressources et pour favoriser les investissements structurants ".

Madagascar a lancé un vaste chantier de réformes visant à transformer la gestion des finances publiques. Les initiatives sont entreprises, a-t-on expliqué, afin d'arrimer aux meilleurs standards la manière de gérer les deniers de l'État. C'est dans ce cadre qu'un plan stratégique de modernisation de la gestion des finances publiques a été conçu. Sur le plan financier, ces réformes représentent des milliers de milliards d'ariary car elles touchent des secteurs clés comme la commande publique, la fiscalité, l'exécution du budget ou encore les investissements. En matière de gouvernance publique, l'enjeu est tout aussi important car l'objectif est de disposer d'un système dynamique, moderne et transparent, capable de rassurer la communauté des bailleurs, la société civile et le Parlement, ainsi que² de renforcer l'attrait de Madagascar aux yeux des investisseurs étrangers.

Il a aussi été indiqué que les réformes des finances publiques actuellement en cours de réalisation sont le fruit d'une réflexion profonde afin qu'elles suscitent l'adhésion du grand nombre. Ainsi, un comité de pilotage, composé aussi bien des ministères et institutions, que de la société civile et des partenaires techniques et financiers, a été mis en place. Il est chargé de l'orientation stratégique des réformes engagées. Des groupes techniques, spécialisés par thématiques, ont aussi été constitués en vue de la mise en œuvre opérationnelle des réformes.

On sait, en outre, que des travaux d'autoévaluation des réformes sont menés par l'Administration avec le concours des partenaires techniques et financiers. Cet exercice est basé sur la méthodologie PEFA ou Public Expenditures and Financial Accountability, cadre commun d'évaluation dont les résultats enrichissent les débats sur les réformes. C'est la direction de la Coordination et du suivi des réformes auprès du ministère de l'Économie et des finances (MEF) qui se charge d'informer le public des résultats de ces travaux à travers différents supports.

Des performances à améliorer sensiblement

Une séance de présentation du rapport de l'Autoévaluation de la gestion des finances publiques selon la méthodologie PEFA et de présentation de la mise à jour des réformes des finances publiques, s'est tenue en mars 2022, soit un an après la mise en place du système de suivi-évaluation, en partenariat avec l'Union Européenne. L'évaluation utilise trente-et-un indicateurs. Le périmètre évalué porte sur l'étendue du secteur public tout entier, c'est-à-dire le gouvernement et les différents ministères qui le composent, y compris les agences et les unités de gestion de projet des ministères. Les Collectivités territoriales décentralisées (CTD) et les entreprises publiques sont concernées à travers l'analyse des transferts et tutelles effectués par l'administration centrale envers ces dernières.

Il s'agit de renforcer les capacités d'évaluation de l'état des systèmes nationaux de Gestion des finances publiques (GPF) et de développer une séquence pratique d'actions de réforme et de renforcement des capacités. Elle favorise l'appropriation par le pays des différents critères d'appréciation sur la discipline budgétaire, l'allocation stratégique des ressources et la fourniture de services efficaces. Étant une autoévaluation, les cadres de l'administration ont été impliqués dans la conduite des travaux.

Les résultats ont, cependant, montré un constat mitigé avec un niveau de performance généralement basique. Les efforts de réformes initiées depuis 2016, lancement du Plan stratégique de la modernisation des finances publiques, principal document fédérant les initiatives de réforme en lien avec la gestion des finances publiques, n'ont donc pas encore permis d'influer sur les performances fournies par le système. Toutefois, un suivi régulier de ce plan fait montre d'avancées palpables sur le plan opérationnel. À savoir que le score moyen de Madagascar produit par les évaluations PEFA est de 1,7. Ce qui place encore la Grande ile parmi les pays à faible performance.

Opération de réorientation stratégique

Pour améliorer les performances, les responsables ont décidé le renforcement des échanges sur les stratégies et priorités de réforme de la gestion des finances publiques pour améliorer l'impact de la réforme et ainsi, mieux répondre aux préoccupations de développement. Une réorientation du Plan stratégique de la modernisation des finances publiques (PSMFP) a aussi été actée afin de recentrer les actions sur les effets recherchés dans l'amélioration du système.

Le ministère de l'Économie et des finances (MEF) a instruit les départements concernés de formuler les engagements de réformes sur la base de leur caractère structurant, et atteignables d'ici 2024, date de la prochaine autoévaluation. Les ministères sectoriels sont impliqués dans cet exercice à travers de multiples thématiques comme les ressources non fiscales, les collectivités locales, pour ne citer que ces deux exemples. Il s'agit de prendre en compte les aspects transversaux afin d'assurer la bonne collaboration des différents services et départements impliqués et la mutualisation des ressources.

Le ministère a également souligné que le PSMFP fédère les initiatives de réformes des finances publiques des acteurs parties prenantes. Il s'agit, entre autres, des actions entreprises par les départements concernés et les conclusions des études et analyses tirées des assistances techniques. Cette optique facilite, selon le MEF, la démarche de mise à jour qui " s'inscrit dans une volonté de mettre en œuvre les réformes dans un cadre de concert et d'inclusivité des partenaires de mise en œuvre afin d'harmoniser les actions, tenir les délais et de réduire les risques d'échec ". Le cadre de suivi, dont le comité de pilotage des réformes des finances, constitue le principal élément, supervise la conduite de ces réformes et en dresse les principales orientations.

Plus concrètement, il s'agit de faire en sorte que d'ici à 2024, les faiblesses qui impactent les performances du pays en matière de finances publiques soient effacées. Citons, entre autres, les dysfonctionnements au niveau du mécanisme de contrôle des processus de recettes et de dépenses, les défaillances au niveau de la gestion comptable, la faible capacité de la Cour des Comptes à jouer pleinement son rôle de surveillance, l'incapacité de l'administration centrale à superviser efficacement les agences publiques autonomes, les entreprises publiques et la situation budgétaire des collectivités locales ou encore la qualité médiocre du contrôle interne a posteriori. On peut aussi ajouter à ceux-ci la déviation de l'exécution du budget, les longs délais d'élaboration des Lois de Règlement et les sommes importantes inscrites dans les " provisions pour investissements ", conduisant de facto à une programmation et à une gestion des investissements peu transparente.

Accélérer dans la digitalisation

L'autre grand défi de l'administration est la digitalisation de la gestion des finances publiques. L'État peut miser sur divers programmes dans ce cadre, à l'instar du Projet de renforcement de la gouvernance par la digitalisation (Pregodi), une collaboration avec la Banque africaine pour le développement (BAD).

Cette dernière finance ce projet sous forme de don via la Facilité d'appui à la transition (FAT). Parmi les volets inscrits dans le projet, il y a la " Gestion des finances publiques et Gestion axée sur les résultats ". Il est à noter que le secrétariat général du MEF est l'agent d'exécution du projet, en partenariat avec le Samifin et le Bianco.

Toujours dans le cadre du Pregodi, la MEF, Rindra Hasimbelo Rabarinirinarison, a annoncé, l'année passée, le lancement du projet de digitalisation de la dette. Un projet qui permettra aux investisseurs d'apprécier la solvabilité du pays, de faciliter les échanges et de conforter les relations entre les créanciers et le gouvernement malgache. La plateforme permettra

également de mieux informer la population sur l'évolution de la situation de la dette. Deux semaines plus tard, le membre du gouvernement a aussi lancé officiellement le module " Demande d'autorisation d'engagement " (DAE) sur le Système intégré informatisé de gestion des finances publiques (SIIGFP).

Par ailleurs, grâce à un financement de la Banque Mondiale, à travers l'Association internationale de développement, la direction générale du Trésor (DGT) met en œuvre, avec l'appui du Projet d'inclusion financière de Madagascar (PIFM), un projet de modernisation des services de proximité offerts aux usagers. S'inscrivant dans le cadre d'une démarche progressive, le projet porte sur la digitalisation des moyens de paiement des opérations publiques. En vue de sa réalisation, la DGT a déjà lancé un appel aux prestataires intéressés à effectuer l'activité d'émission de monnaie électronique, la digitalisation du paiement des subventions des enseignants Fram et des bourses universitaires.

Notons, enfin, les efforts déployés dans la digitalisation de la gestion des impôts comme la mise en place du module E-Bilan, ou la Télétransmission des états financiers via la plateforme

E-hetra. Corolaire de l'E-Declaration, le module E-Bilan permet de faciliter la transmission des documents aux fins de certification par l'expert-comptable, d'une part, et d'exploitation par l'administration, d'autre part. Les travaux sont menés par la direction générale des Impôts, avec la participation des représentants de l'Ordre des experts comptables et financiers de Madagascar, de la Banque centrale de Madagascar (BFM) et des techniciens.

Situation des finances de l'État

Ce que dit la Banque Centrale

Dans un contexte de réforme des finances publiques, la Banque Centrale de Madagascar (BFM) a produit, le 7 février, sa note de conjoncture économique.

Selon ses estimations de la situation des finances publiques à fin 2022, le solde des Opérations globales du Trésor (OGT) a été déficitaire de -4,5 % du PIB, contre un solde de -3,2 % du PIB en 2021. Dans la Loi des finances rectificative de 2022, l'État avait prévu un déficit de -6,2 % du PIB. Les recettes ont affiché une évolution modérée, tandis que l'exécution des dépenses a été limitée. Des recours aux avances statutaires, des rétrocessions à l'État des fonds reçus au titre du programme FEC et une émission nette des titres publics ont été enregistrés au cours de cette année.

BFM qui a aussi rappelé que la Loi des finances initiale de 2023 tablait sur un déficit des OGT de -6,9 % du PIB pour l'année 2023. Parallèlement, l'État projetait une cible de taux de pression fiscale nette de 12,1 % en 2023. Une hausse des dépenses en capital sur financement externe serait également prévue. Pour financer le déficit, l'État prévoyait le recours aux avances statutaires, à une émission des titres publics et à une mobilisation des ressources mises à la disposition par le FMI.

Si BFM ne donne pas son avis sur les performances du pays en matière de gestion des finances publiques, elle soutient en revanche dans son dernier rapport annuel que l'État s'efforce de préserver les grands équilibres en équilibrant les OGT, en cherchant à améliorer les recettes budgétaires ou en assurant un rythme modéré des dépenses. Notons, enfin, que dans son bulletin couvrant l'année 2022, BFM a rappelé les recommandations du FMI qui visent un soutien budgétaire ciblé afin d'amortir les effets de l'inflation et des resserrements monétaires sur les couches les plus vulnérables de la population, une compensation de ce soutien par une hausse des impôts ou une baisse des dépenses publiques, un recours aux instruments dits macroprudentiels afin de limiter les impacts du durcissement des crédits sur la stabilité financière et une réforme des dispositifs de résolution des dettes.

Andry Ramanampanoharana, secrétaire général du ministère de l'Économie et des finances

" Les réformes de la gestion des finances publiques se poursuivent. Dernièrement, nous avons organisé un séminaire d'information et de renforcement des capacités

sur la circulaire d'exécution budgétaire. Parmi les objectifs de cette initiative figure l'allègement de procédures pour plus de fluidité de l'exécution du budget de l'État. D'autres projets de ce genre vont suivre. "

Germain, directeur général des Impôts

" Depuis 2019, le MEF et la direction générale des Impôts ne cessent de poursuivre ses programmes de réformes pour une mobilisation efficace et efficiente des ressources internes

de l'État malgache. Les réformes en matière de gestion des finances publiques accordent une place importante à la digitalisation. D'ici à la fin de 2023, quinze services en ligne seront disponibles. "

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