Burkina Faso: Nandy Somé / Ministre en charge du Genre - " Le 8 Mars doit être célébré sous le signe de la résilience "

interview

Au regard du contexte national marqué par la crise sécuritaire, humanitaire et alimentaire, le 8-Mars de cette année va être commémoré sous le signe de la résilience et de la solidarité avec l'ensemble des personnes déplacées internes et des autres victimes de l'insécurité. Dans cette interview accordée à Sidwaya, la ministre de la Solidarité, de l'Action humanitaire, de la Réconciliation nationale, du Genre et de la Famille, Nandy Somé, appelle les populations à commémorer cette Journée de la femme dans la sobriété tout en menant des actions de solidarité à l'endroit de leurs frères et soeurs victimes de la crise sécuritaire. Elle aborde également des questions d'actualité liées, entre autres, à la démarcation de son département du choix du pagne du 8-Mars 2023 et le sort des femmes de Arbinda (Soum) enlevées et retrouvées.

 Le 8 mars de chaque année est célébrée la Journée internationale des droits de la femme. Sous quel signe le Burkina Faso célèbre cette édition ?

 La célébration de la Journée internationale des droits de la femme est un moment solennel pour nous permettre de commémorer la lutte de nos consoeurs qui, devant l'adversité et les contraintes multiples, ont exigé qu'il y ait des droits qui respectent la dignité de l'être humain. De ce fait, ce moment nous permet, non seulement, d'analyser le statut de la femme, mais également, de mener des actions pour pouvoir améliorer les conditions de la femme sur les plans économique, social, culturel dans notre pays, à travers les actions entreprises du gouvernement, des partenaires et des associations. Afin d'adapter la célébration de la Journée de la femme au Burkina, nous avons intitulé le thème : " La contribution de la femme à la production agricole et à la sécurité alimentaire dans un contexte de crise humanitaire : la promotion de la culture hors-sol comme alternative ".

 Quelles sont les activités prévues par le ministère de la Solidarité, de l'Action humanitaire, de la Réconciliation nationale, du Genre et de la Famille à l'occasion du 8-Mars 2023 ?

Il y a un certain nombre d'activités que nous avons retenues. Il s'agit d'organiser des sessions de formation au profit des femmes de trois grandes régions, à savoir la Boucle du Mouhoun, le Centre-Nord et le Nord. A l'issue de ces formations-là, doter les femmes en

matériel de production. Il est prévu, ensuite, d'organiser des journées de salubrité dans l'ensemble des 13 régions du pays et enfin, moi-même j'effectuerai une mission-terrain vers ces femmes productrices en agro-sylvo-pastoral et voir de près ce qu'elles font comme activités dans le domaine de la production.

 Et qu'en est-il de la célébration du 8-Mars à travers une cérémonie officielle ?

  Nous n'avons pas retenu cette approche cette année parce que je dirai que nous devons célébrer le 8-Mars sous le signe de la résilience et de la solidarité avec l'ensemble des personnes déplacées et toutes les autres victimes de l'insécurité. C'est pourquoi, je voudrais demander à toutes les femmes et à l'ensemble de la population burkinabè en général, de commémorer ce 8-Mars dans la sobriété tout en menant des actions de solidarité à l'endroit de leurs frères et soeurs victimes de la crise sécuritaire. Si la situation se stabilise, nous aurons l'occasion de célébrer beaucoup de 8-Mars avec faste.

 Dans un communiqué paru sur les réseaux sociaux, le ministère annonçait se démarquer du choix du pagne du 8- Mars. Pouvez-vous nous expliquer les raisons ?

C'est vrai que le communiqué en lui-même est clair mais ce que nous voulons dire est que les populations sachent que cette année, compte tenu de la situation nationale et du fait que beaucoup de femmes voient leurs droits fondamentaux bafoués, le ministère a décidé de ne pas faire de la production des pagnes du 8-Mars une activité majeure pour la commémoration officielle de la Journée internationale de la femme. C'est pourquoi, il s'est démarqué de toute initiative de production et de commercialisation de pagnes du 8-Mars.

Doit-on comprendre que votre département interdit la commercialisation des pagnes du 8-Mars confectionnés par des particuliers ?

Il n'est pas du ressort du ministère d'interdire la vente de pagnes non officiels.

Cependant, il faudrait que l'opinion sache que le ministère en charge du genre ne voudrait pas s'aligner autour d'un pagne dit du 8-Mars dès lors que lui-même n'en a pas confectionné. Mais notre priorité cette année, ce n'est ni les pagnes ni les grandes activités festives.

Notre préoccupation, c'est surtout comment orienter la femme burkinabè vers la productivité, l'autonomisation et renforcer la culture du vivre-ensemble au sein de nos populations. Notre priorité également, c'est comment la femme pourra jouer son rôle pour réduire la violence que nous vivons dans notre pays. C'est pourquoi, le thème que je venais de citer porte sur la production agro-pastorale car pour nous, c'est la production qui va nous permettre d'actionner le vrai développement de notre pays.

Pour un pays comme le Burkina Faso qui traverse de nombreuses crises (sécuritaire, humanitaire et alimentaire), comment devrait-il célébrer le 8 mars ?

La situation actuelle de notre pays commande que nous ayons une pensée positive à l'endroit de nombreuses populations qui souffrent du fait des attaques terroristes. Pour nous, il s'avère impérieux de renforcer les capacités de production des femmes et des jeunes filles déplacées, même des femmes cheffes de ménage mais également développer des stratégies innovantes afin d'accroître la résilience des femmes et susciter par la même occasion leurs contributions à la sécurité alimentaire des ménages et des communautés.

 Depuis l'avènement du MPSR II, quelles ont été les grandes actions posées par votre ministère à l'endroit des femmes ?

Je voudrais dire à ce niveau qu'il y a des activités qui se mènent de façon continue. Il y a les sessions de formation, de sensibilisation et même d'octroi de technologies au profit des femmes qui ont continué. Mais de façon spécifique, je voudrais dire qu'à la faveur d'abord de la commémoration de la Journée de la femme rurale, toutes les régions ont été dotées en unité de transformation selon leurs spécificités. Dans la région de la Boucle du Mouhoun, par exemple, les femmes ont bénéficié d'unité de transformation du sésame. Dans la région des Cascades, c'est une unité de la transformation de la noix de cajou.

Egalement, à la faveur de la commémoration de cette Journée, les femmes ont aussi bénéficié d'établissement de documents d'état civil parce que beaucoup dans la précipitation en se déplaçant, je veux parler des femmes déplacées, quittent leurs localités sans aucun document. Nous avons délivré près de 30 000 actes de naissance et Cartes nationale d'identité burkinabè (CNIB) au profit de ces femmes.

Le ministère a également entrepris d'élaborer un plan d'actions national intégré de l'agenda femme, paix et sécurité. Il y a beaucoup d'actions qui sont prévues dans ce plan d'actions en faveur de la promotion des droits de la femme d'une part ,mais surtout renforcer leur niveau de lutte contre les violences basées sur le genre, en matière de promotion de l'égalité entre les sexes, de relèvement des femmes surtout dans le contexte d'insécurité.

Il y a eu également la question de réfléchir aux causes de la féminisation de la violence dans notre pays lors d'un atelier national qui a été organisé. Dans le domaine de l'autonomisation économique de la femme, il y a eu toujours des octrois de crédits et au niveau du Fonds d'appui aux activités rémunératrices des femmes (FAARF), il y a eu au moins 5 milliards F CFA d'octroi de crédits au profit de 43 000 femmes cette année. Cela permet aux femmes, non seulement, de mener leurs activités génératrices de revenus, mais également, de pouvoir subvenir à d'autres besoins, donc à l'épanouissement de la famille en général.

Voilà un ensemble d'activités que nous avons pu mettre en oeuvre. Mais dès que le plan d'actions national intégré de l'agenda femme, paix et sécurité est finalisé, beaucoup d'autres actions y sont prévues. Dans notre pays, malgré les luttes, la question de violences basées sur le genre continue en matière de mutilations génitales féminines, de mariages forcés, de traite des enfants. Les taux de prévalence sont toujours élevés. Dans les jours à venir, nous allons renforcer nos actions dans ce sens pour contribuer toujours à la promotion et au développement socio-économique de la femme burkinabè.

Que deviennent les femmes enlevées à Arbinda puis retrouvées et ramenées à Ouagadougou par les autorités ?

Les femmes qui ont été enlevées sont reparties dans leurs communautés et elles vont bien. Je voudrais profiter de cet échange pour remercier toutes les personnes qui ont oeuvré à ce qu'elles soient libres et saluer la collaboration entre les départements ministériels qui a permis d'apporter une réponse adéquate aux besoins de ces femmes. Je voudrais également saluer tous les partenaires techniques qui ont apporté leur appui pour la prise en charge de ces femmes sans oublier bien sûr les travailleurs sociaux du ministère qui les ont assistées nuit et jour.

A votre avis, quelle doit être la contribution des femmes pour une sortie de crise que le Burkina Faso traverse depuis 2015 ?

L'insécurité et la crise humanitaire que le Burkina Faso traverse nécessitent la contribution de l'ensemble des acteurs de notre pays et davantage les femmes doivent contribuer. Elles sont dans des réseaux dans lesquels elles ont une manière de communiquer

pour sensibiliser, d'abord dans la prévention des conflits et également dans la gestion de ces conflits lorsqu'ils surviennent. Toujours dans la question de l'implication par rapport à la résolution de cette crise que nous vivons, c'est d'interpeller les enfants parce que les femmes sont écoutées, non seulement, par les enfants, mais aussi, par les adultes. Il faut qu'elles jouent effectivement ce rôle d'éducatrice, de mère pour inviter tous les combattants à déposer les armes afin que la paix puisse revenir dans le pays.

 Qu'est-ce qui est prévu à court, moyen et long terme pour les femmes déplacées internes qui sont à Ouagadougou ?

C'est vrai que la ville de Ouagadougou n'avait pas été retenue comme commune d'accueil des personnes déplacées internes et cette mesure est toujours d'actualité. Ce que nous envisageons, puisque le constat est que les personnes déplacées internes ont afflué vers Ouagadougou, un dénombrement fait par nos services a donné un chiffre à peu près de 60 000 personnes déplacées internes à Ouagadougou, installées dans les différents quartiers périphériques et dans neuf arrondissements sur les douze que compte la ville. C'est vraiment une situation, une vraie problématique pour nous.

Mais la solution que nous envisageons, c'est d'aller vers ces personnes, les connaître, les identifier et puis connaître leurs besoins, ensuite demander à celles qui voudraient repartir vers là où il y a les camps, qu'elles puissent le faire mais bien sûr avec un accompagnement. Maintenant, celles qui restent ici et on voit souvent que certaines de ces femmes occupent des grandes artères et s'adonnent souvent à la mendicité.

Nous avons entrepris de les sensibiliser afin qu'elles quittent les abords des voies, surtout avec les enfants en bas âge qu'elles tiennent qui sont exposés à beaucoup de risques du fait qu'elles sont aux abords de ces routes mais qui n'arrivent pas actuellement à recevoir l'éducation qui sied pour leur âge, être à l'école comme les enfants de leur âge et avoir un cadre protecteur et approprié pour leur bien-être.

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