Burkina Faso: Intelligence de la foi - ' Le travail bien fait est une prière ' (1)

Le temps du carême est pour le chrétien un temps d'approfondissement et de mûrissement spirituel à travers la méditation et la réflexion sur la parole de Dieu et l'enseignement des doctrines de l'Eglise. En ce troisième vendredi du temps du carême, nous voulons réfléchir sur le thème de la conscience professionnelle et la corruption.

La vie chrétienne ne consiste pas uniquement en une relation personnelle avec le divin mais aussi surtout elle se déploie dans la relation avec autrui dans l'espace social ou le chrétien est envoyé comme témoin. De ce fait, nous voulons nous pencher sur l'attitude du chrétien par rapport à ces questions sociales et voir quelles sont les ressources que la foi en Dieu et l'enseignement social de l'Eglise offrent comme moyens pour relever les défis qui se posent.

Parmi les facteurs cruciaux du mal développement de nos pays africains, le manque de conscience professionnelle et la corruption dans nos administrations publiques et privées figurent en bonne place. Ce constat est si réel qu'au niveau de la société civile et des Etats, il se crée des organismes pour lutter contre la mauvaise gouvernance et la corruption. Au niveau de notre pays on peut citer principalement le REN-LAC, l'ASCE/LC et la Cour des Comptes.

Qu'est-ce que le manque de conscience professionnelle ? Le manque de conscience professionnelle n'est rien d'autre que le manque de rigueur dans l'accomplissement de son devoir d'état. A chaque personne est confiée une tâche dans la famille, dans la société et particulièrement dans son travail. Que ce travail soit individuel et privé ou un service de l'Etat, pour lequel nous avons été engagés et recevons une rémunération, ce travail doit être exécuté avec amour et compétence. Nous appelons bien nos lieux de travail des " services "; cela veut dire que ce sont les lieux où nous nous mettons au service des autres. Cette notion du travail bien fait dans le but de rendre service au prochain échappe de plus en plus aux travailleurs d'aujourd'hui. Pour le chrétien, le travail bien fait est aussi une prière, c'est une participation à l'oeuvre de la création. Le travail, même s'il est d'abord un moyen de subvenir à ses besoins et aussi un moyen de réalisation, peut être un moyen de sanctification.

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Et que dire de la corruption ? A-t-on encore besoin de la définir ? C'est " l'abus d'une autorité confiée pour un gain personnel ". La corruption, c'est user de son influence en échange d'argent ou d'autres faveurs. La corruption est tant un problème économique que spirituel dans toutes les cultures et tous les systèmes économiques. C'est un abandon moral de ce qui est juste. Cela peut inclure les pots-de-vin et les détournements de fonds. La corruption gouvernementale ou politique a lieu lorsqu'une personne ayant une charge officielle ou un fonctionnaire agit dans sa fonction officielle pour un gain personnel. Elle existe aussi à une petite échelle, entre les gens du commun et les personnels des administrations publiques et parfois privées. Aujourd'hui pour un simple service administratif, on vous demande " quelque chose "...!

Si le manque de conscience professionnelle et principalement la corruption se rencontrent sous tous les cieux, il faut néanmoins remarquer que c'est dans les pays en développement que l'on constate les conséquences les plus néfastes. La Banque mondiale a identifié la corruption comme " le seul grand obstacle au développement économique et social. " C'est une des plus importantes causes de pauvreté. On cite souvent les pays du Sud-Est asiatique comme exemples de pays qui au moment des indépendances africaines avaient les mêmes niveaux de développement que nos pays africains mais qui, aujourd'hui, caracolent parmi les premières économies du monde. Ces réussites économiques formidables trouvent leurs raisons dans une " révolution mentale et culturelle " qui les a propulsés sur le chemin du développement. Ces pays se sont engagés farouchement sur les chemins de l'éducation, ont développé la culture du travail acharné et ont combattu la corruption. Alors on peut se poser les questions : " Que s'est-il passé chez nous ? " Et " Qu'est-ce qui se passe encore ? "

Une brève analyse de notre passé récent pourrait nous donner des indications sur cet état de fait. En effet lorsqu'on considère l'esprit communautariste de nos sociétés traditionnelles africaines, qu'elles soient des sociétés de type d'organisation hiérarchique ou égalitaire, on est étonné que ce même esprit du groupe qui animait nos sociétés d'antan ne se soit pas transféré dans les administrations de nos Etats africains modernes. A l'heure où l'on parle de recours aux valeurs endogènes pour trouver les solutions aux problèmes de nos sociétés africaines d'aujourd'hui, la question mérite bien d'être posée. Pourquoi l'Africain de nos sociétés traditionnelles d'hier, qui était fier de contribuer à remplir le grenier commun et qui montrait son sens de la famille à travers son engagement et sa bravoure, ne se retrouve pas dans l'Africain d'aujourd'hui ? D'où provient l'attitude de l'Africain d'aujourd'hui qui montre peu de considération pour le bien de l'ensemble ?

Comme on le sait, les systèmes politiques qu'ont adoptés nos pères des indépendances n'étaient simplement qu'un héritage des structures et des instruments du pouvoir colonial. Or comme le fait remarquer un analyste politique britannique, l'Etat colonial avait essentiellement pour but de maintenir l'ordre et la discipline afin d'exploiter les ressources naturelles des colonies pour le bien de la métropole plutôt que d'assurer d'abord le service des colonisés. De ce fait il n'y a jamais eu une intégration de l'Etat et de la société africaine comme expression commune de valeurs partagées. En conséquence, il n'y a jamais eu une adhésion ni un engagement volontaire des peuples africains en faveur des institutions publiques. Jusqu'aujourd'hui les Africains ne se sont pas suffisamment approprié l'Etat moderne. L'Etat demeure un corps étranger. Un instrument et une propriété du Blanc dominateur ; tant qu'on peut en tirer profit, tant qu'on peut l'exploiter, on n'hésite pas.

Mais ici en Afrique comme ailleurs, il nous faut une révolution de mentalité. L'héritage colonial néfaste n'est plus une excuse pour nous abandonner à des pratiques de prédation des biens publics. La corruption n'est pas une fatalité. Nous désespérons souvent de la capacité des pays en développement, à s'attaquer à un problème si bien enraciné dans les comportements des gens ; mais si ailleurs d'autres ont pu le faire à travers une volonté politique, l'éducation et le travail bien fait, nous ne voyons pas pourquoi nous ne pourrions pas utiliser les mêmes moyens pour nous tirer d'affaire. Il incombe à tous les hommes et à toutes les femmes de bonne volonté et particulièrement aux croyants et spécifiquement aux chrétiens de prêter une oreille attentive aux injonctions de la parole du Seigneur et de se laisser toucher. Aux Fils d'Israël qui se lamentaient auprès de Yahvé de faire la sourde oreille à leurs prières, leurs sacrifices et leurs jeûnes, Dieu leur a répondu par son prophète en ces termes :

"Votre jeûne se passe en disputes et querelles, en coups de poing sauvages. Ce n'est pas en jeûnant comme vous le faites aujourd'hui que vous ferez entendre là-haut votre voix. Est-ce là le jeûne qui me plaît, un jour où l'homme se rabaisse ? S'agit-il de courber la tête comme un roseau, de coucher sur le sac et la cendre ? Appelles-tu cela un jeûne, un jour agréable au Seigneur ?

Le jeûne qui me plaît, n'est-ce pas ceci : faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug, rendre la liberté aux opprimés, briser tous les jougs ? N'est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim, accueillir chez toi les pauvres sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement, ne pas te dérober à ton semblable ? Alors ta lumière jaillira comme l'aurore, et tes forces reviendront vite. Devant toi marchera ta justice, et la gloire du Seigneur fermera la marche. (Isaïe 58, 4-9)

Si nous voulons bâtir un pays dont nous sommes fiers, un pays où il fait bon vivre pour tout le monde, un pays que nous voulons léguer à nos enfants en leur inculquant ce que nous avons de plus cher, nos valeurs d'intégrité dont le nom de notre pays est le symbole, nous devons écouter la voix de notre conscience, là où le Créateur nous rencontre et nous parle.

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