Mali: Referendum constitutionnel au Mali - A qui profite le report ?

Assimi Goita , president de la transition malienne .

Comme l'on s'y attendait depuis la mi-février 2023, le référendum constitutionnel initialement prévu pour le 19 mars prochain, a été reporté ; les difficultés d'ordres économique, logistique, administratif et sécuritaire n'ayant pas pu être résolues par les autorités de la Transition afin d'organiser dans le calme et la sérénité, cette large consultation du peuple, qui débouchera, si elle a lieu, sur des changements fondamentaux dans la gestion du Mali sur tous les plans.

L'annonce de ce " léger report " a été faite le 10 mars dernier, à travers un communiqué du ministre de l'Administration territoriale, qui a rassuré, dans la foulée, les Maliens et les partenaires du Mali, que la date de la présidentielle prévue pour le mois de février 2024, sera, quant à elle, maintenue. Mais il faut être naïf ou politiquement scorbutique pour croire à cette promesse du Colonel Abdoulaye Maïga, d'autant que si le reférendum est décalé en juin prochain comme on le murmure déjà, il y aura ipso facto un glissement de l'ensemble du chronogramme électoral qui prévoit une série de scrutins devant aboutir à la transmission du pouvoir aux civils à la fin de la Transition.

Dans la presse et sur la toile, les trolls du gouvernement se sont déchaînés contre tous ceux qui estiment, à tort ou à raison, que le décalage de la consultation référendaire va certainement faire l'affaire de la junte au pouvoir, d'autant que cette dernière pourrait s'en prévaloir pour repousser la date de la présidentielle, afin de permettre à Assimi Goita de proroger son bail au palais de Koulouba, en tombant le masque et le treillis le moment venu. A vrai dire, les anti-junte qui s'agitent depuis la semaine dernière comme des alevins en bordure de mer, pour dénoncer une manoeuvre dilatoire afin d'aller vers un probable glissement électoral, ne sont pas forcément de mauvaise foi, surtout que certains responsables de la Transition n'en ont pas fait un mystère.

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La CEDEAO aura encore les yeux rivés sur les rives du Djoliba

Toutefois, ils devraient reconnaitre que les conditions sont loin d'être réunies pour des élections crédibles et transparentes, dans un pays dont le Nord et le Centre échappent au contrôle de l'Etat. En tout état de cause, on peut se demander à qui profite réellement ce report, quand on sait que la CEDEAO va sans doute ressortir le sabre dès qu'elle se rendra compte des velléités de pérennisation au pouvoir du régime de la Transition. Quant à l'opposition politique et à certaines organisations de la société civile, aucune opération de séduction ne pourra les convaincre d'accepter le tissu de crétineries qu'agitent les partisans des " môgôs puissants de Bamako " et qui fait croire que le départ d'Assimi Goïta du pouvoir précipiterait le Mali dans le gouffre.

C'est donc un cocktail explosif en perspective dans ce pays déjà très mal en point, qui risque de faire "sauter le chapeau du chef", surtout si les politiques, les OSC, les imams et érudits musulmans qui sont vent debout contre certaines dispositions du projet de nouvelle Constitution, font jonction avec les rebelles de l'extrême Nord qui ont soudainement remis au goût du jour leurs revendications indépendantistes, pour exiger le respect strict du délai donné aux transitaires pour débarrasser le plancher.

On sait qu'Assimi Goïta et les siens veulent se donner du temps pour " achever leurs chantiers de sécurisation, de reconstruction et de réconciliation " entamés depuis leur putsch de 2021, mais ils doivent travailler à se débarrasser vite de cette patate chaude qu'est le pouvoir dans ce pays où la pauvreté et les conflits intercommunautaires se répandent comme un feu de forêt. On peut bien comprendre qu'ils soient gênés aux entournures puisqu'ils n'ont manifestement pas pu stopper les attaques terroristes ordonnées et coordonnées par les nullissimes chefs de katiba, mais ils devront avoir pour autant la sagesse de ne pas s'arc-bouter au pouvoir, sous peine de voir les choses partir davantage en vrilles, avec de possibles contestations tous azimuts.

Reporter le scrutin référendaire pour justifier plus tard le report des élections, pourrait se révéler être un couteau à double tranchant entre les mains des hommes forts de Bamako, et on espère qu'ils auront assez de lucidité pour ne pas galvauder cet immense capital de sympathie dont ils jouissent auprès de nombreux Maliens, en quittant les choses avant que les choses ne les quittent, pour reprendre la célèbre formule du Général De Gaulle. A partir de maintenant, il n'y a pas de doute que la CEDEAO aura encore les yeux rivés sur les rives du Djoliba, afin d'éviter qu'une éventuelle perturbation du calendrier électoral dans ce pays, fasse tache d'huile dans d'autres de la sous-région et suscite même des vocations là où on s'y attend le moins.

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