Au Sénégal - c'est connu et les statistiques malmenées en font souvent état - la communauté catholique est, cestes, minoritaire, mais elle jouit d'une respectabilité étonnante, inversement proportionnelle à son poids démographique, serait-on tenté de dire quand on rattache à cette communauté religieuse des figures emblématiques comme Senghor, Cardinal Thiandoum, Bruno Diatta, Julien Jouga, Joséphine Diallo ...
Ce prestige, elle le doit également à la sagesse et à l'envergure spirituelle de ses guides, ces dévoués pasteurs qui, dans les sept (07) diocèses que compte le pays, tiennent la barque en essayant de faire en sorte que l'Eglise, sacrement de salut pour tous, témoigne de sa présence édifiante en prenant sa part de souffrance dans l'oeuvre de construction ecclésiale et nationale.
De ces pasteurs, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ont l'intelligence du moment et le sens de l'histoire pour indiquer, chaque fois que les circonstances ou l'actualité de l'Eglise l'exigent, la direction à suivre ainsi que les modus faciendi et operandi nécessaires à la fécondité de l'action pastorale.
Pour preuve, après l'intermède douloureuse que constitue la Covid 19, dont ils ont grandement contribué à juguler la propagation et les impacts négatifs, par leur prière silencieuse et leurs communiqués successifs, nos évêques ont cru bon, pour ce carême 2023, d'appeler les fidèles catholiques à tenir ferme dans l'espérance, reprenant en choeur, la formule évangélique que saint Jean Paul II aimait à entonner aux heures critiques de notre temps : " N'ayez pas peur ! " (Mt 14/27)
Le choix de cette thématique n'est donc pas fortuit ; il répond à un souci pastoral des plus réconfortants, car parler de l'espérance dans un monde tourmenté et où l'inquiétude existentielle a atteint des profondeurs insoupçonnées, c'est revisiter la force de la parole prophétique que l'Eglise ne cesse de proclamer à temps et à contre temps.
Etre témoin de l'espérance, c'est aussi, avec foi, en ce temps de carême particulièrement favorable à l'introspection, les yeux levés vers Celui qu'ils ont transpercé (Jn19/37), rester lucides face aux aléas de la vie, pour oser prendre la main que le Seigneur nous tend dans l'obscurité de nos vies et les hivers de nos engagements en faveur de la paix, de la justice sociale et de la dignité humaine.
Entrer dans l'espérance, ainsi que nous y invitait le saint pape Jean Paul II au bon milieu de son pontificat, et nos pasteurs en ces temps post-Covid, c'est finalement poser un acte de courage évangélique, tout en étant conscient de la responsabilité qui est la sienne devant la réalité parfois cruelle et désacralisante dans laquelle sont, hélas, plongées des millions de vies innocentes.
L'espérance dont parlent nos pasteurs trouve dans le tréfonds de notre âme, connectée constamment à Dieu, les ressorts spirituels pour proclamer la vie plus forte que la mort, l'amour triomphant de la haine, la longue nuit laissant place à l'aurore d'un jour nouveau où Dieu se fera tout en tous. Avec elle, rien de ce qui est humain ne devrait en principe être étranger au chrétien en marche vers Pâques, parce que tout espace ouvert dans notre rapport à l'autre et à Dieu est providentiellement champs propice à l'expression de la charité !
Par leur exhortation, nos évêques insistent sur le fait que l'espérance chrétienne n'a donc rien de béat, rapportée aux dures conditions de vie et d'existence qui sont les nôtres. Tenaillés, en effet, entre plusieurs défis existentiels, les chrétiens peuvent, néanmoins, être rassurés de savoir que leurs pasteurs partagent leurs joies et leurs peines. Mieux, ils leur manifestent leur proximité affective et paternelle par une parole digne d'une entière créance et qui, dans le contexte particulier d'après pandémie, retrouve une résonnance et une actualité saisissantes : " l'espérance ne trompe point, puisque l'amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l'Esprit saint qui nous a été donné " (Rm 5/5).
En invitant dans leur Message de Carême 2023 les chrétiens à redécouvrir les articulations trinitaires de l'espérance, tel que saint Paul l'a fait pour ses frères de Rome, les évêques étaient également conscients de raviver en eux la soif des réalités célestes, le désir du ciel, pour que face aux tribulations de toutes sortes leurs coeurs s'établissent fermement là où se trouve la vraie liberté.
Comme il peut être stimulant sur les routes de la foi de savoir qu'en faisant naitre dans notre coeur cette joyeuse espérance nous allons à la rencontre du Dieu vivant et vrai pour, au détour de cette aventure pascale, témoigner de son amour et de sa miséricorde dans nos divers milieux de vie et d'existence. L'espérance est vie nouvelle, puisque par elle, nous apprenons à regarder notre propre histoire comme ayant sa source et sa finalité en Dieu.
Le pape Benoit XVI faisait preuve d'une finesse théologique admirable quand, très régulièrement dans ses enseignements à la Place Saint Pierre, il rappelait que l'espérance chrétienne est fondamentalement une vertu, pas seulement théologale mais véritablement performative, en ce sens qu'elle nous rend capables de faire changer positivement les choses, notamment le regard que nous posons sur nous-mêmes, sur notre prochain et sur Dieu.
Puissions-nous donc, au sortir d'une éprouvante pandémie à coronavirus, dont les stigmates sont encore visibles dans nos familles et communautés, nous convaincre, comme Eglise en marche, que " nous avons cette espérance comme une ancre pour l'âme, ferme et sûre " (Hébreux 6/19).