Ile Maurice: Vincent Duvergé - 'Je n'aime pas trop quand les partis politiques partagent nos vidéos'

interview

"Entre nous", le troisième one man show de Vincent Duvergé, est prévu le dimanche 19 mars à 15 heures au Trianon Convention Centre.

Entre nous, c'est nous-même. Parlerez-vous de choses inavouables dans votre prochain spectacle ?

Certainement. Être nous, c'est parler en toute intimité de sujets qui nous touchent tous.

Quelle est la différence avec les spectacles précédents ?

Là, on rentre dans ma vie personnelle. Comme j'approche de la trentaine...

Avec appréhension ?

Pas appréhension mais c'est une claque. Dans ma tête, j'ai toujours 12 ans, mais mon corps ne suit pas. J'ai eu à me remettre, enfin, à me mettre au sport récemment.

Que pratiquez-vous ?

Un peu de hit fitness, plein de pompes enn deryer lot, soulever des poids, trois fois par semaine.

Qu'est-ce qui vous a motivé ?

Je me voyais prendre une forme que je n'aimais pas. Je ne fais pas du body shaming mais cela ne me va pas.

L'humoriste doit soigner sa silhouette ?

J'ai eu des remarques après les teasers que j'ai postés. Je me suis rendu compte que je ne suis plus celui qui était monté sur scène en 2018, meeeg.

Vous avez pris du poids dans la cervelle ?

Voilà. D'où le spectacle Entre nous pour montrer l'évolution depuis 2018 et 2020. Celui de 2023 raconte plus la sortie de la jeunesse pour entrer dans l'âge adulte. Dans tous mes spectacles, je parle de choses qui me sont arrivées, mais pas autant que dans celui-ci. Je parlerai de mes problèmes, de mes soucis de santé.

On peut rire de ses soucis de santé ?

Il le faut. Je crois dans la thérapie du rire à 300 %.

L'intimité fait aussi penser à la pastille "Coco", où un couple joue à être un couple. En quoi "Entre nous" se différencie-t-il de "Coco" ?

Coco est plus scénarisé, avec des choses complètement fictives. C'est vrai qu'on ouvre la porte de chez nous, littéralement, puisque c'est filmé chez nous. Entre nous sera plus intime parce que j'aborderai des sujets qui ne portent pas à la comédie au départ. Par exemple du bullying.

Vous en avez été victime ?

Oui. J'étais au Lycée Labourdonnais. J'ai été un peu bullied parce que j'étais le geek total, avec des lunettes comme Harry Potter sur la tête. Je portais des kalson trwa-kar, des chaussettes qui montent super haut avec des chaussures affreuses. Ma maman achetait des vêtements sans connaître forcément la fashion de l'époque. Je mettais un singlet sous mon T-shirt. J'étais la cible facile.

On s'en remet facilement ?

Cela a été un peu compliqué. J'ai surtout été bullied entre 12 et 15 ans. Après, je me suis forgé cette personnalité komik-komik.

C'est la carapace ?

Cela m'a sorti de là. On devient plus populaire, mieux accepté. Beaucoup de jeunes maintenant assument leur sexualité, quand j'étais à l'école j'ai vu des gens bullied à cause de cela. On peut rire de ces situations en brisant le côté dramatique.

Mais on ne peut pas rire à tout moment ? Quand deux pèlerins sont morts électrocutés, "Pop TV" n'a pas posté "Le Zournal" le lendemain du drame, en signe de respect.

Le vendredi matin au bureau (NdlR, le lendemain du drame), je ne me voyais pas faire un numéro comique alors que l'heure était au respect pour les familles endeuillées, pour les victimes qui étaient toujours aux urgences. On aurait pu faire un Zournal avec une actualité politique, mais ce n'était pas le moment. On peut rire de tout, mais il faut aussi respecter les autres.

C'était une décision avec des conséquences financières.

On perd de la pub. Mais c'est dans ces moments-là qu'on voit une forme de solidarité mauricienne.

"Le Zournal" a sa "minute des haters". Certains diraient, pourquoi leur donner de l'importance ?

Beaucoup de gens pensent être totalement à l'abri derrière leur écran. Ils se permettent de dire tout et n'importe quoi sans répercussion. L'idée n'est pas de leur donner de l'importance - même si cela leur donne de l'importance - mais de leur montrer qu'on voit leurs commentaires. Il ne faut pas croire qu'ils lâchent leurs commentaires pour amuser la galerie, pour que leurs amis voient qu'ils ont "cassé un grand paquet". Les commentaires ne nous font ni chaud ni froid.

Cela pique un peu les yeux quand même ?

Parfois. Cela m'a piqué quand on a redémarré Le Zournal le mois dernier. Entre fin novembre 2022 et février 2023, j'ai pris au moins trois kilos. Qu'est-ce que je me suis fait chambrer. La majorité des commentaires étaient dessus.

Plus que sur le contenu de la vidéo ?

Plus que sur le contenu. Alors qu'on se tue à trouver des sujets en épluchant journaux et sites d'informations.

Vous regardez le JT de la MBC ?

Non. Je ne pense pas qu'elle soit impartiale dans son traitement de l'information. Après cela n'engage que moi. Nous, on n'est pas dans un vrai JT. On n'est pas des journalistes, on parodie l'actualité.

C'est aussi pour les "haters" que "Le Zournal" commence avec un message disant : "sé enn joke" ?

C'est pour deux raisons : les haters qui ne comprennent pas que c'est un joke, que je ne suis pas partisan de X ou Y. Deuxièmement, c'est pour ceux qui pensent qu'en parodiant X ou Y, on l'attaque. Une parodie n'est pas une attaque, c'est mon combat depuis toujours. Beaucoup ne comprennent pas. Des numéros du Zournal ont été repris par des pages de partis politiques sur les réseaux sociaux.

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Nous n'avons jamais eu cet "honneur". Le Ralliement Citoyen pour la Patrie a souvent partagé des vidéos, dans un but purement humoristique, j'en suis sûr.

C'est pour montrer qu'on a de l'humour dans le parti ?

Probablement. Je n'aime pas trop quand les partis politiques partagent nos vidéos. Le message que certains pourraient comprendre c'est : Duvergé avek zot.

Ce n'est pas la gloire d'être repris par des pages politiques ?

Non. Je préfère mille fois que des gens qui nous regardent de l'étranger partagent les vidéos. Une mère de famille m'a dit qu'elle préfère montrer Le Zournal à ses enfants et ensuite leur expliquer l'actualité plutôt que de leur faire regarder le JT de la MBC. Cela me fait beaucoup plus plaisir que de voir un parti politique partager Le Zournal.

On ne voit plus d'invités, plus d'hommes politiques sur votre plateau. Que s'est-il passé ?

On a arrêté l'émission Ce soir avec Vince. C'est vrai qu'on a reçu beaucoup d'invités politiques. La politique me passionne.

Vous en ferez un jour ?

Non, je ne me vois pas faire de la politique.

Et si vous étiez approché ?

On m'a déjà approché...

Opposition ou gouvernement ?

(Il rit) Surtout l'opposition. Je n'ai pas accepté. Pour entrer en politique, il faut avoir un projet.

Le vôtre serait de "fer dimounn riyé".

Ceux qui sont là le font déjà très bien. On rigole beaucoup devant Parliament TV. Je ne vois pas ce que je pourrais amener de plus.

Vous avez été approché en 2019 ?

Oui, pour un rôle de conseiller en communication. Au bout de deux réunions, je me suis rendu compte que la personne concernée n'était pas vraiment à l'écoute de la population. Je ne voyais pas ce que je faisais là.

Dans l'absolu cela vous intéresse, conseiller politique ?

C'est un challenge intéressant à condition que la personne soit connectée avec la population, qu'elle ait un vrai projet de société, pas juste une ambition de pouvoir. Là aussi, il faudrait que je puisse garder mon indépendance totale, continuer à faire Le Zournal, parodier même cette personne.

C'est possible à Maurice, ce que vous décrivez là ?

Je ne le pense pas. En France, on a vu l'imitateur Laurent Gerra imiter François Hollande sur le plateau de RTL devant François Hollande.

Vous disiez que vous aviez arrêté d'inviter des gens sur votre plateau. C'est parce que vous avez eu trop de non ?

C'est parce qu'il y avait trop de oui de l'opposition. On a invité beaucoup de gens du gouvernement qui n'ont pas accepté tout de suite parce que c'était nouveau. Il n'y avait pas d'équilibre. C'est après qu'on a supprimé l'émission que certains attachés de presse m'ont dit qu'ils étaient intéressés. Ce soir avec Vince va revenir en avril mais avec beaucoup moins de politique. Ce ne sera pas juste un talk-show, mais plus dans l'esprit du Saturday Night Live, où l'invité doit participer à ce qu'on lui propose.

Kailesh Jagutpal, votre ministre préféré, vient quand ?

Ah, j'en rêve ! Il n'a pas dit oui, il n'a pas dit non, non plus. Nous l'avions invité en plein scandale Molnupiravir. Ce n'était pas le bon timing. J'espère que pour la prochaine saison, on verra un sketch entre Jagutpal le vrai et Jagutpal le faux. Sans prendre parti, le mec a fait son boulot pendant le Covid-19. Après, on est d'accord ou pas sur la façon de faire. Mais il a mis en place les (il prend la voix de Jagutpal) mesures sanitaires. Il ne m'a pas appelé pour me demander d'arrêter de l'imiter. J'aurais aimé voir plus de politiciens avec de l'humour.

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