L'ancien sélectionneur de beach soccer et directeur du Sport Lisboa Benfica/MFA a rompu tout contact avec la Mauritius Football Association (MFA) en décembre 2022 pour entamer son pèlerinage en vue de devenir le prochain président de l'instance. Dans l'interview qui suit, il explique, en partie, son projet et met en avant ce qui n'a pas fonctionné dans le football local jusqu'ici. La dissolution du comité directeur de la MFA représente une opportunité pour aller de l'avant, dit-il.
Racontez-nous votre parcours dans le football...
Mon aventure avec ce sport a commencé durant les séances de récréation à l'école primaire de Trou-aux-Biches. En 5e avec un groupe d'amis, j'ai participé à la création d'une équipe de foot avec un nom très évocateur, Juvénile FC. À cette époque, nous avions comme but de pouvoir jouer des matches amicaux dans les régions avoisinantes et bien évidemment se faire plaisir avant tout. Les circonstances de la vie ne m'ont pas permis, comme je le souhaitais, d'avoir une carrière de footballeur de haut niveau. Néanmoins, j'ai eu l'opportunité d'évoluer au niveau régional avec les clubs issus des régions de Port-Louis et de Pamplemousses. J'ai eu l'occasion de côtoyer des joueurs qui m'ont marqué à jamais. Aujourd'hui encore ce sport fait partie intégrante de ma vie, d'abord sur le plan personnel, puis sur le plan professionnel. Je suis un entraîneur qui a fait ses preuves et jusqu'à tout récemment.
Et à côté de cela ?
En fait, le sport c'est toute ma vie. Je suis toujours un fervent pratiquant de sport, notamment le jogging et le Walking Football. Toutefois, le football n'est pas l'unique sport que j'ai pratiqué durant ma carrière. J'ai pratiqué l'athlétisme. Notamment avec les courses de 200m, 400m, 800m, lancer du disque et javelot et un peu du cross-country. J'ai eu la chance de représenter la région Nord de Maurice aux Jeux intervilles de l'océan Indien à l'île de La Réunion en 1988. J'ai aussi pratiqué le volley-ball, la natation en mer avec une traversée Pereybère-Mon Choisy à mon actif.
On vous connaît aussi comme formateur et entraîneur. Pourquoi avez-vous choisi cette voie sachant que les débouchés sont minces dans ce secteur ?
J'ai commencé ma première formation d'entraîneur à l'âge de 26 ans sous la houlette de François Blaquart en 1990. Il était à l'époque le directeur technique national. Puis j'ai enchaîné avec une formation de Niveau 1, 2 et 3 sous la direction de Jean-Michel Bénézet. Ma soif de connaissance a fait que je n'ai manqué aucune formation sur le plan local. J'ai aussi eu l'occasion d'aller me perfectionner à l'étranger. Je détiens aujourd'hui un diplôme d'instructeur de football et de Beach Soccer. Quand j'ai obtenu ma licence de Niveau1 en 1990, j'ai effectué un stage de trois mois au sein de l'école de foot de Triolet.
Puis en janvier 1991, avec l'aide du ministère des Sports, j'ai ouvert une école de football à Mon-Choisy. J'ai aidé à la création de l'école de foot de Pointe-aux-Piments et la sélection U17 de Pamplemousses. En l'an 2000 je suis devenu conseiller technique régional de Port-Louis et j'ai successivement occupé les fonctions d'entraîneur adjoint de Pamplemousses SC. J'ai aussi entraîné La Cure Sylvester, Pamplemousses SC, La Cure Waves et US Trou-aux-Biches, une équipe que j'ai créée avec des jeunes de 16 ans au niveau régional qui évolue aujourd'hui en deuxième division.
Vous avez aussi fait un crochet par la sélection nationale...
À ce niveau également, j'ai eu l'opportunité d'occuper plusieurs fonctions. De 2000 à 2005, la MFA m'avait confié la sélection féminine. Par la suite en 2007, j'ai entraîné les U17, puis entre 2009 et 2022, j'étais le sélectionneur de beach soccer. J'ai terminé comme manager du centre de formation avec le soutien de Sport Lisboa Benfica/MFA.
Justement, en décembre 2022, vous aviez annoncé, dans nos colonnes, que vous démissionnez du centre de formation de Sport Lisboa Benfica/MFA. Qu'est-ce qui a motivé cette décision ?
Beaucoup de choses m'ont poussé à partir de la MFA. Mais la raison principale est que je me suis rendu compte que la progression du football n'est pas l'objectif premier des dirigeants de la MFA. En décembre 2021, j'avais eu une réunion de travail avec les hauts gradés de la MFA où un plan de travail avait été présenté afin de faire avancer le football des jeunes à Maurice comme à Rodrigues.
À première vue, ils étaient enchantés par ce plan et le président a soutenu que des discussions supplémentaires allaient être entamées début 2022. Mais cette réunion ne s'est jamais tenue et on n'a plus entendu parler du plan de relance jusqu'à mon départ de Trianon. Cela n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Il y a d'autres projets qui ont été présentés mais qui ont tous fini dans les tiroirs. Je suis convaincu que le développement du football auprès des jeunes est le cadet des soucis de Samir Sobha et de son équipe. Il est, donc, temps que les choses changent.
On parle aussi d'une relation tendue entre vous et le DTN Zunaid Mall...
Tendue, vous dites ? C'est bien plus que cela. Entre le DTN et moi, cela n'a jamais collé et j'étais en désaccord avec lui bien avant mon affectation à la MFA. Le président de la fédération était au courant et on a beaucoup discuté de cette relation tendue et les raisons derrière. Dans le passé, tous les CTR ont entretenu de très bons rapports avec les DTN et vice versa. Même Sébastien Sirop (NdlR : ex-DTN de Maurice), qui était un peu brutal dans son approche, a fini par comprendre l'importance des CTR et notre apport dans son travail.
Mais Zunaid Mall ne sait pas, en fait, qu'il est un DTN à Maurice et qu'à ce titre, il a des responsabilités et des devoirs à respecter. Depuis trois longues années, cette situation perdure. Pour vous faire une idée de son niveau, posez-lui la question sur ce qu'il connaît vraiment sur le football des jeunes à Maurice et Rodrigues.
Pourtant, vous avez aussi profité d'un sacré pactole lorsque vous étiez le Head Coach du centre de formation comme l'a dit Samir Sobha. Qu'avez-vous à répondre ?
(Rires...) La réponse de Monsieur Sobha m'a étonné surtout que la lettre que je lui avais adressée concernait surtout les inquiétudes des clubs de l'élite par rapport au soutien financier venant de la Fifa et qu'il avait promis. Je connais la façon de s'exprimer de M. Sobha et d'ailleurs dans les réunions de la MFA, il se fait entendre en haussant la voix, en pointant directement des personnes à qui il a donné de l'argent et tout cela avec un langage qui ne fait pas honneur à un président de fédération.
Je ne vais pas m'abaisser à son niveau. Moi, je veux apporter une nouvelle gestion à la MFA sans avoir recours aux chantages, aux copinages et encore moins aux magouilles. Mais si vous voulez vraiment que je lui réponde, sachez que si ce n'était pas moi, quelqu'un d'autre aurait eu le même salaire.
Vous parlez de changement à la MFA. Maintenant, on entre vraiment dans le vif du sujet. Vous ambitionnez d'apporter un nouveau souffle à la MFA en vous mêlant à la course à la présidence ?
Le football n'est pas mort comme certaines personnes peuvent le penser tout bas. Le football mauricien va mal, très mal. Mais je suis du côté des optimistes. Donc, je pense sérieusement que l'on peut encore sauver la situation. Oui, je suis candidat à la présidence de la MFA. Ce n'est un secret pour personne et j'ai débuté mon pèlerinage au sein de la grande famille du football mauricien depuis deux mois. Je peux vous dire qu'il y a un vrai désir de changement. Cela m'encourage dans l'objectif que je me suis fixé. J'ai eu des rencontres très positives avec des joueurs et des dirigeants de club.
Certes, ce ne sera pas une tâche facile. Elle est même ingrate, quand j'y réfléchis, mais en tant que passionné de la discipline je ne peux rester les bras croisés. Il est temps de réinventer le football à Maurice comme ce fut le cas en Angleterre ou plus près de nous, à Madagascar. Le football dans beaucoup de pays, y compris en Inde, est passé par des heures sombres. Ce qui a sauvé ces pays c'est leur capacité à réinventer ce sport. C'est pour cela que je lance un appel à tous ceux et celles qui désirent se mettre à l'ouvrage pour apporter un vrai changement de me rejoindre dans cette mission.
Quels sont vos plans pour "réinventer" le football mauricien ?
Avec quelques amis techniciens et administrateurs du football, nous peaufinons actuellement un plan mais je ne peux rien révéler pour l'heure. Je peux vous promettre que no stone will be left unturned. Tout le monde sera impliqué dans ce projet. Dans ma tête depuis le départ, il n'a jamais été question de renverser qui que ce soit à la tête de la MFA pour prendre sa place. Si je suis élu, ce sera avec une équipe dédiée et avec un plan pour réinventer le football mauricien.
Que pensez-vous du bras de fer entre le ministère des Sports et la MFA ?
On peut résoudre des problèmes par le dialogue. Ce bras de fer n'aurait pas eu lieu si M. Sobha avait fait preuve de bonne volonté. Il a choisi la confrontation comme toujours et comme toujours, ce sont les footballeurs et les clubs qui en font les frais. Il ne faut pas oublier que l'apport du ministère des Sports et du gouvernant est très important pour le développement d'une discipline sportive à Maurice. La performance en football a des conséquences sur l'image d'un pays. La victoire de nos sélections apporte de la joie et du bonheur à la population. Si je suis élu, je vais travailler dans ce sens, la MFA a besoin du ministère des Sports pour aller de l'avant.
Pour donner suite à ce bras de fer, le gouvernement mauricien a procédé à la dissolution du comité directeur de de la MFA la semaine dernière. Quelle est votre analyse de la situation ?
J'ai mal pour le football. Dans ce genre de décision, ce sont surtout les joueurs et certains dirigeants de club qui vont souffrir. D'un autre côté, nous devons nous rendre à l'évidence que cette décision était inévitable. De mon point de vue, cette situation de conflit entre la MFA et le ministère des Sports et par ricochet avec le gouvernement, n'avait que trop duré. De par ses actions, sa gestion du football et sa non-conformité avec les lois du pays, la MFA a dépassé toutes les limites autorisées. Il n'y avait pas d'autre solution d'autant qu'il est important de rappeler que le mandat de Samir Sobha à la présidence avait expiré depuis juin 2022.
Cette situation se présente-t-elle comme une belle opportunité pour vous dans l'optique de la course à la présidence ou au contraire, elle va constituer une épine dans le pied ?
Cette situation est surtout et avant tout une opportunité pour tous ceux et celles qui aiment le football et qui veulent un vrai changement à la direction de la MFA. Elle représente, pour moi, une opportunité de rassembler les gens de bonne volonté, capables de changer les choses à Trianon avec un projet commun. Il y va de l'avenir même de ce sport à Maurice. Les dirigeants ont un choix à faire. Soit ils continuent de "bat bate" soit ils proposent une vraie réforme pour tirer le football vers le haut.
Vous dites que vous avez déjà débuté votre pèlerinage. Dans l'ensemble, comment les clubs et les comités régionaux ont accueilli votre initiative jusqu'ici ?
Quand j'ai quitté mes fonctions à la MFA en décembre dernier, j'étais loin de m'imaginer candidat à sa présidence. Mais lorsque j'ai commencé à échanger avec des personnes dans le milieu du football et d'autres qui sont venus vers moi, j'ai senti qu'il y avait un ras-le-bol et qu'un changement en profondeur était nécessaire. C'est à partir de ce moment que j'ai effectivement débuté mon pèlerinage.
Au fil des rencontres, j'ai compris le besoin de la grosse majorité des amateurs de football à Maurice. Je peux vous dire que depuis le début de l'année j'ai rencontré beaucoup de monde, échangé sur beaucoup de sujets avec des discussions parfois très intenses. J'ai été très bien accueilli à chaque fois et mon initiative a été saluée. J'ai aussi rencontré des gens de la finance qui sont prêts à nous épauler. Un retour des sponsors dans notre football local figure dans mon programme. Le projet que je compte présenter, très bientôt, est le fruit de ces discussions.
On sent bien que les jeunes ont une grande place dans votre programme. Comment comptez-vous attirer la nouvelle génération ?
Maurice et Rodrigues disposent de beaucoup de talent. Mais il y a une vérité criante : faute de plan et de vision on n'arrive toujours pas à exploiter ces talents. La raison est qu'à Maurice, on n'a pas de formation continue comme ce fut le cas avant les années 2000. Aujourd'hui, les jeunes qui s'entraînent dans les MYESR ou Académies sont en formation jusqu'à l'âge de 17 ans. Après cela, ils sont tout bonnement laissés pour compte, puisque les clubs de l'élite n'ont pas de structure d'accueil pour les U17 et U20. Il y a aujourd'hui moins de 100 jeunes footballeurs licenciés agréés par la Fifa à Maurice alors nous avons environ 6 000 à 7 000 jeunes qui jouent en compétition chaque année.
C'est inacceptable d'autant que cette situation ne dérange personne à la MFA. Par ailleurs, nous avons trois groupes-types de formation : les centres MYESR, la MFA et les académies privées. Chacun s'organise à sa façon. Ces jeunes ne font que s'entraîner sans objectif, ni vision sur le plan national, alors que la MFA a démissionné devant ses responsabilités puisqu'elle n'organise aucune compétition nationale pour ces jeunes depuis des années. Depuis combien de temps, les Mauriciens n'ont pas vu les joueurs formés à Maurice partant ensuite se perfectionner à l'étranger à l'instar des Désiré Periatambee, Désiré Chatour, Giovanny Jeannot et autre Jimmy Cundasamy ? La structure nationale qu'est le centre de formation à Réduit est l'ombre d'elle-même alors que c'est dans cette structure que les meilleurs jeunes des années 90-2000 ont été formés.