Congo-Kinshasa: Crise sécuritaire à l'est de la RDC - Tant que prévaudront les calculs politiques

La marmite congolaise continue de bouillonner. En effet, le cessez-le-feu annoncé pour le 7 mars dernier entre le M23 et les troupes gouvernementales congolaises, n'aura duré que le temps d'un feu de paille et les hostilités ont repris de plus belle au Nord-Kivu dont la capitale est toujours dans le viseur de la rébellion.

Cette dégradation rapide de la situation sécuritaire à l'Est du pays, a eu, tant à l'externe qu'à l'interne, d'importantes répercussions. En effet, à l'externe, l'Angola qui, dans cette crise, jouit du statut de médiateur, a décidé, selon un communiqué de la présidence, d'envoyer sur le théâtre des opérations, un contingent militaire. La mission principale de cette unité militaire qui sera déployée au Nord-Kivu, est de sécuriser les zones de cantonnement du M23 et de protéger les membres de l'équipe chargée de surveiller le respect du cessez-le-feu. Selon ce communiqué daté du 11 mars, la décision de Luanda est intervenue après consultation avec Kinshasa. L'ONU et d'autres dirigeants de la région ont aussi été informés de cette initiative.

La décision de Luanda est une importante victoire diplomatique pour Félix Tshisekedi

Avec cette intervention militaire de l'Angola qui est le véritable gendarme de cette région tourmentée des Grands lacs, le conflit au Nord-Kivu s'internationalise davantage et plus que jamais, la RDC mérite son nom de " Balkans africains " ou de " poudrière sous-régionale ". Il faut donc craindre désormais une conflagration généralisée de la région quand on sait que les rebelles du M23 bénéficient des soutiens supposés ou avérés du Rwanda et de l'Ouganda. En attendant de voir l'évolution de la situation sur le terrain avec cette entrée annoncée des militaires angolais, l'on peut dire que la décision de Luanda est une importante victoire diplomatique pour Félix Tshisekedi dans la mesure où elle s'inscrit dans le dispositif mis sur pied à l'issue des rencontres internationales et visant à enquêter sur les accusations réciproques entre la RDC et le Rwanda ainsi que les allégations de violation de la frontière entre les deux voisins. Mieux, la décision constitue un important soutien pour Kinshasa qui peut espérer, comme dans les années 90 où l'intervention de Luanda aux côtés du président Laurent-Désiré Kabila, avait été décisive, un remake de l'histoire. Au plan interne, la fin prématurée du cessez-le-feu a eu pour effet, les manifestations de l'opposition congolaise, le 11 mars 2023, avec, à la tête du mouvement, Martin Fayulu, Moïse Katumbi et Augustin Matata Ponyo, tous les trois candidats à la prochaine présidentielle. Ces manifs qui ont drainé d'importantes foules ont repris les accusations sempiternelles de Kinshasa contre le voisin rwandais, mais visaient surtout à dénoncer la gouvernance du président Félix Tshisekedi. " La riposte n'est pas à la hauteur de l'agression ", a-t-on entendu dire. Les opposants dénoncent aussi la présence, sur le territoire congolais, de forces étrangères assimilées à des troupes d'occupation impérialiste qui n'ont d'yeux que pour les richesses du pays.

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A quand le bout du tunnel ?

Avec ces manifs de l'opposition, point n'est besoin d'avoir le troisième oeil du sorcier de la forêt équatoriale, pour comprendre que la guerre à l'Est de la RDC s'est installée dans les enjeux des futures élections et risque même de dominer les débats. Certes, on peut surfer sur le sentiment national pour se hisser à la tête de l'Etat, mais le danger est que les hommes politiques sont capables d'attiser le feu au nom de leurs intérêts. Cela dit, l'on peut se demander, avec ces derniers développements, pourquoi le conflit, malgré toutes les initiatives diplomatiques et même militaires, ne cesse de s'enliser. Au nombre des causes structurelles, il y a que l'Est de la RDC est aux confluents de la mosaïque des populations qui font l'histoire de la région. Tous les pays de la région semblent y avoir des représentants qui sont tantôt redoutés par les régimes respectifs des différents Etats, tantôt utilisés pour protéger leur pouvoir.

L'on sait, en effet, que le Rwanda, accusé de soutenir le M23 à tendance Tutsi, l'utilise pour combattre et se protéger des rebelles du FDLR à tendance Hutu. Mais au-delà de l'imbroglio du " salad bowl " congolais, ce sont les richesses du territoire congolais qui attisent les convoitises des uns et des autres. C'est donc la confirmation de la malédiction de la richesse minière. Ces foyers d'incendie sont attisés par des bandes armées qui circulent dans tous les pays de la région et qui ont destabilisé tour à tour l'Angola, les deux Congo, le Rwanda, le Burundi et cela, avec la bénédiction des marchands d'armes internationaux.

Dans cette diversité des intérêts, l'on comprend aisément que la paix, en RDC, est piégée par les calculs politiques. La question que l'on peut se poser, est la suivante : à quand le bout du tunnel ? Il est difficile de répondre à la question, tant les intérêts sont divergents. Mais pour retrouver la paix, il faut non seulement un plan global de pacification de la région des Grands Lacs, mais il faut aussi et surtout que les autorités congolaises, comme le suggère la mission onusienne qui séjourne dans le pays, acceptent d'ouvrir le dialogue avec le M23 pour d'abord éteindre l'incendie avant d'envisager de consolider la paix.

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