En visite dans la ville de Beni jeudi et vendredi 3 mars, la cheffe de la MONUSCO a rencontré les autorités ainsi que des représentants de la société civile dont des membres des mouvements de jeunes. Ces forces vives ont signifié à la cheffe de la MONUSCO leur désir de voir notamment la mission reprendre ses activités sur le terrain et s'assurer d'un bon " transfert de compétences " avant de se retirer du pays.
Aux mois de juillet et août 2022, des manifestations hostiles à la présence de la mission onusienne au Congo ont dégénéré dans certaines villes de l'est de la RDC, faisant des morts et des blessés. Beni et Butembo ont notamment été concernées. Cette situation avait contraint la Mission à réduire quelque peu ses activités et le mouvement de son personnel.
Pendant ces échanges, Nicole Lufungi, membre du conseil urbain de la jeunesse de Beni, a affirmé à Bintou Keita que c'est la population qui est finalement la grande perdante dans cette situation. " Nous avons parlé de ce défi que rencontre la Mission sur le terrain par rapport à cette attitude d'hostilité que la population affiche vis-à-vis de la MONUSCO ", a-t-elle expliqué, ajoutant même que " l'année 2022 a été difficile pour la population et pour la MONUSCO. Il y a eu des blessés et des morts. On a perdu. La MONUSCO également a perdu ".
Madame Lufungi estime que la question du retrait de la mission onusienne du pays doit être posée dans des cadres bien déterminés. " La MONUSCO est comme l'invitée du gouvernement congolais, explique-t-elle. Elle a été invitée au Congo sur base de clauses bien déterminées. Le plan de sortie a également été élaboré conjointement. S'il faut que la MONUSCO parte, l'Etat congolais a un grand rôle à jouer. Au lieu de soulever la population, il y a d'autres procédures afin que la Mission puisse se retirer ".
Depuis les évènements de l'année dernière, poursuit la jeune femme, "la mission affiche une sorte de réserve pour intervenir parce qu'il y a des barricades, des jeunes [qui menacent de] caillasser les véhicules de la MONUSCO. Et c'est la population qui souffre ", analyse-t-elle, citant notamment l'incendie d'un des principaux marchés de Beni où le véhicule anti-incendie de la MONUSCO aurait pu intervenir.
" Il y a un marché qui est parti en fumée en janvier dernier à Beni, relate-t-elle. Un marché où vendaient plusieurs femmes. Avec la situation que nous traversons, les femmes essaient de subvenir aux besoins de leurs familles avec le commerce. Voilà qu'un marché dont les commerçantes disposaient d'un capital estimé à près de 500 000 dollars américains qui s'est consumé parce que la ville ne dispose pas de véhicule anti-incendie. La MONUSCO aurait pu intervenir. Mais sur le chemin, elle aurait pu être caillassée. C'est la population qui perd ".
" Transfert de compétences "
Au cours de la rencontre avec les organisations de la société civile, la question du retrait de la MONUSCO a également été évoquée. Mais pour Samuel-Don Katembo, président du Parlement des jeunes de la ville de Beni, ce retrait doit être ordonné et doit s'accompagner d'un plan de " transfert de compétences " afin que les autorités congolaises soient capables de prendre le relai de la mission onusienne, une fois celle-ci partie.
" Nous avons longuement discuté de la question du plan de sortie de la MONUSCO. Nous avons essayé d'évaluer comment cela évolue. Cela nous a poussé à voir que réellement la MONUSCO est en train d'organiser son plan de sortie. Et maintenant, il lui revient d'accélérer son programme surtout en accélérant la partie "transfert de compétences" pour que le départ de la MONUSCO ne soit pas une entorse pour notre communauté ", a fait savoir Samuel-Don Katembo.
Selon lui, " une fois la MONUSCO partie, il y aura beaucoup de défis que nous allons rencontrer ". M. Katembo cite notamment la question de la formation de la police congolaise à la gestion des engins explosifs improvisés qui continuent d'endeuiller cette partie du Nord-Kivu. " Nous sommes en train de voir dans notre communauté où les poseurs de bombe opèrent par-ci par-là. Nous sommes en train de recourir à la MONUSCO. Si aujourd'hui elle part sans apprendre à nos policiers et à notre personnel de sécurité ce qu'ils doivent faire, nous aurons des problèmes ", craint-il. " Seuls, a-t-il, nous ne saurons pas. Mais avec eux, nous allons faire quelque chose. "
Lors de son séjour à Beni, la cheffe de la MONUSCO Bintou Keita a également rencontré les autorités de politico-administratives. Le maire de la ville lui a dressé l'état de la situation sécuritaire dans la zone. Le commissaire supérieur Narcisse Muteba Kashale a également réaffirmé la volonté des autorités locales de continuer à travailler avec la MONUSCO.