Koungheul — Se déplacer entre le chef-lieu de leur commune et Koungheul, leur capitale départementale, est devenu un casse-tête pour les populations de Lour Escale et de sa zone, à cause de l'état défectueux de la piste latéritique qui relie les deux localités, laquelle est surnommée "route de l'enfer", du fait de son caractère accidenté.
Il faut environ une heure aux usagers pour parcourir ce trajet de plus de 30 km et se rendre dans l'une ou l'autre localité.
A la gare routière de Koungheul, les taxis-brousse sont les seuls moyens de transport de passagers pour Lour Escale. Certains de ces taxis sont appelés "horaires" et d'autres "Gueleugueleu". Une autre catégorie est dénommée "Oupouya". Ils sont les seuls moyens de transport de passagers vers Lour Escale.
Il était 14heures, ce samedi là lorsque beaucoup de passagers en partance pour Lour Escale et Ribot Escale, une localité voisine, commencèrent à s'installer dans les voitures, munis de leurs tickets de voyage. Les tarifs varient entre 800 et 1300 francs CFA.
En plus des passagers, ces taxis brousses transportent toutes sortes de bagages, comme des matériaux de construction (ciment, fer, zinc, bois), des valises, etc. Mais cela ne semble gêner nullement Demba Sow, qui emprunte fréquemment cet axe routier.
Vêtu d'un "sabador" (tenue traditionnelle) de couleur beige recouvert de tâches et de poussière, il n'en parait pas moins remonté contre l'anarchie dans lequel s'effectue le transport des passagers. "II n'y a ni réglementation, ni loi", dénonce-t-il. Si les passagers voyagent à bord de ces taxis-brousse, c'est parce qu'ils n'ont pas de choix, martèle-t-il. "Soit tu montes, soit tu descends. Un point, un trait", lance un quinquagénaire, excédé par le comportement d'un passager venant de Kaolack, qui déplorait la surcharge de la voiture et les conditions de voyage.
D'ailleurs, lance-t-il d'un ton moqueur à son interlocuteur, "je vais prendre place sur le porte-bagage pour être plus à l'aise". Cette discussion entre les deux clients installe une bonne ambiance dans le véhicule, les autres passagers s'invitant sans crier gare à la discussion, puis dévient de sujet en parlant de choses et d'autres.
A ses nouveaux clients, le chauffeur du véhicule prévient que le voyage sera long et difficile, à cause de l'état déplorable de la route qui est en latérite. Le véhicule a-t-il à peine dépassé Koungheul que les nouveaux arrivants ne tardent pas à prendre la mesure du calvaire qui les attend, avec les rafales de particules de poussière qui s'engouffrent dans le véhicule.
"Roule doucement, s'il te plaît !", lancent des voyageurs au chauffeur, installé confortablement au volant de son taxi-brousse. Mais ayant l'air de minimiser la situation, il met un morceau de l'artiste Kéba Seck qui cartonne actuellement. Cela n'en ragaillardit pas pour autant les passagers qui, désormais, observent le silence. Les uns essaient de se protéger comme ils peuvent de la poussière en ajustant leur masque ou encore à l'aide de foulards, ou de lunettes. Les autres se réfugient dans la prière dans l'espoir d'arriver à bon port sains et saufs.
Ada Top, un passager originaire de Médina Sobène, confie que cela fait plusieurs décennies que les usagers de cette piste latéritique vivent ce calvaire. "Nous sommes très fatigués. Cela fait plus de 30 ans que nous vivons ce calvaire". Outre le problème d'évacuation des malades, les populations doivent aussi faire avec les accidents et leurs lots de pertes en vies humaines.
A la merci des nids de poule et de la poussière
La piste est jalonnée de nids-de-poule. Et la densité de la poussière rougeâtre rend impossible toute visibilité. Impassible, le chauffeur appuie encore plus fortement sur l'accélérateur, sous les cris des passagers. "Doucement, doucement, s'il te plaît", supplient-il en choeur.
"Il faut qu'il roule doucement, avec les nids-de-poule et la poussière, c'est trop dangereux", lance le jeune Baba Niang d'un ton qui laisse transparaitre l'inquiétude.
Sur le trajet, le taxi-brousse s'arrête parfois pour débarquer des passagers arrivés à destination. Plusieurs villages, dont Yati Khay, LourEscale,Sobel Diam, SinthiouSamgnaga, Sambène, Touba Aly Mbinde, Keur Dame Lèye, Koura khaye 2, Ndiabardou, SobelNdagnane, jalonnent la piste.
A chaque fois, les voyageurs qui descendent du véhicule ont la tête, les paupières, les lobes des oreilles et les habits recouverts d'une poussière rouge. Après avoir fini de céder sa place à une autre femme plus âgée, Fatou Thiam qui doit se rendre à Ribot Escale, ne semble nullement ébranlée par les conditions du voyage.
Les passagers ne sont pas au bout de leurs peines, à cause d'autres difficultés qui se dressent encore sur leur route. II y a par exemple la traversée de ce ravin qui oblige le chauffeur à rouler doucement et avec maîtrise et stratégie. Grâce à sa dextérité, le véhicule semble exécuter des acrobaties, tout en zigzagant de gauche à droite pour éviter les nids-de-poule. Les passagers sont balancés et ballotés dans tous les sens en raison de l'état déplorable de la route.
Babou, un autre jeune chauffeur à bord du véhicule, évoque les risques d'accidents à cause des pannes récurrentes des amortisseurs et des risques d'éclatement des pneus. Il invite les autorités à bitumer la route pour désenclaver la zone. Selon lui, ce tronçon mène directement à la commune de Ribot Escale et même vers le Diolof, dans la région de Louga.
"C'est une route impraticable et détériorée, fatigante et stressante", soutient une jeune dame. Tenant un bidon d'eau entre les mains, le visage encadré par des lunettes noires bien ajustées, elle déclare que "c'est un véritable parcours du combattant, avec la surcharge du véhicule, les conditions de voyage, mais aussi l'état de la route".
Elle estime que cette route pourrait jouer un rôle important dans l'économie locale, avec le transport des marchandises et l'évacuation des productions agricoles.
" Nous lançons un appel solennel au président de la République, Macky Sall, à venir au chevet de Lour Escale, un chef-lieu de l'arrondissement", ajoute-t-elle.