Afrique: Un boulanger congolais réfugié au Burundi confectionne du pain et retrouve son autonomie

Cadet Kavugwa Shebulike, un boulanger et un réfugié de la République démocratique du Congo pose avec son pain fraîchement cuit dans sa boulangerie du camp de réfugiés de Nyankanda.
26 Février 2023

Un réfugié de la République démocratique du Congo (RDC) qui a été laissé pour mort après avoir été attaqué par des hommes armés a entamé une nouvelle vie au Burundi avec l'aide de l'ONU.

Cadet Kavugwa Shebulike a fui avec sa femme et ses sept enfants vers le camp de réfugiés de Nyankanda, dans l'est du Burundi, où il a installé une boulangerie artisanale fournissant ce qu'il appelle le meilleur pain " dans le camp et à 50km à la ronde ".

Quelque 12.000 réfugiés congolais vivent dans le camp après avoir fui l'insécurité et l'incertitude dans l'est de la RDC, rappelle le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) qui a réalisé ce reportage.

Fuite en pleine nuit

C'est en janvier 2019 que Cadet Kavugwa Shebulike a dû fuir son foyer à Uvira en République démocratique du Congo en compagnie de sa famille pour trouver refuge au Burundi voisin. " Des hommes armés ont fait irruption chez moi en pleine nuit. Ils m'ont tiré dessus et laissé pour mort avant de partir en emportant tout mon argent et mes biens de valeur ", se souvient-il. " Ils ont également poignardé ma femme au bras ".

Alertés par les coups de feu, les voisins viennent alors à leur secours et les conduisent à l'hôpital où ils sont pris en charge et soignés. La famille échappe de justesse à une seconde attaque de la part des mêmes assaillants quelques semaines plus tard. Ils décident alors de trouver refuge au Burundi voisin.

" Nous avons fui en pleine nuit et avons pu traverser la frontière après une marche de plusieurs heures, la peur au ventre, les mains et les poches vides ", se souvient Cadet Kavugwa Shebulike.

Ne pas rester les bras croisés

Au mois de septembre de la même année, il entreprend de lancer une boulangerie au sein du camp. " Plutôt que de rester les bras croisés et de dépendre complètement de l'aide que nous recevons de la part du HCR et des autres organisations humanitaires, j'ai jugé utile de retrousser mes manches et m'investir dans le domaine que je connais le mieux ", souligne-t-il.

La production de sa première fournée est alors rendue possible grâce aux quelques économies dont il dispose, ainsi qu'à l'aide de sa femme et d'un ami issu des communautés vivant aux alentours du camp. " Mon capital de départ était d'environ 4000 francs burundais - environ 2 dollars - auxquels j'ai ajouté 8000 francs qu'un ami a accepté de me prêter ", se souvient-il. Les ressources ainsi réunies lui permettent de produire quotidiennement environ six kilogrammes de pain qu'il expose dans un kiosque monté à proximité de son logement.

Les clients ne se font pas longtemps attendre. Grâce à la qualité des produits qu'il propose, la réputation du boulanger dépasse rapidement les limites du camp.

Aide du HCR

Afin d'augmenter sa capacité de production, Cadet Kavugwa Shebulike a bénéficié d'une aide du HCR, dans le cadre de son appui aux activités génératrices de revenus. Il a ainsi reçu un nouveau four d'une plus grande capacité, du matériel, ainsi que de la farine, de l'huile et des ferments, ingrédients indispensables à la fabrication du pain.

L'aide apportée par le HCR par l'entremise de son partenaire, l'ONG RET international, a permis au boulanger d'embaucher trois apprentis et de passer de moins d'une dizaine de kilogrammes à une production quotidienne de 50 kilogrammes de pain. Le fruit de cette production s'apprécie non seulement au sein du camp, mais aussi dans les villages environnants. " Nous avons des clients fidèles jusqu'à Ruyigi, à plus d'une dizaine de kilomètres du camp ", souligne fièrement l'artisan.

Attaché à son métier et à l'autonomie que lui confère son travail, Cadet Kavugwa Shebulike se dit convaincu que tous les réfugiés aspirent à l'autonomie et qu'ils ont la capacité d'exceller chacun dans leur domaine. " Être réfugié n'est pas un handicap. Ce n'est pas la fin du monde. Je suis la preuve vivante qu'on peut être réfugié et accomplir de belles choses ", souligne-t-il. " Je ne connais aucun réfugié qui souhaite rester indéfiniment dans une situation de précarité et de dépendance ".

Difficultés d'accès à l'électricité

Fort de son succès, Cadet Kavugwa Shebulike ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. Mais son ambition d'accroître sa capacité de production et de conquérir une nouvelle clientèle bute face aux difficultés d'accès à l'électricité et aux restrictions à la liberté de mouvement auxquels font face les réfugiés. A cela viennent s'ajouter des difficultés d'accès au réseau téléphonique.

Afin de trouver des solutions à ces obstacles, le HCR mène un plaidoyer en faveur du raccordement des camps au réseau électrique national.

L'Agence des Nations Unies pour les réfugiés plaide également en faveur d'un accès étendu des réfugiés aux opportunités économiques et à d'autres services qui permettraient d'augmenter leur potentiel et d'accroître leur capacité à contribuer au bien-être de leurs communautés d'accueil.

En attendant la levée de ces obstacles et que les conditions sécuritaires lui permettent d'envisager un retour chez lui, Cadet Kavugwa Shebulike partage ses connaissances avec d'autres réfugiés ainsi que des membres des communautés d'accueil à qui il apprend les rudiments du métier de boulanger-pâtissier. Une façon d'exprimer sa gratitude pour l'aide dont il a bénéficié depuis le jour où tout a basculé pour lui et sa famille.

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