La représentante du secrétaire général des Nations unies ne s'était plus rendue depuis septembre dernier dans l'est en proie à de nombreux conflits.
Bintou Keïta connaît sans doute bien les collines qui bordent la ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu.
Mais depuis l'intensification des combats entre le groupe rebelle du M23 et les forces armées de la République démocratique du Congo, en octobre dernier, elle ne les avait plus arpentées. "Cela n'a pas pu se matérialiser en raison de la dégradation continuelle de la situation sécuritaire dans le Nord-Kivu, et particulièrement dans le petit Nord"dit-elle.
Depuis, un paysage de masures est apparu dans le territoire de Kanyaruchinya, abritant 200.000 déplacés de la région. Elle devait le voir pour le croire. "La guerre doit s'arrêter. Quand on regarde les conditions dans lesquelles les populations vivent, ça fend le coeur."
Hélène Ishara, qui a fui en octobre, fait partie de ces personnes qui vivent chaque jour sur l'un des différents camp de fortune de Kanyaruchinya. En sortant d'une réunion de consultation avec la cheffe de la Monusco, la jeune femme de 22 ans dit lui avoir fait part des principaux besoins, sans dissimuler pour autant ses reproches à la mission de maintien de la paix.
"La Monusco était ici comme les gens qui pouvaient nous amener la paix. Mais désormais, au contraire, nous voyons la Monusco comme les gens qui nous amènent la guerre. Parce que la présence de la Monusco ne nous aide en rien dans notre pays. Regardez, je ne suis pas chez moi, donc la paix n'est pas ici."
La rancoeur contre la Monusco n'est pas nouvelle. Beaucoup d'associations de la société civile accusent la mission d'absentéisme. En juillet, des manifestations dans la région avaient fait 32 morts civils. Quatre casques bleus y avaient également été tués.
En 2019 également, une base de la Monusco avait été attaquée dans la ville Beni, dans le septentrion du Nord-Kivu, où vit le défenseur des droits de l'Homme, Jackson Kisenga.
"Si le Congolais affiche un comportement anti-Monusco, c'est la conséquence de quelque chose qui n'a pas été bien dit ou bien fait."
Même son de cloche chez Jean-Marie Mushunganya, directeur d'une organisation de la société civile qui, lorsqu'il était petit, voyait les blindés de la Monuc, ancêtre de la Monusco, depuis sa fenêtre.
"Après beaucoup d'années de mission, il faut reconnaître que c'est un échec, et ils le reconnaissent. Et je ne suis pas surpris de voir des jeunes manifester contre la Monusco."
Mais après discussions avec Bintou Keita, les deux membres de la société civile se montrent plus modérés. Alors que la mission doit plier bagage à l'horizon 2024, Jackson Kisenga dit que son départ sera une calamité, tandis que Jean-Marie Mushunganya appuie qu'il est trop simple d'uniquement critiquer la mission.
"Il y a des défis qui existent. Et aussi du côté du gouvernement, car la responsabilité de cette crise reste de notre gouvernement."
S'il le faut, Jean-Marie Mushunganya s'est d'ailleurs porté volontaire pour apporter son aide à la Monusco, afin de sensibiliser les communautés.