Congo-Kinshasa: Usages - La politique linguistique de la RDC est ' linguicide '

En marge de la célébration de la Journée internationale de la langue maternelle, Raoul Ekwampok Ka'ndum, professeur à la Faculté des lettres et sciences humaines de l'Université pédagogique nationale (UPN), s'est insurgé contre la préférence accordée aux langues étrangères au détriment des langues locales.

" La politique linguistique de la RDC et son impact sur les langues nationales dans le système éducatif : problèmes et pistes de solution " procède à la critique des politiques linguistiques mises en place depuis 1960. Le Pr Raoul Ekwampok Ka'ndum le tient pour un ouvrage " plaidoyer pour la promotion des langues dites nationales pour qu'elles deviennent des langues officielles ". Il dit être parvenu " à la conclusion que la politique linguistique en vigueur est une politique "linguicide" car elle ne favorise que les langues étrangères au détriment des quatre langues nationales ". Convaincu, du reste, que, " le concept langues nationales est réducteur ". En effet, comme il l'a soutenu au "Courrier de Kinshasa", les quatre langues nationales reconnues, à savoir le lingala, le swahili, le kikongo et le ciluba " sont en réalité des langues internationales " et c'est bien vérifiable.

L'audience des langues nationales n'est pas à réduire à la seule République démocratique du Congo (RDC) car leur statut réel de langues internationales est avéré. Pourtant, le français, brandi comme la seule langue officielle, est mis en avant ne laissant aux langues locales qu'une place secondaire. Pour le Pr Ekwampok, il est inadmissible qu'il en soit ainsi dès lors que " la RDC a vocation de devenir une grande puissance parmi les nations modernes et dans tous les domaines ". Il est d'avis que " nous vivons une situation d'aliénation, d'acculturation en ce qui concerne nos langues ". Le problème se pose avec acuité après que nous avons subi entre cinq à six siècles de domination dont les séquelles semblent avoir la peau bien dure.

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Un statut réducteur

" D'aucuns pensent que le ciluba n'est parlé qu'au centre de la RDC. La vérité c'est qu'il est plutôt parlé majoritairement en RDC et en minorité au Nord-Est de l'Angola. Et ce, depuis l'époque coloniale ", indique le linguiste. Le swahili, c'est connu, est aussi d'usage en dehors des frontières de la RDC. Et qui plus est, son audience est de loin plus large que les trois autres langues vu qu'il est usité aussi dans certains de ses pays frontaliers à l'instar de l'Ouganda, le Burundi, le Rwanda et la Zambie mais aussi au Kenya, en Afrique de l'Est. Le lingala, langue qu'ont en partage les deux Congo, se trouve aussi parlée, quoique dans une moindre mesure, en République centrafricaine et au Sud Soudan. Le kikongo, tout comme le lingala, est également une langue internationale avec des locuteurs sur la rive droite du fleuve Congo et " en Angola, au Gabon et au Cameroun ", soutient le professeur. " Mais pourquoi les considère-t-on donc toujours comme langues nationales ? ", demande-t-il, affirmant ici que " ce statut-là est réducteur ".

Pire encore, les quatre langues nationales ne sont plus utilisées dans l'enseignement. Elles sont, d'ailleurs, proscrites dans plusieurs écoles où les élèves qui osent s'exprimer dans l'une d'entre elles peuvent encourir une punition. Le scientifique nous renseigne que des enquêtes réalisées ici à Kinshasa " ont démontré que les écoles primaires s'éloignent de plus en plus du lingala, la langue du milieu ". Et de renchérir : " Lorsqu'on ne tient pas compte de la langue maternelle dans l'enseignement, on bloque le développement cognitif de l'enfant ". Ceci explique " les échecs par milliers enregistrés dans les écoles ", comme dit dans l'un des chapitres de son livre.

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