En tant que commandant de bord chez Air Mauritius, qu'est-ce qui a pu être, selon vous, à l'origine des violentes turbulences à bord du vol Francfort-Maurice de Condor, jeudi matin ?
Pour comprendre, il faut d'abord savoir que nous sommes en période cyclonique. Comme chaque année, la zone de convergence intertropicale est assez active. La température de l'océan Indien en ce moment dépasse les 27 degrés. Tous les ingrédients sont réunis pour la création de masses orageuses, d'où la formation de cumulonimbus (nuage d'orage avec grêle et de très fortes turbulences). Le trajet des avions pour l'arrivée sur l'île Maurice aussi bien que pour le départ vers l'Europe, se situe sur une ligne entre Mogadiscio (capitale somalienne) et l'île Maurice et dans la nuit de mercredi à jeudi, de gros orages étaient présents sur cet axe.
Expliquez-nous ?
Généralement, si l'avion passe au-dessus de l'orage, il lui faut environ 5 000 pieds de séparation verticale et 20 nautique de séparation latérale afin d'atténuer les turbulences mais, parfois ce n'est pas suffisant. Il faut savoir aussi qu'étant sous les tropiques, l'altitude de la tropopause (zone atmosphérique de transition entre la troposphère et la stratosphère, NdlR) est haute, soit autour de 55 000 pieds. Ce qui explique aussi que le sommet de ces cumulonimbus peut atteindre, voire dépasser l'altitude de la tropopause. Ce qui est le cas en ce moment.
Dans de tels cas, quand les turbulences sont inévitables, comment assurer une meilleure sécurité aux passagers ?
D'où toute l'importance de garder les ceintures attachées lorsqu'on est assis. Avec la facilité de voyager aujourd'hui, le passager a tendance à oublier l'environnement hostile dans lequel il voyage. Voyager à 11 000 mètres d'altitude, à une température négative de -60 degrés et des courants et vents dépassant les 300 km/h, un changement brusque de température et de vent (appelé cisaillement) engendre de sévères turbulences qui peuvent se produire à proximité d'orages ou en ciel absolument clair.
Ces sévères turbulences peuvent donc se produire n'importe où et pas uniquement dans la zone de l'accès aérien seychellois où l'avion Condor en a fait les frais, jeudi aux petites heures du matin ?
Ça se produit tout autour du globe. D'où la formation assidue ainsi que l'expertise des pilotes pour avoir une bonne lecture de l'environnement dans lequel on opère à chaque instant de vol. Cela constitue un atout majeur pour éviter des phénomènes météorologiques dangereux.