Quelque quatre jours après la présidentielle du 25 février 2023, la fumée blanche s'est enfin élevée au-dessus du siège de la Commission électorale (INEC). Le Nigeria, première puissance économique de l'Afrique de l'Ouest, a un nouveau président, en la personne d'Asiwaju Bola Ahmed Tinubu (70 ans). Une victoire remportée dès le premier tour, contrairement à ce que nous avons malencontreusement écrit dans notre éditorial d'hier.
94 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes. 8,8 millions de personnes ont décidé d'accorder leur confiance au candidat du parti au pouvoir, All congressives congress (APC), qui s'octroie le ticket d'Aso Rock avec 37% des suffrages exprimés. Il devance ainsi son principal challenger de l'opposition, Atiku Abubakar du People's democratic party (PDP), qui arrive deuxième avec 29% des voix, suivi de Peter Obi du Labor party (25%), qui aura été la grande révélation de ce scrutin, jugé comme le plus disputé depuis le retour à la démocratie en 1999.
Quand bien même la journée électorale de samedi dernier se serait déroulée dans le calme, malgré les retards enregistrés ici et là dans l'ouverture dans certains bureaux de vote, nombreux sont ceux qui ont crié déjà à la fraude dès l'annonce des résultats. Les deux principaux challengers du vainqueur ont même appelé à la reprise du scrutin.
Mais on espère que ce concert de dénonciations se fera entendre auprès des institutions en charge du règlement du contentieux électoral et non, comme on pourrait le craindre, dans ce pays où la moindre étincelle peut provoquer un immense brasier.
Mais pour le moment, finie l'ère de l'ex-général de président, Muhammadu Buhari, qui après deux mandats n'a pas pu se représenter, et place à son successeur et camarade de parti, Bola Tinubu, qui réalise enfin une ambition nourrie depuis une très longue date.
Homme d'affaires prospère, ancien gouverneur de l'Etat de Lagos entre 1999 et 2007, faiseur de rois, le nouveau président nigérian a parfois fait l'objet d'accusations de corruption mais sans que sa culpabilité ait été prouvée pour un tribunal. C'est donc un homme ayant blanchi sous le harnais de la politique et des affaires qui dépose enfin ses pénates au palais présidentiel.
Même si ce septuagénaire arrive au pouvoir grâce à l'onction populaire, des préjugés négatifs lui collent à la peau, en témoignent ses sobriquets peu flatteurs. En plus du " parrain ", on l'appelle également " chef ", " boss ", autant de surnoms qui en disent long sur la personnalité du nouvel homme fort du Nigeria.
Mais plus que sa réputation, c'est surtout la concrétisation de ses promesses de campagne que ses compatriotes attendent.
Et il faut dire que les chantiers sont aussi nombreux que complexes. En effet, le " parrain " hérite d'un pays dont l'économie tourne au ralenti depuis de nombreuses années et qui est confronté depuis quelques mois à une pénurie d'argent liquide. A cela s'ajoute la pauvreté qui continue de gagner du terrain dans ce pays de près de 220 millions d'habitants et qui sera le troisième Etat le plus peuplé au monde en 2050.
Le Nigeria, c'est aussi cette Nation de paradoxes puisque bien que premier producteur africain de pétrole, il est régulièrement confronté à des pénuries de carburant alors que la rente pétrolière entretient une chaîne de corruption, aussi bien dans l'administration publique que dans la haute hiérarchie militaire.
Autres défis et non des moindres qui attend le successeur de Buhari : la lutte contre les attaques des groupes armés comme Boko Haram dans le Nord-Est et les exactions des gangs criminels qui sévissent dans les grandes métropoles.
Ce n'est donc pas d'une sinécure qu'hérite Bola Tinubu mais de travaux herculéens alors que sa santé, selon certains de ses contempteurs, serait chancelante.