La décision de la Financial Intelligence Unit (FIU) de geler, après un ordre ex parte de la Cour suprême, obtenu la semaine dernière, les comptes de pas moins de 24 entités offshore, domiciliées à Maurice - qui serviraient de véhicules aux fonds libyens - ne cesse de provoquer des vagues. Pour rappel, sur le plan international, le gel de certains fonds apparemment liés à Mouamar Khadafi - pas tous ! - avait été ordonné par l'Organisation des Nations unies (ONU). Une enquête internationale avait été lancée car quelques milliards d'intérêts avaient disparu des comptes d'Euroclear. "Ces deux milliards auraient été dégelés par les autorités belges et envoyés vers des comptes à l'étranger, à Londres et à Bahrein", dit-on dans les milieux internationaux avisés.
En juillet 2021, l'express évoquait des attaques contre l'opérateur mauricien, Capital Horizons (qui gère six des entités libyennes, entre autres), dans le sillage d'une enquête de The Sentry. Dans le cadre de cet article, Capital Horizons nous avait déclaré : "Capital Horizons (CH) has met all of its legal obligations and is fully compliant with the laws of Mauritius. CH takes its responsibilities seriously and has gone beyond its reporting obligations. As well as referring the matter to the regulator, CH has commissioned an independent review, by the international law firm Dentons, which was submitted to the regulator, and shows that all laws, regulations and due diligence processes were followed at all times." Un cadre de CH ajoutait : "Subsequent to this publication, The regulator carried out an investigation over 7 months on that matter and concluded that no breach of the law occurred. For the avoidance of any doubts whatsoever, Capital Horizons does not entertain any business from any sanctioned entities or persons as a matter of policy."
Aujourd'hui, dans le cadre du gel des comptes des 24 entités, CH, qui conjointement avec ses six clients libyens poursuit les autorités mauriciennes, brandit une lettre du conseil de sécurité de l'ONU pour souligner le fait que la FIU a commis un impair, en essayant d'être plus royaliste que le conseil de sécurité lui-même. "The real question is who we think we are in Mauritius to be more royalist than the king? We sanction despite the UN Security Council, don't we?" se demande-t-on au niveau de CH, qui est bien décidé à rompre son silence. "So bottom line the CEO of the FIU is suggesting that 47 states are suspected of terrorism financing. The African Union had already written to formally complain about the investigation by the Mauritius authorities regarding RascomStar QAF (NdlR, une des entités concernées) in which it is a shareholder. And yes more importantly, the United Nations security council wrote to the Mauritian representative in New York to formally inform them that the Mauritian entities are NOT subject to any sanctions whatsoever", insiste-t-on du côté de CH.
Dans un entretien accordé à nos confrères de Business Magazine, le 15 février, la directrice de la FIU Mauritius, Carine Charlette-Katinic, affirmait que "la saisie des avoirs est un outil puissant contre le crime". Selon elle, la FIU utilise son pouvoir et ses capacités pour obtenir des informations afin de dresser le scénario ici et à l'étranger. "Lorsqu'il s'agit de l'étranger, nous pouvons instantanément contacter n'importe qui dans le monde. Les criminels qui pensent qu'ils peuvent aller se cacher quelque part et que nous ne les trouverons pas, font fausse route. Étant membre du groupe Egmont, nous utilisons des renseignements dans un but, pour une raison ; celui de prévenir et de détecter le blanchiment d'argent provenant de tout crime (...)."
Mais CH insiste : "It seems that the CEO of FIU went on a frolic of her own in this PR stunt. She sought a freezing order while those entities have a case against her in the Supreme Court regarding the same issue to which she has showed total disregard. In light of the UN Security Council letter received, it is clear that no breaches were committed by any of the Libyan companies or by Capital Horizons, NOR are they subject to any sanctions(...) Was it a tactic to prevent the national sanctions committee to respond or was it a tactic to sidetrack the 'main case'? Although never under our administration we note that she ordered the freezing of accounts of 10 companies who are defunct? What is the rationale to freeze assets that don't exist anymore ? Did she perform a simple check to ensure that those companies were live ? Is she implying that for close to 15 years during which those companies in Mauritius, all banks in Mauritius and all international banks who act as correspondent banks, all management companies, all regulators, the FSC and the BOM have all failed to detect that for so long, but she miraculously could?"
Beaucoup de questions sur lesquelles la FIU devra communiquer si tant est qu'elle souhaite jouer la carte de la transparence. Nos colonnes resteront ouvertes à l'institution pour éclairer cette affaire aux ramifications internationales et dont la portée sur l'image de notre centre financier est non-négligeable. De même au niveau de CH, on souhaite communiquer pour expliquer pourquoi la FIU n'aurait pas dû geler les comptes en question, d'autant plus que cette affaire est devant la Cour suprême.