Burkina Faso: Général Clément-Bollée - 'Chacun est souverain chez soi'

25 Février 2023
interview

Les autorités burkinabès ont demandé le départ des soldats français de l'opération Sabre. "Un énième signe de changement d'époque" dit le général Clément-Bollée

Au Burkina Faso, l'opération militaire française Sabre a officiellement pris fin le 18 février. On ne connaît toutefois pas encore la date exacte du départ effectif des derniers soldats français.

Ce départ acté de l'opération "Sabre", à la demande du gouvernement burkinabè, survient alors que la défiance s'accroit contre la présence des soldats français au Sahel.

Bruno Clément-Bollée, général à la retraite et expert de la sécurité en Afrique.

Retranscription de l'interview

Bruno Clément-Bollée : Derrière ce French bashing, moi je lis plutôt un Occident bashing. J'ai le sentiment, à observer la scène africaine depuis de nombreuses années - et particulièrement avec attention en ce moment - qu'on est en train complètement de changer d'époque.

DW : Oui, comme l'a dit le philosophe camerounais Achille Mbembe, les relations entre l'Afrique et la France sont arrivées à la fin d'un cycle

Bruno Clément-Bollée : Exactement. C'est exactement ça. Et on aborde un nouveau cycle qui, me semble-t-il, est beaucoup plus sain. Chacun est souverain chez soi.

DW : Général Clément Boulay, vous plaidez aussi pour une réorganisation des interventions extérieures de la France et de ses partenaires occidentaux ? 

Bruno Clément-Bollée : Sur le plan sécuritaire, et bien, moi, je constate une chose, c'est que depuis que les Français sont partis du Mali et du Burkina Faso, tous les pays de la zone se sont rassemblés, se sont organisés et ça a débouché sur l'initiative d'Accra où les pays disent "Bon, on a bien compris que maintenant il va falloir prendre ça à bras le corps, faisons-le d'abord avec nos propres moyens". Et donc, ils sont en train de monter une force interafricaine qui demandera à être aidée, bien sûr, en termes d'équipements, peut-être aussi en termes de formation, mais c'est eux qui le décident. Ce sera fait selon leur tempo, à leurs règles et à leur façon.

DW : Et le système monétaire en Afrique, notamment francophone, pose également problème, écriviez-vous dans votre tribune 

Bruno Clément-Bollée : Comme beaucoup d'Africains et beaucoup de non-Africains, je m'interroge sur ce sigle de CFA. CFA, vous savez ce que ça voulait dire ? À l'origine, c'était Colonies françaises d'Afrique. On a gardé ce sigle de CFA pour en faire la communauté financière africaine. Rien qu'en changeant le nom, le sigle, on aurait considérablement décrispé le débat. Il est temps de faire ça. Mais tout ça, ce sont les signes de la fin du cycle de l'Afrique dominée et du nouveau cycle qui s'ouvre qui est l'Afrique souveraine.

DW : L'Afrique souveraine qui accueille les mercenaires russes de Wagner ? 

Bruno Clément-Bollée : Et bien parlons-en de ces choix comme celui de la cryptomonnaie pour la Centrafrique. Ce sont des choix complètement extrêmes !

Moi j'y vois deux significations. La première, c'est de montrer aux Occidentaux qu'ils ne sont plus incontournables. Le deuxième signe, Wagner est particulièrement présent - pas seulement - mais particulièrement présent dans les pays où il y a des juntes. Et je pense que les patrons de ces juntes, que ce soit Assimi Goïta ou que ce soit le capitaine Traoré, se sentent en position de fragilité. Wagner n'a pas de grand avenir en Afrique... On en reparlera dans un ou deux ans.

Vous savez que ce système Wagner est un système de mercenariat. Or, la force Barkhane était une force qui avait été demandée par les pays africains concernés et qui bien sûr a été, j'allais dire cadeau. Ça ne coûtait rien aux États qui en bénéficiaient. Là, les États font venir à leurs frais. Et quand vous avez des pays comme la Centrafrique qui sont à ce point de désordre, qui n'arrivent plus à payer l'addition et bien Wagner se sert sur la bête, c'est à dire que c'est l'exploitation minière. Ça fait quand même mal au coeur que ces pays, qui ont tant à pourvoir en termes d'éducation, de santé, de protection de population, etc. fassent passer leurs devises aux mercenaires plutôt que pour le bienfait de leur pays.

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