Du respect de la charte de la coalition aux impératifs de la realpolitik, le glissement semble s'imposer cependant. En effet, face à un contexte post-présidentiel lourd d'imprévus du fait d'un maître du jeu qui se donne, en empruntant tous les raccourcis, les moyens "de réduire l'opposition à sa plus simple expression ", Yewwi Askan wi semble avoir intérêt à démultiplier ses candidatures à la présidentielle de 2024. Dans la logique du pur calcul politique face à une volonté de " 3ème mandat " qui veut tout comprimer dans son passage.
Pour cause, ni Ousmane Sonko, le leader de Pastef et figure certainement la plus manifeste de la coalition, ni Khalifa Sall de Taxawu Dakar, ne peuvent affirmer avec certitude ce que l'avenir leur réserve en termes d'éligibilité dans la course à la magistrature suprême. Alors que l'ancien maire incontesté de Dakar (2009 à 2017, année de sa révocation par le chef de l'Etat) est encore sous le coup de l'article L 29 du Code électoral qui le prive de son droit d'électeur, même si sa condamnation à 05 années de prison expire en 2023, en dehors de la grâce qu'il a obtenue, Ousmane Sonko reste lui suspendu à deux hypothétiques procès dont la finalité, selon ses partisans, est de le priver de son statut d'électeur.
L'affaire Sweet Beauté qui l'oppose à Adji Sarr renvoyée en Chambre criminelle, tout comme l'affaire Prodac où on lui intente un procès pour diffamation, doublée d'un problématique délit de faux sur initiative du Parquet, semblent, dans cette option, des guêpiers juridico-politiques qui posent des hypothèques réelles sur sa participation au scrutin de 2024. De là à comprendre que les candidatures de Malick Gakou du Grand parti (Gp) et de Déthié Fall du Prp émergent comme des alternatives pour contrecarrer l'épée de Damoclès brandie par Macky Sall et le camp au pouvoir au-dessus d'Ousmane Sonko et Khalifa Sall, il n'y a qu'un pas que certains esprits franchiront aisément.
D'ailleurs, l'ancien progressiste Malick Gakou qui avait mis un temps la pédale douce sur ses activités au sein de Yewwi Askan wi, semble l'avoir bien compris en s'affirmant de plus en plus, via ses diverses dernières sorties, comme un candidat plus que présidentiable pour la coalition Yewwi Askan wi. En chemin, il lorgne sur une possible inéligibilité de Khalifa Sall et Ousmane Sonko et mise sur le fait que le Pur (Parti de l'unité et du rassemblement) n'a pratiquement pas de candidat au point de mettre en avant le guide spirituel des Moustachidines Serigne Moustapha Sy lui-même, quoiqu'il soit président du parti.
A fortiori, la candidature de Déthié Fall du Prp pourrait aussi être lue comme une candidature de substitution au cas où la donne électorale serait défavorable aux ténors de Yewwi Askan wi, en l'occurrence Ousmane Sonko et Khalifa Sall. Avec Macky Sall, ses stratagèmes politiciens et sa technique d'instrumentalisation des institutions, il faut s'attendre à un jeu politique tout sauf rectiligne.