Leur colloque avec l'eau est ancien. Ce 26 février en matinée, à la demande des organisateurs, trente jeunes femmes originaires de Ngabé quittent leurs occupations quotidiennes pour une course de pirogues sur le fleuve Congo. La localité qu'elles habitent a vu sortir de terre un site touristique attrayant pour lequel les habitants du district doivent être fiers. C'est, en effet, le promoteur de celui-ci, et le ministère de l'Industrie culturelle, touristique, artistique et des Loisirs qui leur offrent l'opportunité de faire du sport.
Le soleil est au rendez-vous. Habillées en t-shirt et pagne, leurs collants ou pantalons enfilés en premier, elles constituent dix équipes de trois coureuses chacune sur dix pirogues et attendent le coup d'envoi. Aucun homme n'a osé se mesurer à elles car, par le passé, explique Evariste Ondongo, le maître des lieux, toutes les compétitions organisées à propos ont été remportées par les dames. La raison en serait que ces dernières étaient depuis toujours les plus actives sur le fleuve où elles exercent la pêche et bien d'autres activités.
Le coup d'envoi est enfin donné. Elles remontent le cours du Congo sur une centaine de mètres et devront ensuite descendre vers le lieu où elles ont pris le départ. A la vérité, même si elles sont familières du trafic sur le fleuve, la compétition qui les oppose est loin d'être une promenade de santé, car en temps ordinaire, personne ne surveille la distance qu'elles parcourent d'un point à l'autre, chacune ayant le loisir d'aller à son rythme. On les voit braver le courant d'eau avec beaucoup d'entrain, et leurs supporteurs restés sur les berges crier le nom de quelques-unes. Puis elles sont perdues de vue.
Du temps après, à côté des jacinthes emportées par les eaux et du bruit des moteurs de baleinières sifflant rauque, les premières embarcations apparaissent au loin, puis les autres à la suite. C'est presque la tourmente quand l'envie d'être classé dans les premières loges vous fait pousser les ailes. Le temps est visiblement à la compétition. Finalement, les trente équipages sont à portée des regards, les cris de l'assistance accompagnent les arrivées. Il y a de l'excitation sur les pirogues, l'équipe de tête vient d'accoster arrachant des applaudissements de la foule. Les sprinteuses ont le souffle court.
A tour de rôle et dans une certaine confusion arrivent les autres chaloupes, certaines se trompent du point d'arrivée courant l'élimination ; d'autres chavirent à une petite longueur du rivage servant un peu d'eau aux courageuses compétitrices. Au final, toutes arrivent à bon port. Suivant le classement, les premières comme les dernières sont recompensées d'un petit pli pour la circonstance. Lydie Pongault, la ministre de l'Industrie culturelle, et Evariste Ondongo, le promoteur du site touristique de Ngabé, rendent hommage à ces braves mamans qui reprennent leurs pirogues et regagnent chez elles à bon rythme, heureuses d'avoir couru pour l'honneur. Séquence mémorable !
AUTHOR: Gankama N'Siah