Afrique du Nord: Tunisie / Propos du Président Kaïs Saïed sur les migrants Sub-Sahariens - L'Union Africaine condamne des déclarations 'choquantes'

27 Février 2023

Ses propos ne passent pas, aussi bien dans son propre pays, en Tunisie, qu'à l'étranger, particulièrement en Afrique. La sortie du président tunisien, Kaïs Saïed, contre les migrants africains sub-sahariens continue de susciter des vagues d'indignation et de condamnations. L'une des dernières en date est celle de l'Union africaine (UA) qui, tout en condamnant des déclarations "choquantes", a appelé ses États membres à "s'abstenir de tout discours haineux à caractère raciste, susceptible de nuire aux personnes".

Le président tunisien, Kaïs Saïed, a dérapé, le mardi 21 février dernier, lors d'un Conseil national de sécurité consacrée à la lutte contre la migration sub-saharienne, provoquant ainsi vague de tollés et stupeur, en prônant des "mesures urgentes" contre l'immigration clandestine de ressortissants de pays d'Afrique sub-saharienne, dont la présence en Tunisie, estime-t-il, était source de "violence, de crimes et d'actes inacceptables". En plus des ONG locales et internationales et autres personnalités influentes, c'est au tour de l'Union Africaine (UA) de dénoncer ces propos jugés choquants.

Dans un communiqué en date du vendredi 24 février, le président de la Commission de l'Union Africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, "condamne fermement les déclarations choquantes faites par les autorités tunisiennes contre des compatriotes africains, qui vont à l'encontre de la lettre et de l'esprit de l'organisation et de ses principes fondateurs".

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"S'ABSTENIR DE TOUT DISCOURS HAINEUX A CARACTÈRE RACISTE... TRAITER TOUS LES MIGRANTS AVEC DIGNITÉ"

L'instance continentale a appelé, dans le document dévoilé samedi, ses Etats membres à "s'abstenir de tout discours haineux à caractère raciste, susceptible de nuire aux personnes", après ces propos du président tunisien.

L'UA "rappelle à tous les pays, en particulier aux États membres de l'Union africaine, qu'ils doivent honorer les obligations qui leur incombent en vertu du droit international [...], à savoir traiter tous les migrants avec dignité, d'où qu'ils viennent, s'abstenir de tout discours haineux à caractère raciste, susceptible de nuire aux personnes, et accorder la priorité à leur sécurité et à leurs droits fondamentaux".

Toutefois, Moussa Faki Mahamat réitère "l'engagement de la Commission à soutenir les autorités tunisiennes en vue de la résolution des problèmes de migration afin de rendre la migration sûre, digne et régulière".

LE MINISTÈRE TUNISIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES PARLE D'"ACCUSATIONS SANS FONDEMENT"

De son côté, réagissant à la vague de condamnation, samedi dernier, des propos de M. Saïed, le ministère des Affaires étrangères tunisien a dénoncé des "accusations sans fondement". En outre, le chef de la diplomatie tunisienne, Nabil Ammar, a affirmé, par voie de communiqué, avoir rencontré la veille des ambassadeurs de pays africains qui ont justement exprimé "leur souci de respecter les lois tunisiennes relatives à l'immigration", et leur avoir assuré " l'engagement des autorités à protéger les résidents étrangers de toutes les nationalités".

Mardi dernier, lors d'une réunion, le président tunisien avait tenu des propos très durs sur ce qu'il qualifie d'arrivée de "hordes de migrants clandestins", insistant sur "la nécessité de mettre rapidement fin" à cette immigration. Car, avait-il soutenu, cette immigration clandestine relevait d'une "entreprise criminelle ourdie à l'orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie", afin de la transformer en un pays "africain seulement" et altérer son caractère "arabo-musulman".

Ce discours du président Kaïs Saïed, qui concentre tous les pouvoirs depuis qu'il a suspendu, en juillet 2021, le Parlement et limogé le gouvernement, survient alors que le pays traverse une grave crise économique, marquée par des pénuries récurrentes de produits de base, sur fond de tensions politiques.

Le journal Le Monde rapporte, selon des chiffres officiels cités par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, que la Tunisie, un pays de quelque 12 millions d'habitants, compte plus de 21.000 ressortissants de pays d'Afrique subsaharienne, en majorité en situation irrégulière. Ils sont davantage selon les ONG locales - entre 30.000 et 50.000. Une population qui fournit "une main-d'oeuvre peu chère et consommatrice dont tout le monde profite, et même souvent abuse. Leur présence et leur travail irrégulier sur le territoire étaient jusqu'à maintenant connus et tolérés par l'Etat tunisien, bien que cela ait toujours été illégal", souligne Kenza Ben Azouz, spécialiste du racisme en Tunisie, dans un article du Monde.

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