Cote d'Ivoire: PDCI RDA / Tidjane Thiam / Akossi Bendjo / Jean-Louis Billon / Aby Raoul - Ils veulent tous la place de Bédié

Un fauteuil plusieurs prétendants. Le poste de président du PDCI, occupé par Henri Konan Bédié depuis 1994, après le décès de Félix Houphouët-Boigny, attise la convoitise. De jeunes loups aux dents longues ne cachent plus leur désir de se l'accaparer. Ils veulent ici et maintenant ravir ce fauteuil à Bédié ou le " Sphinx de Daoukro ". Noël Akossi Bendjo, ancien maire du Plateau, Jean-Louis Billon, député de Dabakala, ou encore Tidjane Thiam, ancien ministre de Bédié, et Aby Raoul, député-maire de Marcory, sont de ceux-là. Avec le soutien de nombreux militants du parti logé à Cocody Sainte Marie, ils sont pour le passage de témoin. De plus en plus, les signes d'une fin de règne sont papables dans l'entourage de l'ex-chef d'Etat. D'où la question suivante que se posent de nombreux observateurs de la scène politique ivoirienne : les jours d'Henri Konan Bédié à la tête du PDCI sont-ils comptés ?

Question d'un intérêt certain. Car, le constat est implacable : le parti que dirige Henri Konan Bédié offre aujourd'hui deux tableaux diamétralement opposés. D'un côté, il y a ceux qui militent pour le statu quo et de l'autre, les plus nombreux, les militants qui veulent pousser Bédié à la sortie. Les velléités de prise de pouvoir sont tellement fortes que l'on peut aisément conclure que le " Sphinx de Daoukro " est sur des braises.

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Ses jours dans le fauteuil de président du PDCI semblent comptés. Et plus le temps passe, plus la situation se complique pour " N'zueba ". En effet, il ne jouit plus de son statut de président incontesté et incontestable du vieux parti. L'époque où il était le tout puissant Manitou, le président qui faisait la pluie et le beau temps et à qui les élus, les cadres, les militants et sympathisants ne pouvaient rien refuser, semble révolue. Ainsi, son autorité est de plus en plus remise en cause.

Les premières secousses sont intervenues en 2014 juste après son appel de Daoukro. Le 17 septembre 2014, il lançait depuis sa ville natale, Daoukro, un appel en vue d'un soutien à la candidature unique d'Alassane Ouattara à l'élection présidentielle d'octobre 2015, au sein du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). À l'époque déjà, cette décision qualifiée d'unilatérale par certains militants avait été contestée par de hauts cadres de sa formation politique.

Ces derniers avaient à leur tête un certain Charles Konan Banny. Celui-ci avait même fait acte de candidature à l'élection présidentielle de 2015 pour la Coalition nationale pour le changement (dissidence au PDCI). Très vite, cette dissidence a été étouffée dans l'oeuf obligeant l'ancien gouverneur de la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'ouest (BCEAO) à jeter l'éponge.

En 2020, Jean-Louis Billon tente lui aussi de défier le président du parti. Seul contre tous, l'actuel député de Dabakala finit par faire machine arrière. Il se met à la disposition d'Henri Konan Bédié pour espérer le retour au pouvoir du PDCI, 21 ans après l'avoir perdu. Grande fut sa déception de voir Bédié se retirer de la course. Comme si cela ne suffisait pas, l'ancien chef d'Etat va, avec l'aide de certains partis de l'opposition, engager un bras de fer avec le pouvoir. Avec ces derniers, il crée le Conseil national de transition (CNT). Ce conseil se donne pour mission de mettre en place un gouvernement de transition.

L'ancien chef d'Etat, l'homme de " l'ivoirité ", concept nationaliste voire xénophobe, caressait ainsi le secret espoir de revenir au pouvoir sans passer par les urnes. Evidemment ce rêve assez fou ne se réalise pas. Un échec de trop pour ses militants qui n'hésitent plus à décrier sa gestion et surtout sa vision. Désormais, le débat sur sa succession à la tête du parti doyen presque tabou est ouvert et mené au plus haut sommet.

Aussi, depuis un moment un vent de contestation souffle sur le parti. Il est porté aussi bien par des cadres que par des mouvements proches du parti. Ces derniers déplorent un parti sclérosé et appellent à la tenue rapide d'un congrès pour clarifier une stratégie et choisir un candidat en vue de la présidentielle de 2025. Après Jean-Louis Billon, député de Dabakala, Blessy Jean-Chrysostome, avocat du parti et député Béoumi, Aby Akrobou Raoul Modeste, député-maire de Marcory, pour ne citer que ceux là, Noël Akossi Bendjo, ancien maire de la commune du Plateau, par ailleurs conseiller spécial du président Henri Konan Bédié, chargé de la réconciliation nationale et de la cohésion sociale, se lance lui aussi à l'eau récemment.

Dans une interview accordée au Nouveau Réveil, porte-voix du PDCI, ce dernier sans porter de gants a dit très haut ce que beaucoup de militants murmurent dans leur salon et en réunion restreinte. Le PDCI-RDA, a-t-il martelé, regorge de cadres qui ont les capacités humaines, matérielles et relationnelles en interne et en externe, pour conduire le parti vers de nouveaux destins. " Le PDCI a besoin de passation de témoin pour faire entrer de nouvelles générations dans de nouveaux défis de gouvernance ", a-t-il répondu à l'une des questions.

Comme si cela ne suffisait pas, l'ancien maire du Plateau enfonce le clou. " Il faudra au PDCI, un nouveau logiciel adapté aux enjeux du moment pour faire les choses différemment ". En termes clairs, pour lui, le logiciel Bédié est dépassé et ne répond plus aux exigences du moment. Ce qui explique le sommeil profond voire le coma dans lequel le parti doyen est plongé depuis de longues années. C'est un lieu commun d'affirmer donc que le PDCI traverse une autre crise de l'ère Bédié. Pour autant, le natif de Dadiékro ne s'avoue pas vaincu. Lui qui entend manifestement être candidat unique à sa propre succession.

C'est dans ce sens que ses partisans au sein du vieux parti travaillent pour avoir la main mise sur le prochain congrès extraordinaire et le congrès ordinaire qui suivra. Mais, le camp opposé n'entend pas les choses de cette oreille et pense d'ailleurs tenir le bon bout. Pour ce camp, c'est le moment ou jamais de faire bouger des meubles au sein de la formation politique. Et, il se donne les moyens pour atteindre cet objectif. Le 14eme bureau politique du PDCI-RDA à Daoukro tenu en septembre dernier a fini de convaincre les plus sceptiques que la sérénité n'est plus de mise au PDCI. Deux communiqués ont, en outre, été pondus à la fin de la réunion, comme pour dire que le malaise est profond.

Un parti qui à mal à son fonctionnement

Ancien directeur de cabinet du président du PDCI et président Conseil de Surveillance du PDCI-RDA, structure installée le 23 novembre 2021, N'dri Narcisse est mieux placé pour parler du fonctionnement du PDCI. Face à la presse, récemment, il a expliqué que sa structure qui avait pour missions de favoriser la cohésion et l'unité d'actions des organes et structures dudit parti n'a pas fait son travail. Ayant été empêché, par le refus de collaboration de certains organes du parti avec le Conseil de Surveillance.

Toute chose qui a compromis les relations fonctionnelles à établir entre ces organes nouvellement créés et ceux déjà existants. Il a fait savoir que certains de ces organes, nouvellement créés, que sont le Comité Politique, le Comité de suivi et de gestion des élections, le Comité de Mobilisation et de Développement des Ressources et la Grande Cellule de Coordination de la Communication ont, manifestement, foulé aux pieds les hautes instructions du Président du parti se rapportant à la mise en oeuvre de la feuille de route du Conseil de Surveillance.

La dernière preuve tangible du fonctionnement controversé du PDCI-RDA, selon lui, est la convocation d'un congrès extraordinaire en lieu et place du 15e bureau politique dûment convoqué par le 14e bureau politique du 29 septembre 2022. Il en est de même du report du 15e bureau politique, prévu avant le 15 décembre 2022 et qui devait convoquer le 13e congrès ordinaire du PDCI-RDA, conformément aux résolutions du 6ème congrès extraordinaire du 15 octobre 2018. Selon lui, ces résolutions stipulaient que le 13ème congrès ordinaire devait être convoqué après l'élection présidentielle d'Octobre 2020.

Plus loin, il regrette le non-respect des délibérations du 6e Congrès Extraordinaire du 18 Octobre 2018 et la violation de la décision du 14e bureau politique du 29 Septembre 2022, confiant la coordination des travaux préparatoires du 15e bureau politique au Conseil de Surveillance. Face à cette situation qui se détériore de jour en jour, l'heure de la prise de conscience collective semble avoir sonné. Jean-Louis Billon, Aby Raoul, Tidjane Thiam ou encore Noël Akossi Bendjo ont décidé de prendre leurs responsabilités pour titiller et même challenger Henri Konan Bédié. A qui l'ancien maire du Plateau propose d'être le Mandela de la Côte d'Ivoire. Il n'y a pas de doute. Bédié est sur des braises. Et ses jours à la tête du parti doyen semblent comptés.

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