Au Mali, le projet de nouvelle Constitution a été finalisé et remis ce 27 février 2023 au président de transition, le colonel Assimi Goïta. Il doit à présent être soumis à référendum, théoriquement le 19 mars prochain. Cette version définitive du projet constitutionnel présente des modifications notables, par rapport à l'actuelle Constitution et par rapport au premier avant-projet présenté en octobre dernier. Précisions.
Plusieurs modifications importantes sont pointées par des chercheurs et des politiques maliens ayant, pour certains, directement pris part à l'élaboration de ce projet constitutionnel malien, au sein de la commission de finalisation, ou qui l'ont suivi et analysé de près.
La laïcité de l'État reste gravée dans le marbre constitutionnel. Certains mouvements religieux s'en offusquaient : pour les rassurer, le nouveau texte précise que la laïcité " ne s'oppose pas à la religion ", ni " aux croyances ", mais qu'à l'inverse, elle " garantit le respect de toutes les religions, des croyances, la liberté de conscience et le libre exercice des cultes dans le respect de la loi ". À voir si ces précisions seront de nature à satisfaire ceux qui estiment que cette notion est trop " occidentale " et qu'elle n'est pas adaptée aux réalités maliennes.
Concernant les langues, actuellement, le français est celle officielle du Mali. Le premier avant-projet prévoyait que les treize langues nationales - bambara, peul, songhaï, tamashek, arabe... - aient " vocation " à le devenir. Le texte final va encore plus loin : les langues nationales sont érigées en langues officielles. Une nouvelle loi devra fixer leurs conditions d'utilisation, et le français n'est plus qu'une simple " langue de travail ".
Renforcement des pouvoirs du président
Les premiers rédacteurs du projet constitutionnel souhaitaient limiter le nombre des membres du gouvernement à 29. Cette limite est supprimée.
La création d'une chambre parlementaire haute, en plus de l'Assemblée nationale, est quant à elle maintenue. Elle devait s'appeler " Haut Conseil de la Nation " mais s'appellera finalement " Sénat ", comme en France ou aux États-Unis.
La volonté de renforcer les pouvoirs du président demeure, elle aussi. C'est dorénavant lui et non plus le Premier ministre qui détermine la politique de la nation. Mais il peut aussi être destitué, c'était une nouveauté déjà introduite par le précédent avant-projet. Ce qui n'y figurait pas en revanche, c'est la possibilité à présent donnée au chef de l'État de dissoudre l'Assemblée nationale, ou encore " d'ordonner la mobilisation générale " pour la " participation des citoyens à la défense de la Patrie lorsque la situation sécuritaire l'exige ".
C'est devant le président que le gouvernement sera responsable, et non plus devant l'Assemblée nationale. L'initiative des lois revient au président, aux députés et aux sénateurs, et non plus au gouvernement et à l'Assemblée nationale.
Autre nouveauté introduite, l'élection de députés pour les Maliens établis à l'étranger.
Enfin, on note que l'accord de paix de 2015 ne fait toujours pas son entrée dans le texte fondamental. C'est pourtant une demande des groupes armés signataires, qui souhaitent ainsi s'assurer de l'engagement pérenne des autorités nationales dans sa mise en oeuvre.
Prochaine étape, un référendum
Ce projet étant une initiative du chef de l'État, il ne sera pas soumis au Conseil national de transition (CNT), l'organe législatif de la transition. Il sera directement proposé aux Maliens. Même si, précise-t-on au CNT : " Le projet avait été présenté au CNT et aux autres institutions afin de recueillir leurs observations avant la finalisation. "
Le référendum est toujours officiellement fixé au 19 mars 2023. Mais tous les experts et observateurs électoraux s'accordent à dire que la date n'est pas tenable. Parce que le collège électoral n'a pas été convoqué, que les démembrements en région de l'Autorité indépendante de gestion des élections (Aige) n'ont pas été installés, que le fichier électoral n'est pas finalisé...
Lors de la cérémonie au cours de laquelle ce projet final lui a été remis, le président de la Transition s'est félicité de ce nouveau texte : " La base juridique du Mali Koura [le Mali nouveau, Ndlr] se raffermit progressivement, mais l'édifice national ne tiendra définitivement qu'avec l'engagement de tous. " Des propos rapportés dans un communiqué de la présidence. Le colonel Assimi Goïta ne donne en revanche aucune précision sur la tenue du référendum.
À noter également que le Conseil national de transition a adopté ce 28 février en plénière le texte portant modification de la loi électorale, dans la perspective justement des scrutins à venir.