Ile Maurice: Attaques contre le DPP - Le drôle de communiqué du CP

Les réactions n'en finissent pas depuis que le commissaire de police a émis un communiqué mardi remettant en cause les décisions du Directeur des poursuites publiques et de la magistrate du tribunal de Moka dans la libération provisoire de Bruneau Laurette...

Certaines réactions proviennent de la majorité gouvernementale elle-même. Un élu que nous avons sollicité nous a fait part de son étonnement et de son incompréhension mais aussi de ceux de quelques-uns de ses collègues au gouvernement. "Nous avons tous été pris de court en voyant ce communiqué. Personne ne nous en avait prévenus. Il semble même qu'aucun ministre n'était au courant." Certains ministres auraient exprimé leur déception devant ce qui s'est passé, surtout ceux qui sont aussi juristes. Notre interlocuteur se dit d'autant plus surpris qu'un tel communiqué du commissaire de police (CP) - publié d'ailleurs par le Government Information Service - a dû obtenir l'aval du Premier ministre (PM) avant d'être émis. "Pravind Jugnauth a un briefing quotidien avec le CP et personne ne peut croire que le PM n'avait pas été mis au courant de la décision du CP de sortir ce communiqué." Il se demande comment le PM pourrait avoir autorisé un tel communiqué surtout qu'il est lui-même avocat et connaît donc bien le principe de la séparation des pouvoirs.

Certains ministres, qui se sont résignés à n'avoir aucune voix au chapitre dans la prise des décisions, se demandent si le PM a au moins consulté l'Attorney General. "Quid de ces grands hommes de loi qui gravitent autour du bureau du Premier ministre ?" Ils sont convaincus, dit notre interlocuteur, qu'aucune consultation légale ou autre n'a été entreprise avant de donner l'aval au CP, le communiqué ayant été émis si vite. On nous rappelle que la force policière tombe directement sous la tutelle de Pravind Jugnauth qui est aussi ministre de l'Intérieur. C'est pourquoi ils sont plusieurs, au gouvernement ou ailleurs, à penser que ce communiqué est l'oeuvre de Lakwizinn, ce pouvoir parallèle dont parlent Nando Bodha, Roshi Bhadain et Sherry Singh.

Cependant, tous sont d'accord pour nous dire que, peu importe qui détient le réel pouvoir, le PM est carrément responsable devant la population de ce communiqué fortement controversé. "Il se peut aussi que le CP n'en a fait qu'à sa tête sans en informer le PM. Dans ce cas, le PM serait encore plus à blâmer à moins qu'il ne sanctionne Dip." Il n'y a toutefois pas grand monde qui croit que Dip ait agi seul... Ce qui dérange encore plus la majorité, confie-t-on, c'est que le CP, qui a signé ce communiqué, n'a pas réalisé que lui-même se retrouve dans une situation embarrassante. "Pourquoi n'a-til pas émis un communiqué pour s'en prendre à la commission de pourvoi en grâce lorsque celle-ci a court-circuité la justice, y compris le Privy Council, en graciant certaines personnes, y compris son fils ?" On nous rappelle aussi que le CP fait toujours l'objet d'une accusation provisoire déposée contre lui à l'ICAC. Comment a-t-il osé s'en prendre à nos institutions indépendantes dans ces circonstances ? se demande notre interlocuteur.

Bio data express...

Anil Kumar Dip, 62 ans, avant d'accéder au poste de CP par intérim en août 2021, (NdlR : Il est confirmé dans ce poste le 16 février 2022), était commandant de la Special Mobile Force (SMF) et responsable du National Disaster Risk Reduction Management Centre. Mais tout commence quand il rejoint la police, plus précisément l'école de formation de la SMF, le 11 septembre 1981. Il est ensuite promu cadet inspector et travaille pendant de longues années au quartier-général de la police. Il sera plus tard assistant commissaire de police et devient adjoint au commissaire de police (DCP) en 2019. Originaire de Rose-Belle, Dip détient un diplôme et d'une licence en Police Studies ainsi qu'un MSc en Police Science and Management.

Les casseroles de Dip et Dip Kid...

En décembre 2013, Anil Kumar Dip, alors DCP, est arrêté dans l'enquête du Central Criminal Investigation Department pour complicité dans le détournement de fonds de Rs 80 millions de la Bramer Bank. Il est toutefois blanchi deux ans après. Pour rappel, il a été provisoirement inculpé de complicité le jeudi 5 décembre 2013 après sa comparution en cour. Il a dû fournir une caution de Rs 50 000 et une reconnaissance de dette de Rs 1 million. Après une nuit en cellule, Dip recouvre la liberté. La police le soupçonne alors d'être au courant des transactions d'importantes sommes d'argent sous son toit. Lors de sa comparution en cour, il est du coup inculpé de complicité. Son fils, Chandra Prakashsingh Dip, est considéré comme le présumé cerveau de ce détournement. Sa femme, Chandny Dip, est également appréhendée.

Anil Kumar Dip fait aussi parler de lui en 2021 par rapport à un séjour supposément gratuit à l'hôtel Club Med en 2018. L'Independent Commission against Corruption (ICAC) décide de ne pas donner suite à la plainte d'un dénonciateur qui se disait "très informé" de ce qui se serait passé durant le week-end du 3 au 5 août 2018 dans l'établissement d'Albion.

Depuis le début de l'année, c'est le fils Dip qui se retrouve sur la sellette quand on apprend qu'il a obtenu la grâce présidentielle, le 20 décembre 2022, soit un mois après que sa demande d'appel de sa condamnation au Conseil privé a été rejetée par la cheffe juge Rehana Mungly-Gulbul. Sa peine de 12 mois de prison est commuée en une amende de Rs 100 000. Il a été reconnu coupable de détournement de Rs 3 millions au préjudice de la Barclays Bank (maintenant ABSA) par la cour intermédiaire et condamné à 12 mois de prison le 26 février 2018 par l'ex-magistrate Renuka Devi Dabee, aujourd'hui juge. Le DPP fait actuellement appel de la décision de la commission de pourvoi en grâce à ce propos.

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