Rabat — A l'occasion de la Journée mondiale des droits de la femme, Salma Tazi, qui est à la tête de la direction de la femme au ministère de la Solidarité, de l'insertion sociale et de la famille, fait la lumière, dans une interview accordée à la MAP, sur le combat mené contre la cyberviolence à l'égard des femmes, qui gagne de plus en plus de terrain. "Tous pour un espace numérique responsable et sécurisé pour les femmes et les filles", tel est le thème choisi pour la 20ème campagne nationale de lutte contre la violence à l'égard des femmes et des filles, que vient de lancer le ministère.
1. La cyberviolence ou le cyberharcèlement gagne du terrain dans les lycées, collèges et même en milieux estudiantin et professionnel. À votre avis, comment peut-on combattre cette montée de la violence numérique à l'égard des femmes ?
Le ministère a adopté une approche globale et intégrée en matière de lutte contre la violence à l'égard des femmes et des filles, et ce en harmonie avec le nouveau contexte national et la vision du Nouveau modèle de développement en la matière.
Dans ce cadre, le ministère a procédé à l'élaboration d'une nouvelle stratégie nationale "GOSSE" (SNG) qui place la lutte contre les violences faites aux femmes parmi ses principaux axes en prenant en considération les quatre piliers internationaux: Prévention, Protection, Prise en charge et Pénalisation.
De ce fait, et pour combattre les violences faites aux femmes et aux filles via le virtuel, il est important de suivre une approche intégrée en misant sur les questions de la prévention, de la sensibilisation, de la protection, de la prise en charge et du renforcement de l'arsenal juridique préventif et protectionniste.
Pour cela, la loi 103.13 et son décret d'application ont inclus un ensemble de mesures de lutte contre la violence numérique qui soutiennent ladite approche globale.
Sur le plan de sensibilisation, la 20ème campagne nationale de sensibilisation pour la lutte contre la violence à l'égard des femmes et des filles a été articulée autour de la violence faite via l'espace virtuel et électronique, sous le thème "Tous pour un espace numérique responsable et sécurisé pour les femmes et les filles", dont le choix porté sur la thématique de cette campagne fait suite à la prolifération de la cyberviolence.
Conscient que les hommes et les garçons ont un rôle important à jouer dans la prévention de la violence faite aux femmes et dans la promotion de l'égalité des sexes, le ministère prévoit la promotion d'une masculinité positive comme approche qui consiste à engager et impliquer les hommes qui s'opposent aux pratiques et aux comportements préjudiciables, de s'exprimer et de diffuser des messages positifs pouvant dissuader des pratiques masculines traditionalistes et rétrogrades vis-à-vis des femmes.
Ce sujet a aussi ses priorités au niveau de la planification, puisque nous avons prévu dans le Programme gouvernemental pour l'égalité (PGE III) un axe dédié à la Promotion des valeurs de l'égalité (lutte contre les stéréotypes), pour une application véritable de la notion de la masculinité et ses implications pour les projets de développement durable dans une perspective de transformation des rapports de pouvoir entre les hommes et les femmes, vers plus d'égalité et d'équité.
2. Pourquoi le thème "Tous pour un espace numérique responsable et sécurisé pour les femmes et les filles" a-t-il été choisi pour la 20è campagne nationale de lutte contre la violence à l'égard des femmes et des filles ?
La 20ème campagne nationale de sensibilisation pour la lutte contre la violence à l'égard des femmes et des filles a été lancée le 25 novembre 2022 par le ministère de la Solidarité, de l'insertion sociale et de la famille avec l'appui de l'UNFPA, sous le thème "Tous pour un espace numérique responsable et sécurisé pour les femmes et les filles".
Le choix porté sur la thématique de cette campagne fait suite à la prolifération de la cyberviolence qui touche 1,5 million de femmes et de filles selon l'enquête nationale du HCP sur la violence à l'encontre des femmes et des hommes de 2019.
L'enquête a montré que 13,8% des femmes marocaines âgées de 15 à 74 ans ont été victimes de violence électronique et les filles et les jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans sont les plus touchées par la violence électronique (24,4%), et plus les femmes avancent dans l'âge, moins elles en sont vulnérables.
Les femmes célibataires ont subi la violence électronique avec un taux de prévalence de 30,1%. Cette étude a également relevé que la cyberviolence fait plus de victimes parmi les élèves et les étudiantes (35,7%).
3. Avez-vous des chiffres sur le nombre de plaintes déposées par les personnes harcelées sur l'espace numérique et les résultats de mi-parcours de cette campagne ?
La présidence du Ministère public est l'organe institutionnel qui publie des données statistiques sur le nombre de plaintes déposées dans les cas de violence en général, et selon le dernier rapport publié par cette institution pour l'année 2021, le nombre de cas liés au harcèlement par les messages écrits ou électroniques a atteint 162 cas.
Les résultats de mi-étape de la 20ème campagne: il est à noter que, pendant la 20ème campagne, plusieurs actions de communication ont été lancées à travers les médias avec un spot officiel et sur les réseaux sociaux avec le hashtag "#Mansektouch, la violence numérique est un crime".
En plus de l'organisation d'activités de sensibilisation et de séminaires dans toutes les régions du Royaume par le pôle social (Entraide nationale et Agence de développement social), en partenariat avec la société civile et plusieurs institutions nationales et internationales.
Le nombre total d'organismes engagés dans l'encadrement et l'organisation d'activités de sensibilisation aux niveaux national et territorial a atteint environ 1.560 organisations. Les experts et les chercheurs universitaires constituent la catégorie la plus importante avec environ 600 enseignants et chercheurs, la société civile avec plus de 460 associations partenaires, et les secteurs gouvernementaux avec environ 200 contributeurs, les médias avec 80 plateformes, ainsi que 220 encadrants représentant diverses autres instances.
Par ailleurs, le nombre d'utilisateurs de réseaux sociaux qui ont été touchés par la campagne a atteint 1.500.000 personnes, et le spot de sensibilisation que nous avons lancé a été visionné par environ un million de personnes, avec un taux d'interaction de plus de 70.500, uniquement pendant la période allant du 25 novembre au 27 décembre 2022. Ceci montre la forte mobilisation sur le sujet ainsi que le volume d'engagement dans la campagne digitale que nous avons lancée et qui se poursuivra tout au long de l'année.
Au total, le nombre d'activités de sensibilisation et de prise de conscience organisées dans le cadre de cette campagne a atteint plus de 372 activités dans diverses régions du Royaume, avec l'implication active de toutes les composantes du pôle social (rencontres, séminaires, activités culturelles et artistiques, formations...), et avec la participation de plus de 27.435 hommes et femmes (5.691 hommes et garçons et 21.744 femmes et filles). Ces données dévoilent l'étendue de la participation et de l'implication de tous les acteurs aux niveaux national, régional et local.