Afrique: L'encombrant Bozizé

27 Février 2023

S'il y a un exil qui pose problème en ce moment, c'est bien celui de l'ancien Président centrafricain, le septuagénaire, François Bozizé, au Tchad. L'actuel chef de l'Etat centrafricain, Faustin-Archange Touadera, aux affaires depuis 2016, ne voit pas d'un bon oeil la présence de son prédécesseur chez ses voisins, surtout qu'il n'a pas encore perdu le goût du pouvoir. Les inquiétudes de Bangui sont d'autant plus fondées, que Bozizé coordonne discrètement la Coalition des patriotes pour le changement (CPC) depuis son exil au Tchad, où il serait sous bonne garde.

La CPC est un mouvement armé centrafricain né le 17 décembre 2020 de la fusion de 6 groupes armés, dont quatre 4 issus de la Séléka et 2 des Anti-balaka. Chassé du pouvoir par les rebelles de la Séléka de son tombeur, Michel Djotodia, en 2013, Bozizé a vécu en exil en Ouganda et au Soudan, avant de revenir clandestinement dans le pays en 2019, dans la perspective de la présidentielle de décembre 2020. Il n'a jamais fait mystère de son intention de reprendre les commandes de la Centrafrique.

Malheureusement pour lui, sa candidature a été invalidée par la Cour constitutionnelle. Il n'en fallait pas plus pour provoquer le courroux de Bozizé qui avait réussi à prendre le pouvoir en 2003 après un putsch contre Ange Félix Patassé, à recourir à nouveau à cette méthode pour faire tomber le Président Touadéra. Sous sa houlette, la CPC est constituée à dessein pour atteindre cet objectif, mais c'est sans compter avec la détermination de l'armée centrafricaine et de ses alliés russes et rwandais qui ont compromis les ambitions de Bozizé. Habitué aux échecs (il n'avait pas réussi à prendre le pouvoir par la force en 1982 sous le général André Kolingba et aussi lors de sa première tentative contre Patassé en 2001), l'ex-président centrafricain a fui à nouveau son pays pour le Tchad.

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Chasser le naturel, il revient au galop, dit-on. Bozizé continue de manoeuvrer depuis sa terre d'accueil, ce qui est déplorable, vu les attaques menées par la CPC dans l'Ouest et le Nord-Est du pays contre l'armée centrafricaine et les mercenaires du groupe Wagner. Les Etats-Unis, qui souhaitent réduire l'influence du groupe Wagner en Centrafrique, ont saisi l'occasion pour proposer une médiation en vue d'éloigner Bozizé de son pays.

Deux nouvelles destinations ont été proposées à l'ancien homme fort de la Centrafrique : le Congo-Brazzaville et la Guinée-Bissau. Le dernier pays cité semble s'imposer, puisque le journal Jeune Afrique révèle que le président Umaro Sissoco Embaló a donné son accord de principe pour accueillir Bozizé. Le danger nommé Bozizé sera-t-il totalement écarté pour autant ? Il faut être naïf pour le croire. L'hôte à problèmes du Tchad est un putschiste avéré, qu'il ne saurait renoncer aussi facilement à reconquérir le pouvoir d'Etat par les armes.

Mais Bozizé doit faire preuve de lucidité pour ne pas plonger davantage son pays, confronté à une grave crise sécuritaire avec des groupes armés à la pelle. Il a assez fait souffrir sa chère patrie et devrait arrêter de le faire. D'ailleurs, le coordonnateur de la CPC doit des comptes à la justice. Depuis 2013, il est poursuivi pour" crimes contre l'humanité " et " incitation au génocide " dans le cadre des massacres des Anti-balaka,avec sous le dos, un mandat d'arrêt international qui peine à être exécuté, sans doute à cause de ses soutiens et de son interminable exil. Une cour pénale spéciale a même été créée en juin 2015 à l'effet de le juger, mais elle peine à se déployer. Bozizé court toujours, mais jusqu'à quand ?

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