Ile Maurice: MCB Focus - La sous-utilisation de la main-d'oeuvre, une menace pour la croissance du pays

Alors que la nouvelle édition de MCB Focus projette une croissance du PIB réel de 5 % pour Maurice cette année-ci, un des éléments clés à maintenir repose sur le maintien de la productivité et une main-d'oeuvre efficiente.

Alors que le monde fait toujours face à des risques de ralentissement économique, la question de la démographie, de l'emploi et de la productivité est tout aussi cruciale dans le cadre des plans économiques de nombreux pays, y compris l'économie mauricienne. Selon la nouvelle édition de MCB Focus, la croissance du Produit intérieur brut (PIB) réel devrait être de 5 % cette année, conformément aux dernières projections du Fonds monétaire international (FMI). Cela signifie que le pays reviendrait à un niveau proche de celui de la pré-pandémie en termes de roupies, mais qu'il serait encore inférieur d'environ 9 % aux niveaux de 2019 en dollars.

Cette nouvelle étude de la MCB, qui se concentre sur la croissance potentielle du pays, fait référence à un niveau maximum de production qu'une économie peut atteindre sans aucune tension sur les facteurs de production, c'est-à-dire sans augmenter l'inflation. Parmi les facteurs déterminants de cette croissance potentielle, on retrouve la main-d'oeuvre.

L'utilisation inefficace de la main-d'oeuvre est une source majeure de sous-performance économique. Le chômage et le sous-emploi, que cela soit en termes de qualification ou de temps, limitent la production économique en réduisant l'efficacité de la population économiquement active. Aussi, dans un contexte inflationniste, les bas salaires peuvent réduire la motivation des travailleurs et entraîner une perte de productivité.

Dans le monde entier, la question de la main-d'oeuvre, de la démographie et de la croissance économique est devenue un enjeu majeur. À titre d'exemple, en 2021, une étude du Center for Global Development indiquait que l'Europe comptera 95 millions de travailleurs de moins en 2050 qu'en 2015, ce qui entraînera des tensions budgétaires importantes et un ralentissement de la croissance économique. En Chine, où la main-d'oeuvre est un élément crucial de l'économie, la politique de l'enfant unique a été abandonnée en 2016 pour permettre aux familles d'avoir un deuxième enfant.

En 2021, les familles ont été encouragées à avoir un troisième enfant afin de compenser la baisse de la population active et d'assurer la croissance économique du pays. Cependant, la réalité économique rend la perspective d'un deuxième ou d'un troisième enfant difficilement réalisable pour de nombreuses familles chinoises, en raison du coût de la vie et des pressions liées à l'ascension sociale.

Ressources Humaines

Revenons-en à notre situation locale. MCB Focus constate qu'une baisse de croissance potentielle serait principalement attribuée à une baisse de la disponibilité de main-d'oeuvre. Flash-back. Maurice dépendait fortement de la main-d'oeuvre en 1985-89, cette dernière contribuant à près de 45 % de la croissance potentielle. Par la suite, le ralentissement de la croissance démographique et la baisse de la main-d'oeuvre active ont entraîné une réduction de la contribution de la maind'oeuvre, qui est passée à 20 % en 2015-19.

Si nous prenons les chiffres de Statistics Mauritius pour 2021, la main-d'oeuvre économiquement active du pays s'élève à 532 800 personnes. De ce nombre, 484 400 sont en situation d'emploi. Or, souligne le rapport MCB Focus, la main-d'oeuvre sous-utilisée a augmenté, passant de 27 % de la main-d'oeuvre du pays en 2019 à 38 % en 2021. De cette maind'oeuvre économiquement active, 48 400 étaient sans-emploi, 14 900 entraient dans la catégorie potential labour force, c'est-à-dire ceux de la main-d'oeuvre active qui n'ont pas d'emploi et qui ne recherchent pas activement du travail et ceux qui recherchaient activement un emploi, mais n'étaient pas disponibles pour travailler.

De plus, 48 000 personnes sont classées comme skills-related underemployed, c'est-à-dire qu'elles occupent des postes pour lesquels elles sont surqualifiées, tandis que 93 000 personnes entrent dans la catégorie timerelated underemployed, c'est-àdire qu'elles ont un emploi mais sont disponibles pour travailler davantage. Au final, passant de 158 000 ressources humaines sous-utilisées en 2019, nous avions atteint 204 300 en 2021.

"Ce phénomène est préoccupant car un marché du travail efficace pourrait favoriser une croissance potentielle en accélérant la redistribution de la main-d'oeuvre des secteurs obsolètes vers les secteurs émergents et plus productifs. Un marché du travail efficace pourrait également augmenter le niveau de production potentielle en réduisant le temps que la maind'oeuvre passe dans des emplois qui ne conviennent pas, et en réduisant le taux de chômage. De cette manière, les travailleurs pourraient acquérir une expérience pertinente et être motivés à investir dans leur formation/éducation", fait ressortir le rapport.

Donc, les faiblesses structurelles de l'emploi dans le pays sont une entrave à la progression économique sur le long terme. À ne pas négliger l'érosion des talents : ces Mauriciens qualifiés qui préfèrent trouver de l'emploi à l'étranger, et notre besoin accru de recruter de la main-d'oeuvre étrangère pour maintenir le niveau de compétitivité de nos activités d'exportation ou d'investissement dans la construction et pour le secteur hôtelier, entre autres.

Transformation structurelle

Nous pouvons aussi aisément faire le lien entre main-d'oeuvre et productivité, comme le rappelle constamment la Banque mondiale en 2021 : "Si l'histoire de l'économie mauricienne au cours des dernières décennies a été marquée par la croissance et la transformation structurelle productive, ces dernières années ont vu cette croissance se stabiliser, voire décliner... l'industrie manufacturière mauricienne semble généralement rester sur une trajectoire plate ou en déclin. Cela pourrait indiquer que pour augmenter les niveaux de productivité, il faudra renforcer les compétences des travailleurs et adopter des améliorations technologiques qui complètent la structure des coûts de la main-d'oeuvre."

Donc, si des réformes de politique monétaire ou fiscale sont pertinentes pour nos problèmes du jour, il est important de ne pas perdre de vue les enjeux à plus long terme, tels que la main-d'oeuvre, la productivité et la performance de nos secteurs productifs, qui peuvent représenter un danger réel pour l'évolution économique du pays demain.

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