Présente sur tous les fronts dans l'accompagnement des veuves et orphelins du personnel des Forces de défense et de sécurité tombées sur le champ de bataille, la présidente de l'association Go Paga, Fadima Kambou, revient sur ce qui a motivé la mise en place de sa structure et l'accompagnement dont fait l'objet ces femmes et enfants.
Vous avez créé une association dénommée Go Paga. Qu'est-ce qui a motivé la création d'une telle association ?
La motivation principale est ma contribution en tant que Burkinabè à accompagner notre armée dans la prise en charge des veuves, des orphelins, des FDS et des blessés à se construire dans l'épreuve, à travers l'insertion professionnelle des blessés, des veuves, et l'octroi des bourses scolaires et une assurance maladie des orphelins en collaboration étroite avec la brave équipe de l'action sociale des armées et des équipes paramilitaires. Le Burkina m'a tout offert ,j'ai donc le devoir de le lui rendre.
Que vise-t-elle comme objectifs ?
Elle vise comme objectifs, permettre aux veuves une autonomisation financière en leur apprenant une profession de leur choix, un accompagnement psychologique et social pour continuer la lutte dans l'épreuve de l'absence de leurs époux. L'association a pour objectif aussi d'aider les orphelins à terminer leur cursus scolaire, voire universitaire et permettre aux FDS blessés sur le terrain du combat, une reconversion professionnelle
Comment se fait concrètement cet accompagnement sur le terrain ?
Après deux (02) ans de fonctionnement sur le terrain, nos actions prioritaires consistent à créer des cadres ou complexes de formation professionnelle et de réinsertion au profit des veuves, orphelins des FDS et des blessés. Sept complexes sont fonctionnels à la date d'aujourd'hui, à Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. D'autres sont en cours, notamment à Kaya et bientôt un complexe social à Fada n'Gourma et à Ouahigouya. 600 bourses scolaires et des assurances maladies ont été également offertes. Toutes ses réalisations-accompagnements se font sous l'oeil bienveillant des équipes de l'action sociale des armées.
Grâce à votre association, des complexes sociaux sont réalisés dans les garnisons du Burkina, comment arrivez-vous à mobiliser les fonds pour la réalisation de ces infrastructures ?
La mobilisation des fonds pour la réalisation de ces infrastructures est possible grâce à nos actions de plaidoyer auprès d'institutions de la place et à l'extérieur du pays, à l'instar des autres associations ou organisations évoluant dans ce domaine humanitaire. Et à vrai dire, nous avons été agréablement surpris de l'engouement des Burkinabè d'ailleurs, une sorte de chaîne de solidarité s'est créée autour du programme, notamment au vu des résultats.
La pose de la première pierre du Centre de formation, d'éducation et de promotion sociale a eu lieu en juin 2022 au camp Ouezzin-Coulibaly de Bobo Dioulasso. Est-il aujourd'hui fonctionnel ?
Oui, ce centre dont la première pierre fut posée en juin 2022 est fonctionnel depuis le 17 novembre 2022. Plus de 70 veuves y ont démarré leurs formations.
Que pensez-vous de la prise en charge des veuves et orphelins des FDS tombées sur le champ d'honneur par les services de l'Etat ?
Nous pensons que la prise en charge par l'Etat des veuves et des orphelins est un devoir de celui-ci,selon les textes de l'ONU et des textes ont été votés par notre assemblée dans ce sens. De plus, l'action sociale des armées ne ménage aucun effort pour apaiser les familles en accompagnant les veuves et les orphelins. Il faut saluer ce qui est déjà fait et les encourager. Dans toute oeuvre humaine, il y a du positif et des axes d'amélioration, mais reconnaitre ce qui est déjà fait est très important. Car ce chantier qui est la prise en charge des familles de victimes est très complexe et il faudra beaucoup d'efforts de part et d'autre.
Il y a une loi sur les pupilles de la Nation. Selon vous, cette loi prévoit-elle suffisamment de garanties pour une prise en charge des orphelins et des veuves des FDS ?
Oui, un texte sur les pupilles de la Nation a été voté en juin 2022 et nous attendons le décret d'application par le gouvernement. Pour les veuves, des mesures d'accompagnement sont prises. Il faut souligner que ce texte est étendu à tous les enfants des civils également victimes des attaques terroristes.
A votre avis, comment sortir de cette double crise sécuritaire et humanitaire dans laquelle le Burkina est plongé ?
A notre avis, nous pensons que la sortie de cette double crise nécessite la conjugaison des efforts de tous les filles et fils de ce pays et de la diaspora, des bonnes volontés, des institutions nationales et internationales car cette crise est holistique et très complexe.
Dans le combat pour le retour de la paix au Burkina Faso, des voix dénoncent des violations des droits de l'Homme et la stigmatisation de certains groupes ethniques. Quelle est votre lecture ?
Nous sommes tous enfants de ce pays. Par conséquent, nous avons tous les mêmes droits et devoirs. Donc asseyons-nous et discutons ensemble. C'est ainsi que nous pourrons aplanir d'éventuelles divergences et venir ainsi à bout de l'insécurité.
Avez-vous l'impression que les femmes sont suffisamment impliquées dans la recherche de solutions pour une sortie de crise ?
Dans nos traditions africaines, les femmes sont les premières confidentes des chefs. Elles sont impliquées dans des cadres/associations de médiation et de sensibilisation contre la radicalisation et l'extrémisme violent des jeunes. Il faudra donc saluer ce qui est déjà fait et voir comment plus les impliquer. Les femmes donnent la vie et non le contraire.
C'est bientôt le 8-Mars, une fête dédiée à la femme. Quel sens donnez-vous à cette journée du 8 -Mars ?
Le 8-Mars est une journée de commémoration, c'est une journée où l'on devrait faire le point sur les droits des femmes : où sommes-nous ? Quels sont les acquis à propos des droits des femmes ? Que devrions nous améliorer ? Donc, une journée de bilan mais aussi une journée d'engagement pour l'amélioration des conditions de la femme.
Comment appréciez-vous les conditions de vie de la femme au Burkina Faso ?
Comme dans tous les pays du monde, les femmes font face à plusieurs défis. Pour celles qui vivent au Burkina et en Afrique en général, leurs défis sont doubles, notamment dans les inégalités de genre. Elles sont victimes de violence et de discrimination en tous genres, économique, sociale, professionnelle...
Pour favoriser l'engagement des femmes en politique, une loi sur le quota genre a été adoptée dans notre pays. Quelques années après l'adoption de cette loi, quel regard portez-vous sur l'engagement des femmes en politique ?
Cette loi étant nouvelle, je pense qu'il faut du temps pour que toutes les parties se l'approprient pour une bonne gestion de la cité qu'est la politique.
A votre avis, que faut-il faire pour améliorer la participation de la femme en politique ?
N'étant pas politique, j'aurai du mal à me prononcer là-dessus. Mais je suis convaincue qu'il faut encourager les femmes, les jeunes femmes à suivre l'élan de leur coeur.
Quels sont les projets à court et long terme de l'association Go Paga ?
Les chantiers sont immenses et multidimensionnels. A court terme, c'est finaliser et livrer la construction du complexe social de Kaya. Nous ambitionnons aussi de lancer les travaux des complexes de Ouahigouya et de Fada. Nous devons également accompagner à bon port la nouvelle cohorte en formation dans nos centres et finaliser le suivi des enfants que nous avons scolarisés pour cette année scolaire. A long terme, nous souhaitons le retour de la paix donc nous ne nous projetons pas sur le long terme.
Vous êtes une femme engagée, quels conseils avez-vous à donner à toute personne qui voudrait emboîter votre pas pour l'épanouissement de la population en général et de la femme en particulier ?
Apprendre à aider les autres sans rien attendre en retour, être une bénédiction pour les autres, contribuer au bonheur de soi et des autres, telles sont, je pense, nos missions sur cette terre !