Cameroun: Jeanne charlotte ngouma njeck - Mon parcours est fait de patience, d'endurance et de determination

interview

Le 1er mars dernier nous avons fait la rencontre de Jeanne Charlotte Ngouma Njeck, camerounaise infirmière à Paris, elle nous a accordé un entretien à bâtons rompus, apportant ainsi un éclairage professionnel sur les spécificités de son métier. Lisez plutôt.

Bonjour Charlotte, on a une première question rituelle, qui veut que vous puissiez vous présenter à notre grand public. Qui est Jeanne Charlotte Ngouma Njeck ?

Merci de vous recevoir chez moi, c'est avec beaucoup de plaisir que j'ai eu souvent à lire les articles de camer.be qui nous informent sur ce qui se déroule dans le monde et surtout de l'Afrique, notre grand continent. Il ne faut pas beaucoup de mots pour parler de moi, je dirai tout simplement que je suis Jeanne Charlotte, mère de 2 filles 23 et 15 ans, je suis infirmière diplômée d'état depuis Novembre 2011 en France.

Quel a été votre parcours scolaire et professionnel jusqu'à ce jour ?

Après mes études universitaires au Cameroun, j'ai immédiatement effectué le voyage vers la France pour les vacances et bien après, j'ai pris goût et j'y suis restée jusqu'à ce jour avec toute l'intégration que l'on connait.

C'est un parcours fait de formation et de stages. Pour avoir une certaine aptitude comme je l'ai aujourd'hui, il faut être attentive à tout ce qui se déroule dans la vie du métier que tu aimes, que ce soit dans le domaine intellectuelle ou professionnelle. Ce qui implique une grande curiosité intellectuelle. Vous comprendrez que c'est un concours de patience, d'endurance et de détermination.

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Pouvons-nous savoir ce qui vous a motivé à entrer dans ce métier ?

Ma grande mère a été opérée au Cameroun du glaucome par des chirurgiens occidentaux appartenant à la médecine sans frontière, et fort de les voir bien s'occuper de ma grande mère et surtout la bonne manière de travailler en binôme avec leur infirmière, j'ai aussitôt eu envie d'exercer ce métier assez noble. C'est un métier plein d'humanisme. On est proche des gens, on les écoute, on les aide à braver les maladies et à reprendre goût à la vie.

Nous savons d'expérience que la formation à l'école d'infirmière est stressante et très difficile avec les caprices des formateurs. Comment avez-vous fait pour faire face à toutes ces Contraintes ?

Croyez-moi ça été très très très difficile pour moi dans la mesure où, je sortais du Cameroun, n'ayant jamais exercé en France, il me fallait commencer par la formation.

J'ai passé le concours avant d'être admise en formation. J'avais une fille de 3 ans dont je devrais m'occuper. Ça se passe difficilement et je finis par craquer au point de tout arrêter alors que j'étais déjà en 3ème année, à cause des difficultés financières ma formation s'arrête. Avec le conseil des agent ACEDIC, je suis obligée d'aller travailler comme aide-soignante pour bénéficier des aides.

Par la suite, je repasse le concours des infirmiers et je recommence cette fois en 1ème année.

Pendant que je dois recommencer ma formation, je me rends compte que je suis enceinte de ma 2ème fille, c'est alors que j'effectue un report de scolarité pour m'occuper de ma grossesse et reprendre l'école après l'accouchement.

Jusque-là, ma galère n'est pas terminée, parce que l'école qui faisait l'objet de mon report, est fermée après cela. Je me rabats dans une autre école qui lance un autre concours et je suis admise en attente de l'oral. Alors que je me prépare pour l'oral, celle qui est censée garder ma fille le jour de l'oral arrive en retard et une fois encore je rate mon entrée dans cette école.

Une autre école lance le concours au mois septembre de l'année 2008, car n'ayant pas leur effectif au complet, Dieu merci cette fois c'est la bonne et c'est reparti pour 3 ans et demi de galère.

Dites-nous vous-même : que trouvez-vous de plus difficile dans votre travail ?

Le plus difficile c'est la formation, Les études, dans le cadre de mon métier d'infirmière, aussi passionnantes, qu'elles puissent paraître, ne fonctionnent pas sans heurt au cours de la formation. C'est pourquoi c'est un parcours d'enfer ; mais malgré les difficultés rencontrées et les efforts personnels déployés, et la volonté on s'en tire.

Je suis dans cette formation par amour, parce que je veux servir l'humanité, les stages aussi sont des moments qui demandent une exigence de rigueur personnelle dans tout ce qu'on fait. Les maisons de retraites avec la pression des familles en font partie des situations qui demandent une intense patience.

Vous êtes camerounaise d'origine, bientôt c'est le 8 mars, que représente cette journée pour vous ?

C'est une commémoration, date d'anniversaire de la déclaration des droits de la femme. Et ça nous rappelle comment les femmes se sont battues pour avoir leur droit. Les femmes sont l'avenir de l'homme et le futur de l'humanité, il faut prendre des dispositions sécuritaires pour qu'elles puissent être protégées dans toutes les sociétés qu'elles furent rurales ou modernes. Elle est au début de tout et la fin de tout, c'est elle qui transmet la vie et ce point est suffisant pour la voir honoré comme ce jour-là.

Il y a longtemps que vous vivez en France, plus de 20 ans déjà, peut-on encore vous considérer comme une femme africaine ?

Oui bien sûr, suis française certes mais je suis et je reste Camerounaise et africaine dans l'âme, fière d'être Camerounaise. Et beaucoup d'indices pour me reconnaitre comme telle. Je n'ai jamais quitté ma famille camerounaise en France, sauf ceux ou celles qui ne sont pas fréquentables, je m'informe de tout ce qui s'y déroule, je mange camerounais, et je ne passe pas une journée sans appeler ma famille qui y réside. L'Afrique en général c'est mon coeur et le Cameroun a la place prépondérante.

Quand on observe votre style de vie, vous avez tous les attributs d'une grande dame, dites-nous un peu, pour vous, qu'est-ce qu'une grande dame ?

Une infirmière n'est pas forcément une grande dame mais tout est dans la tête.

J'aime bien me mettre, j'aime m'habiller, le look. Je travaille très dur et je dois prendre soin de moi avec élégance, dignité et surtout en toute simplicité et humilité.

Fière aussi de savoir que je m'occupe bien de mes enfants, en leur donnant de la joie, le bonheur d'une mère. Pour moi une grande dame, ce sont les valeurs qu'on incarne dans la société et qui fait de nous un modèle pour les autres. N'importe quelle femme qu'elle soit riche ou pauvre, qu'elle soit une femme rurale ou une femme citadine peut l'incarner.

Vous avez aussi deux charmantes filles. Avez-vous réussi à transmettre les valeurs d'origine camerounaise à vos enfants ?

Evidemment, c'est notre patrimoine culturel que de transmettre à nos enfants ce que nous avons apporté de positif de nos origines et qu'elles doivent calquer malgré l'éducation qu'elles ont reçu dans un milieu autre. Mais c'est elle de choisir, je ne leur impose rien, je leur transmet des valeurs comme les langues vernaculaires, l'art culinaire et vestimentaire qui font notre identité, et je crois qu'elles s'en imprègnent très bien dans la mesure où elles veulent aller au Cameroun tous les ans. Le plus gros souci c'est qu'elles aiment bien leur pays d'origine et veulent y aller constamment. Sur le plan culinaire, elles affectionnent les repas africains et le préparent très bien avec subtilité. C'est un pari déjà gagné là.

Nous vous laissons conclure cet entretien.

Merci de l'honneur, merci de l'attention et merci à camer.be de me donner la parole. Bonne fête à toutes les femmes.

Merci aussi d'avoir répondu sincèrement à nos questions.

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