Le retour du poste de Premier ministre en septembre 2022 avec la nomination d'Amadou Ba, ce, après avoir été supprimé en mai 2019, n'a rien apporté de nouveau dans le fonctionnement des affaires publiques courantes depuis bientôt 6 mois. A fortiori, pour la relance de l'activité économique post-Covid. C'est l'avis des économistes Mor Gassama et Souleymane Keita de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
MOR GASSAMA, ECONOMISTE ET ENSEIGNANT CHERCHEUR A L'UCAD
" Le retour du PM ne se sent pas "
Interrogé sur cette cadence "nonchalante" du gouvernement pour une meilleure prise en charge des affaires courantes, l'économiste et enseignant-chercheur à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), Mor Gassama, fait savoir : " Ce qui est plus visible, c'est la tournée politico-économique du président de la République avec son lot de promesses qui annoncent une campagne électorale avant l'heure ". La Primature censée fluidifier le fonctionnement de l'Etat, en établissant un équilibre entre les pouvoirs et par ricochets renforcer le caractère présidentiel du régime en place, les Sénégalais peinent encore à sentir le retour en grande pompe d'Amadou Ba aux commandes des affaires courantes, notamment la relance de l'activité économique par la création d'emplois, la réduction du coût de la vie (baisse du loyer, baisse du panier de la ménagère).
A ce propos, l'économiste et enseignant-chercheur Mor Gassama dira : " Contrairement aux autres Premiers ministres du Président Sall, le Pm Amadou Ba est moins visible pour ne pas dire semble un peu effacé ". Avec Amadou Ba, disons-le ainsi depuis sa nomination en tant que chef du gouvernement, " on ne l'a pas senti trop ". Et pourtant son gouvernement a pris " quelques mesures allant dans le sens d'améliorer le quotidien de nos compatriotes ". Il y a l'investissement de l'Etat pour " la mécanisation de l'agriculture avec l'importation de matériels agricoles (tracteurs) d'une valeur de 83 milliards de francs CFA ", a-t-il souligné.
A cela, s'ajoutent " les milliers de vaches laitières destinées à réduire drastiquement l'enveloppe des importations en lait estimées à 64 milliards de F CFA par an ". Tout cela dans l'atteinte de l'objectif de souveraineté alimentaire. On peut également citer " la hausse des prix du carburant et de l'électricité, mesure qui permettra au gouvernement d'économiser 258.5 milliards de subvention destinés à être orientés dans les secteurs sociaux ", rappelle l'économiste et enseignant-chercheur.
SOULEYMANE KEITA, ECONOMISTE INDUSTRIEL ET ENSEIGNANT-CHERCHEUR A L'UCAD
" Il faut mettre en relation le cycle économique et le cycle politique "
Réagissant à la question de savoir pourquoi la relance économique tant chantée après deux ans de crise sanitaire (Covid-19 2020-2022), suivi de la crise Russo-Ukrainienne qui a engendré une forte tension des cours mondiaux des produits de base et leur incidence sur l'économie nationale tarde à se matérialiser, l'économiste industriel et enseignant-chercheur à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar affirme que c'est parce que " le cycle économique est en déphasage avec le cycle politique ". Le constat est clair, la relance économique du Sénégal, objet de la restauration de la fonction de Premier ministre en septembre 2022, après avoir été supprimé au lendemain de la présidentielle de 2019, n'est pas encore effective.
Et ce, en dépit des efforts du gouvernement allant dans le sens d'améliorer le quotidien des Sénégalais. Suivant les explications de l'économiste industriel, " nos économies sont fragiles et la crise sanitaire mondiale tout comme la crise Russo-Ukrainienne aux impacts inflationnistes l'ont démontré à suffisance ". A l'en croire, " si la crise ukrainienne venait à perdurer encore, des pays comme le nôtre auront d'énormes difficultés à s'en sortir ". Déjà que " la situation est intenable avec la hausse des prix du carburant, des produits alimentaires et du coût du loyer ", a-t-il rappelé. Sous ce rapport, le gouvernement a fort à faire pour une relance effective de l'activité économique qui passe par la transformation de nos produits locaux.
" Le gouvernement doit faire en sorte que nos produits locaux soient transformés sur place pour plus de valeur ajoutée mais aussi pour atteindre notre objectif de souveraineté alimentaire ", a-t-il dit. Selon lui, " nos gouvernants doivent s'attaquer aux véritables problèmes qui assaillent notre économie, or on s'attarde sur les problèmes crypto-personnels qui, du reste non pas aucune emprise réelle sur l'activité économique ". L'enseignant-chercheur de rappeler : " La crise sanitaire mondiale, tout comme l'invasion Russe en Ukraine ont prouvé à suffisance que nos économies sont vulnérables. Et aujourd'hui, plus que jamais, nous devons rebattre notre modèle économique en renforçant notre politique agricole devant nous permettre d'atteindre l'autosuffisance alimentaire ", a-t-il dit.